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28/12/2016 | FRANCE | N°15NT01315

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 décembre 2016, 15NT01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 15ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1405247 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés le 4 septembre 2015, la société

Aquaproduction, représentée par Me D... et Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 15ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1405247 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés le 4 septembre 2015, la société Aquaproduction, représentée par Me D... et Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure préalable au licenciement a été respectée dans la mesure où le délai entre l'entretien préalable et la réunion du comité d'entreprise s'imposait et que M. A...avait, préalablement, été informé de la nature des griefs qui lui étaient reprochés ;

- M. A...a été correctement informé par l'inspectrice du travail, notamment, des agissements qui lui étaient reprochés et de l'identité des salariées ayant témoigné dont il connaissait déjà les noms après la procédure préalable ;

- M.G..., directeur d'usine, avait qualité pour demander l'autorisation de licenciement à l'inspection du travail ;

- l'inspectrice du travail avait compétence pour instruire la demande de licenciement ;

- la décision d'autorisation de licenciement est suffisamment motivée ;

- M. A...a eu connaissance des motifs de licenciement avant la tenue de l'entretien préalable ;

- la réunion du comité d'entreprise, qui ne pouvait pas se tenir à une autre date en vertu des dispositions du code du travail, s'est déroulée conformément aux règles en vigueur ;

- la procédure conduite par l'inspection du travail a respecté le principe du contradictoire dès lors que M. A...avait été mis à même de consulter les documents composant la demande de licenciement ;

- le licenciement est sans lien avec le mandat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 30 octobre 2015, M. F...A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Aquaproduction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande d'autorisation de le licencier émane d'une autorité incompétente ;

- la décision autorisant son licenciement, insuffisamment motivée, a été signée par une autorité incompétente ;

- la procédure de l'entretien préalable, prévue à l'article L. 1232-3 du code du travail, n'a pas été respectée ;

- le délai entre l'entretien préalable et la réunion du comité d'entreprise, trop court, ne lui a pas permis de préparer son audition devant ce dernier ;

- il n'a été informé de la nature des faits à l'origine de la procédure de licenciement qu'après l'entretien préalable du 9 avril 2014 ;

- le déroulé de la réunion du comité d'entreprise n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- l'inspectrice du travail, qui n'a procédé à aucune audition de témoins à décharge et aucune vérification des faits ainsi que de leur imputabilité à sa personne, n'a pas conduit une procédure respectant le principe du contradictoire ;

- l'inspectrice n'a pas examiné les liens entre le licenciement et les mandats syndicaux qu'il exerce au sein de la société alors qu'il ressort des pièces fournies que la société Aquaproduction a mis en place une discrimination à l'encontre des salariés protégés.

Une mise en demeure a été adressée le 26 août 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant la société Aquaproduction.

1. Considérant que la société Aquaproduction relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 15ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique du 25 avril 2014 autorisant le licenciement de M.A... ;

Sur la légalité de la décision contestée:

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-9 de ce même code : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., s'est vu, le 31 mars 2014, notifier sa mise à pied à titre conservatoire, puis a été convoqué, par un courrier du 1er avril 2014, à un entretien préalable prévu le 9 avril 2014 à 11h ; que, ce courrier indiquait à l'intéressé que la " réception d'une plainte d'agressions subies par une salariée " conduisait la société Aquaproduction à envisager l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave ; que, par une deuxième lettre du 3 avril 2014, M. A...a été convoqué pour être entendu par le comité d'entreprise le 9 avril 2014 à 15h ; que si ces deux courriers ne comportaient aucune précision sur la nature des griefs retenus à son égard, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre de M. A...contestant sa mise à pied à titre conservatoire, qu'il a eu connaissance de l'ensemble des faits d'exhibition sexuelle qui lui sont reprochés, dès la remise en main propre le 31 mars 2014 de la lettre portant notification de sa mise à pied ; qu'il a pu, dans ces conditions, bénéficier d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition par le comité d'entreprise, le 9 avril 2014 à 15h, et n'a donc pas été privé du droit de tout salarié à organiser sa défense prévu par les dispositions précitées des articles L. 2421-3 et R. 2124-9 du code du travail ;

