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19/10/2016 | FRANCE | N°15NT03918

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 octobre 2016, 15NT03918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'arrêté du 13 octobre 2015 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1508526 du 15 octobre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2015 sous le numéro 15NT03918, Mme A...E..

., représentée par MeF..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'arrêté du 13 octobre 2015 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1508526 du 15 octobre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2015 sous le numéro 15NT03918, Mme A...E..., représentée par MeF..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 octobre 2015 et les décisions de réadmission vers l'Italie et d'assignation à résidence prises par le préfet de la Loire-Atlantique le 13 octobre 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de se reconnaître responsable de sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois suivant le prononcé de la décision à intervenir, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour examen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de la décision de réadmission vers l'Italie :

- c'est à tort que le jugement a conclu que la motivation de la décision était suffisante ;

• le jugement ne précise pas que l'acceptation, par l'Italie, est tacite, ce pays n'ayant jamais répondu à la demande de reprise en charge alors qu'en vertu du règlement Dublin III, il appartient à la France de s'assurer que l'Etat responsable n'est pas défaillant ;

• l'examen rigoureux, approfondi, et individualisé, de sa situation n'apparaît pas à la lecture du jugement ; c'est ainsi que ni la décision attaquée, ni le jugement querellé ne comportent une ligne sur la situation en Italie au regard des réfugiés en novembre 2015 ;

- le jugement contesté ne retient pas la violation de son droit à information :

• il se borne à faire valoir qu'elle a signé un formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile, sur lequel figurait la mention selon laquelle des guides lui ont été remis ; il appartenait à la préfecture de démontrer qu'elle s'est acquittée de son obligation, dans une langue qu'elle comprend, ce dès l'introduction de sa demande d'asile, sauf à méconnaitre l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

• l'information sur le règlement Eurodac (article 29) aurait dû intervenir au moment de la collecte de ses empreintes, ce qui n'a pas été le cas ; le jugement qui ne répond pas à ce moyen doit être annulé ;

• aucune pièce au dossier ne permet d'être assuré que les guides qui lui ont été remis sont ceux qui sont requis dans le règlement Dublin III et qu'ils ont été transmis dans une langue qu'elle comprend, en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

• c'est à tort que le jugement fait valoir que l'entretien individuel s'est déroulé dans des conditions normales au sens de l'article 5 du règlement Dublin III ; il n'est pas possible en effet de vérifier les conditions de confidentialité et de qualification posées par ce règlement dès lors que cet entretien ne comporte aucun élément quant à la qualification de l'agent l'ayant mené, ni même une signature ou un cachet ; en outre, à aucun moment elle n'a été interrogée sur son vécu en Italie et sur le fait de savoir si elle a des craintes en cas de retour dans ce pays ;

- c'est à tort que le jugement contesté lui reproche de ne pas démontrer qu'elle serait personnellement soumise à un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il s'agit là d'un renversement de la charge de la preuve ou à tout le moins d'une exigence trop élevée d'individualisation du risque ;

- le jugement fait valoir à tort qu'elle n'entre pas dans le dispositif dérogatoire de relocalisation ; la préfecture n'a pas examiné les nouvelles dispositions de l'article 3 du règlement Dublin III sur l'accès à la procédure d'asile, pour le cas où un Etat, quoique responsable, présente des défaillances en matière d'accueil ; le jugement contesté qui écarte ce moyen doit être annulé ; le préfet avait la possibilité de déroger aux règles de détermination " Dublin " en appliquant une des clauses dérogatoires à sa disposition, soit la clause de souveraineté de l'article 17 sans nécessité d'invoquer le moindre motif que ce soit ;

s'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la préfecture ne démontre pas le risque de fuite tel que prévu par les dispositions des articles L. 511-1 II et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise sans avoir été précédée de l'information qui lui était due ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission vers l'Italie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées.

Il fait valoir que, le transfert de l'intéressée n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois à compter de l'acceptation par l'Italie, il n'y a plus lieu d'y statuer ; à défaut, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon.

