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08/03/2017 | FRANCE | N°13NT01611

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 mars 2017, 13NT01611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- La société d'économie mixte pour le développement orléanais (SEMDO) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a placé sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s 45, 47, 49, 51, 53, 55, 57, 59, 61, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77 bis de la rue des Carmes, à Orléans.

Par un jugement n° 1203158 du 2 avril 2013, le tribunal a

dministratif d'Orléans a annulé la décision du 18 juillet 2012 en tant qu'elle pla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- La société d'économie mixte pour le développement orléanais (SEMDO) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a placé sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s 45, 47, 49, 51, 53, 55, 57, 59, 61, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77 bis de la rue des Carmes, à Orléans.

Par un jugement n° 1203158 du 2 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 juillet 2012 en tant qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et aux n°s impairs 63 à 77 bis de la rue des Carmes, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SEMDO dirigées contre cette décision en ce qu'elle porte sur les immeubles sis aux n°s 45, 59 et 61 .

II- La ville d'Orléans a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a placé sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s 45, 47, 49, 51, 53, 55, 57, 59, 61, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77 bis de la rue des Carmes, à Orléans.

Par un jugement n° 1203157 du 2 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 juillet 2012 en tant qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et aux n°s impairs 63 à 77 bis de la rue des Carmes, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la ville dirigées contre cette décision en ce qu'elle porte sur les immeubles sis aux n°s 45, 59 et 61.

Procédure devant la cour :

I- Sous le n° 13NT01611 :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 4 juin 2013 et 15 mai 2015, la ministre de la culture et de la communication demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203158 du 2 avril 2013 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé, à la demande de la SEMDO, sa décision du 18 juillet 2012 en ce qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et aux n°s impairs 63 à 77 bis de la rue des Carmes ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, les conclusions de la demande présentée par la SEMDO devant le tribunal administratif d'Orléans.

Elle soutient que :

- le jugement du 2 avril 2013 est insuffisamment motivé ; il est, également, entaché d'une contradiction de motifs ;

- l'article L. 621-7 du code du patrimoine, relatif à l'instance de classement au titre des monuments historiques institue un régime distinct de celui, défini par l'article L. 621-1 de ce code, relatif au classement définitif au titre des monuments historiques ; le régime conservatoire mis en place par l'article L. 621-7 du code du patrimoine n'implique pas que les immeubles concernés répondent aux critères justifiant un classement définitif ; une instance de classement d'un immeuble ne débouche pas nécessairement sur le classement de cet immeuble ; le seul critère posé par l'article L. 621-7 est celui de l'existence d'une menace affectant la conservation de l'immeuble ; si la procédure d'instance de classement ne peut être utilisée pour un immeuble manifestement dépourvu de tout intérêt historique ou architectural, elle n'implique pas que les immeubles visés par cette procédure présentent un intérêt public d'histoire ou d'art justifiant leur classement ; en se fondant sur l'absence de justification d'un intérêt public, artistique ou historique, visé à l'article L. 621-1 du code du patrimoine, le tribunal a confondu les deux régimes et commis une erreur de droit ;

- le tribunal a également commis une erreur de fait ; si le critère relatif à l'intérêt public, artistique ou historique d'un immeuble ne s'applique pas en matière d'instance de classement, il convient néanmoins de prendre en compte l'intérêt patrimonial présenté par l'immeuble ; en l'espèce, un tel intérêt est établi par le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) d'Orléans ; les maisons anciennes bordant la rue des Carmes remontant au Moyen-âge ou à l'époque moderne, édifiés selon des modes constructifs traditionnels avec de matériaux locaux, forment un tissu homogène et dessinent avec leur vis-à-vis une partie de la trame historique de la ville ; le directeur des affaires culturelles du Centre a estimé, dans ses notes des 13 avril 2010 et 26 septembre 2011, que le projet de démolition de l'intégralité du front sud de la rue historique des Carmes, placé au coeur du projet de Zone d'aménagement concerté, n'est pas compatible avec le règlement de la ZPPAUP ; tous les immeubles peuvent être restaurés et retrouver leur caractère d'origine, ainsi qu'en témoignent les opérations de restauration menées sur les immeubles de la rue de Bourgogne ; l'Architecte des bâtiments de France de même que le chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine du Loiret se sont, également, montrés défavorables à la destruction de la partie patrimoniale de cette rue ;

- la circonstance que la décision litigieuse ne tient pas compte du coût de réhabilitation des immeubles et de l'équilibre économique du projet urbain est inopérante.

Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2014, la société d'économie mixte pour le développement orléanais (SEMDO) conclut au rejet du recours du ministre de la culture et de la communication, à l'annulation de la décision ministérielle du 18 juillet 2012 portant ouverture d'une instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles sis aux n°s 47 à 77 bis de la rue des Carmes et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- les moyens invoqués par la ministre ne sont pas fondés ;

- la circonstance que les immeubles soient compris dans une ZPPAUP est sans incidence dès lors que les critères posés par l'article L. 642-1 du code du patrimoine pour l'instauration d'une telle zone de protection sont distincts de ceux auxquels doit satisfaire un immeuble pour faire l'objet d'une décision le plaçant sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques ; est, de même, sans incidence, la circonstance que deux immeubles auraient postérieurement à la décision litigieuse été inscrits au titre des monuments historiques ; l'intérêt patrimonial évoqué par la ministre ne suffit pas pour justifier légalement la décision litigeuse ;

- elle entend reprendre les moyens qu'elle a soulevés en première instance et dont la cour sera saisie par l'effet dévolutif de l'appel si elle ne retient pas les motifs d'annulation du jugement du tribunal administratif, tirés de ce que la ministre de la culture et de la communication n'a pas procédé à un examen particulier des circonstances et que sa décision, dont la motivation est purement formelle et fictive, est entachée d'une erreur de droit, d'une inexacte qualification juridique des faits et d'un détournement de pouvoir.

Par une ordonnance du 13 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2016.

II- Sous le n° 13NT01612 :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 4 juin 2013 et 15 mai 2015, la ministre de la culture et de la communication demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203157 du 2 avril 2013 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé, à la demande de la ville d'Orléans, sa décision du 18 juillet 2012 en ce qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et aux n°s impairs 63 à 77 bis de la rue des Carmes ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, les conclusions de la demande présentée par la ville d'Orléans devant le tribunal administratif d'Orléans.

Elle soutient que :

- le jugement du 2 avril 2013 du tribunal administratif d'Orléans est insuffisamment motivé ; il est également entaché d'une contradiction de motifs ;

- l'article L. 621-7 du code du patrimoine, relatif à l'instance de classement au titre des monuments historiques institue un régime distinct de celui, défini par l'article L. 621-1 de ce code, relatif au classement définitif au titre des monuments historiques ; le régime conservatoire mis en place par l'article L. 621-7 du code du patrimoine n'implique pas que les immeubles concernés répondent aux critères justifiant un classement définitif ; une instance de classement d'un immeuble ne débouche pas nécessairement sur le classement de cet immeuble ; le seul critère posé par l'article L. 621-7 est celui de l'existence d'une menace affectant la conservation de l'immeuble ; si la procédure d'instance de classement ne peut être utilisée pour un immeuble manifestement dépourvu de tout intérêt historique ou architectural, elle n'implique pas que les immeubles visés par cette procédure présentent un intérêt public d'histoire ou d'art justifiant leur classement ; en se fondant sur l'absence de justification d'un intérêt public, artistique ou historique, visé à l'article L. 621-1 du code du patrimoine, le tribunal a confondu les deux régimes et commis une erreur de droit ;

- le tribunal a également commis une erreur de fait ; si le critère relatif à l'intérêt public, artistique ou historique d'un immeuble ne s'applique pas en matière d'instance de classement, il convient néanmoins de prendre en compte l'intérêt patrimonial présenté par l'immeuble ; en l'espèce, un tel intérêt est établi par le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) d'Orléans ; les maisons anciennes bordant la rue des Carmes remontant au Moyen-âge ou à l'époque moderne, édifiés selon des modes constructifs traditionnels avec de matériaux locaux, forment un tissu homogène et dessinent avec leur vis-à-vis une partie de la trame historique de la ville ; le directeur des affaires culturelles du Centre a estimé, dans ses notes des 13 avril 2010 et 26 septembre 2011, que le projet de démolition de l'intégralité du front sud de la rue historique des Carmes, placé au coeur du projet de Zac, n'est pas compatible avec le règlement de la ZPPAUP ; tous les immeubles peuvent être restaurés et retrouver leur caractère d'origine, ainsi qu'en témoignent les opérations de restauration menées sur les immeubles de la rue de Bourgogne ; l'Architecte des bâtiments de France de même que le chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine du Loiret se sont également montrés défavorables à la destruction de la partie patrimoniale de cette rue ;

- la circonstance que la décision litigieuse ne tient pas compte du coût de réhabilitation des immeubles et de l'équilibre économique du projet urbain est inopérante.