4. Considérant, en second lieu, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article L. 2421-11 du code du travail, préalablement à une autorisation de licenciement d'un salarié protégé, impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces sur lesquelles l'employeur s'appuie pour établir la matérialité des faits allégués à l'appui de sa demande ; que c'est seulement lorsque l'accès à ces pièces serait de nature à porter gravement préjudice à leur auteur, que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ; que, par ailleurs, le respect du caractère contradictoire de l'enquête n'impose pas à l'administration de communiquer au salarié, de sa propre initiative, l'ensemble de ces éléments, ni que celle-ci soit tenue de procéder elle-même à la convocation et à l'audition d'éventuels témoins ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision de l'inspectrice du travail du 25 avril 2014, que celle-ci a informé M. A...du grief qui lui était reproché par la société Aquaproduction, ainsi que des témoignages qui ont été versés au dossier, dont il avait déjà eu connaissance au cours de son entretien préalable, ainsi que de l'identité de leurs auteurs ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé des griefs formulés à son encontre avant le second entretien avec l'inspectrice du travail, ni que l'inspectrice devait organiser l'audition de témoins en sa faveur ;

6. Considérant que c'est par suite à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée du 25 avril 2014 aux motifs qu'elle avait méconnu les dispositions des articles L. 2421-11 et L. 2421-3 du code du travail ; qu'il y a lieu, toutefois, pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, doit vérifier que cette demande est présentée par l'employeur de ce salarié ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom ; que M. A...n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'administration se serait abstenue de procéder à une telle vérification ; que, dès lors, il n'est pas fondé à contester la compétence de M. E... G..., " Directeur d'usine ", pour avoir solliciter l'autorisation administrative de licenciement ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., inspectrice du travail de la section 15 de l'Unité territoriale de la Loire-Atlantique, avait compétence pour instruire la demande d'autorisation de licenciement émanant du directeur de l'usine Aquaproduction, située à Cheméré (44680) ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée " ; que la décision contestée mentionne les articles L. 2411-3 et L.2411-13 du code du travail, et les éléments de fait invoqués dans la demande de la société Aquaproduction ainsi que ceux recueillis lors de l'entretien préalable de M. A...et lors de l'enquête contradictoire ; qu'elle précise la matérialité des faits reprochés à l'intéressé et indique qu'ils constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ; que cette décision est , par suite, suffisamment motivée ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-3 du code du travail : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A...a eu connaissance des faits d'exhibition sexuelle commis envers des salariées de l'entreprise sur lesquels s'est fondé son employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement ; qu'il ressort de la décision contestée que celle-ci est fondée sur ces seuls faits ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à la délivrance de l'autorisation de licenciement doit être écarté ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du témoignage d'une des salariées de l'entreprise, que M. A...s'est livré le 31 mars 2014 à une exhibition sexuelle devant cette dernière ; que ces faits sont survenus dans le local du comité d'entreprise dont M. A...avait la clef ; que trois autres salariées ont également dénoncé les comportements de même nature auxquels s'est livré M. A...les années précédentes ; que les attestations produites par M. A...ne suffisent pas à remettre en cause ces faits, lesquels, compte tenu de leur caractère répétitif, constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier la mesure de licenciement prise à son encontre ;

13. Considérant, enfin, qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, il n'est pas établi que la décision de licenciement contestée serait en lien avec les fonctions représentatives exercées par M. A...au sein de la société Aquaproduction ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Aquaproduction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 avril 2014 l'autorisant à licencier M.A... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Aquaproduction, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M.A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature que la société Aquaproduction a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 mars 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : M. A...versera une somme de 1 000 euros à la société Aquaproduction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aquaproduction, à M. F...A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01315
Date de la décision : 28/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : CABINET RACINE (NANTES)

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-28;15nt01315 ?
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