1. Considérant que MmeE..., ressortissante nigériane née le 17 avril 1995, entrée irrégulièrement sur le territoire français, a demandé le 17 août 2015 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique ; qu'un refus lui a été opposé le 26 août 2015 au motif que le relevé décadactylaire effectué avait révélé qu'elle avait demandé l'asile auprès des autorités italiennes le 23 juillet 2015 ; que, par décisions du 13 octobre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique a, d'une part, ordonné la remise de Mme E...aux autorités italiennes, et, d'autre part, prononcé son assignation à résidence ; que Mme E...relève appel du jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant réadmission vers l'Italie :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement n°604/2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article 21.1 du même règlement : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut (...) requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur " ; qu'aux termes de l'article 29.1 du même texte : " Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée (...) " ; qu'aux termes de l'article 29.2 du même texte : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. (...)" ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...a sollicité l'asile en France le 17 août 2015 ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé qu'elle avait déjà formé une demande d'asile en Italie le 23 juillet 2015 ; que, suite à une demande de réadmission effectuée par la France, les autorités italiennes ont accepté de reprendre en charge Mme E...par décision du 10 septembre 2015 ; que le préfet de la Loire-Atlantique a alors, par la décision contestée du 13 octobre 2015, prononcé la remise de cette dernière aux autorités italiennes ; que, toutefois, il n'est pas contesté que cette décision du 13 octobre 2015 n'a fait l'objet d'aucun commencement d'exécution et que Mme E...continue à demeurer sur le territoire français postérieurement à l'expiration du délai de six mois à compter de la décision du 10 septembre 2015 ; qu'il ne ressort pas en outre des pièces du dossier que ce délai ait été prolongé ; que dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l'article 29.2 du règlement n° 604/2013, l'Italie est libérée de son obligation de reprise en charge de MmeE... et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de cette dernière est transférée à la France ; qu'il suit de là que les conclusions de la requérante tendant à l'annulation du jugement du 15 octobre 2015, en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre la décision du 13 octobre 2015 décidant sa remise aux autorités italiennes, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

4. Considérant que la circonstance que le préfet n'a pas exécuté la mesure de remise aux autorités italiennes ne rend pas sans objet les conclusions de MmeE... contre le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence, qui a produit des effets ; que l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet en défense doit dès lors être écartée ;

5. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige, que Mme E...reprend en appel sans plus de précision, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal au point 10 du jugement attaqué ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant remise aux autorités italiennes constitue le fondement légal de l'arrêté portant assignation à résidence, lequel a été pris en vue de pourvoir à l'exécution de cette décision ; que Mme E...soutient que cette mesure est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de réadmission ; que toutefois, Mme E...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance tirés de l'insuffisante motivation de la décision en litige, de la méconnaissance des dispositions des articles 3,4, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et de la violation des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant réadmission doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si Mme E...soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles L. 561-2 et L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que l'article L. 511-1 II de ce code ne saurait constituer le fondement légal de la décision prise à son encontre, qui prend la forme d'une assignation à résidence et non pas d'une obligation de quitter le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que tout risque que MmeE..., qui ne peut justifier ni d'une domiciliation stable ni d'une entrée régulière sur le territoire français, se soustraie à la mesure de remise aux autorités italiennes, ait été exclu ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant assignation à résidence a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant, la décision d'assignation à résidence ayant été prise en vue de l'exécution de la décision de remise de Mme E...aux autorités italiennes et non en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 décidant son assignation à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui se borne à rejeter les conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme sollicitée par Mme E...au profit de son avocat à ce titre ;

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NANTES

N°1004587

______

M. C... D...

______

M. Gave

Rapporteur

______

M. Gille

Commissaire du Gouvernement

______

Audience du 9 juin 2011

Lecture du

______

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif DE NANTES ,

(5ème chambre),

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 octobre 2015 en tant qu'il rejette la demande d'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 décidant la remise de Mme E...aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2016.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT03918 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03918
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-19;15nt03918 ?
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