Par un mémoire, enregistré le 18 février 2014, la ville d'Orléans conclut au rejet du recours de la ministre de la culture et de la communication, à l'annulation de la décision ministérielle du 18 juillet 2012 portant ouverture d'une instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles sis aux n°s 47 à 77 bis de la rue des Carmes et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la ministre ne sont pas fondés ;

- le fait que les immeubles soient compris dans une ZPPAUP est sans incidence dès lors que les critères posés par l'article L. 642-1 du code du patrimoine pour l'instauration d'une telle zone de protection sont distincts de ceux auxquels doit satisfaire un immeuble pour faire l'objet d'une décision le plaçant sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques ; est, de même, sans incidence, la circonstance que deux immeubles auraient postérieurement à la décision litigieuse été inscrits au titre des monuments historiques ; l'intérêt patrimonial évoqué par la ministre ne suffit pas pour justifier légalement la décision litigeuse ;

- elle entend reprendre les moyens qu'elle avait soulevés en première instance et dont la cour sera saisie par l'effet dévolutif de l'appel si elle ne retient pas les motifs d'annulation du jugement du tribunal administratif, tirés de ce que la ministre de la culture et de la communication n'a pas procédé à un examen particulier des circonstances et que sa décision, dont la motivation est purement formelle et fictive, est entachée d'une erreur de droit, d'une inexacte qualification juridique des faits et d'un détournement de pouvoir .

Par une ordonnance du 13 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique:

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société d'économie mixte pour le développement orléanais et la ville d'Orléans.

1. Considérant que les recours n° 13NT01611 et 13NT01612 présentés par la ministre de la culture et de la communication ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la ville d'Orléans et la société d'économie mixte pour le développement orléanais (SEMDO) ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a placé sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 45 à 77 bis de la rue des Carmes, à Orléans ; que, par les jugements attaqués n°s 1203157 et 1203158 du 2 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 juillet 2012 en tant qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et aux n°s impairs 63 à 77 bis de la rue des Carmes, et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la ville d'Orléans et de la SEMDO dirigées contre cette décision en ce qu'elle porte sur les immeubles sis aux n°s 45, 59 et 61 ;

3. Considérant que la ministre de la culture et de la communication relève appel des jugements du 2 avril 2013 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'ils ont annulé sa décision du 18 juillet 2012 en ce qu'elle porte sur les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et 63 à 77 bis de la rue des Carmes ; que, pour leur part, la ville d'Orléans et la société d'économie mixte pour le développement orléanais (SEMDO) demandent " l'annulation de la décision ministérielle du 18 juillet 2012 portant ouverture d'une instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 77 bis de la rue des Carmes " ;

Sur la légalité de la décision du 18 juillet 2012 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-1 du code du patrimoine : "Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en tout ou en partie par les soins de l'autorité administrative", et qu'aux termes de l'article L. 621-7 de ce code : " Lorsque la conservation d'un immeuble est menacée, l'autorité administrative peut notifier au propriétaire par décision prise sans formalité préalable une instance de classement au titre des monuments historiques. A compter du jour où l'autorité administrative notifie au propriétaire une instance de classement au titre des monuments historiques, tous les effets du classement s'appliquent de plein droit à l'immeuble visé. Ils cessent de s'appliquer si la décision de classement n'intervient pas dans les douze mois de cette notification " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du " dossier de protection " établi, en 2010, en vue de l'examen, par la commission régionale du patrimoine et des sites, de la demande de protection au titre des monuments historiques, des immeubles situés aux n° 45 et 59 de la rue des Carmes, que cette voie est une artère de circulation d'origine antique, située à la sortie ouest du " castrum ", lieu fortifié gallo-romain, dans la continuité de la rue de Bourgogne, correspondant à l'ancien " decumanus maximus ", axe principal de circulation de la cité, autour de laquelle s'est constitué un faubourg médiéval intégré dans la dernière enceinte de la ville construite au XVIème siècle et dont " de nombreux immeubles conservent encore leurs partis constructifs des XVI, XVII et XVIIIème siècles " ; que les immeubles sis aux n°s impairs 45 à 77 bis, qui constituent le front sud de cette rue, objet de la décision du 18 juillet 2012 litigieuse, sont compris dans le coeur historique dit de " l'intra mail " d'Orléans classé en secteur 1 de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) d'Orléans, créée le 4 février 2008, secteur défini par le règlement de cette zone de protection comme constituant " un tissu relativement homogène " qui " s'étire le long des axes historiques de circulation qui constituaient les premiers faubourgs de la ville " ; que le " plan du front sud de la rue des Carmes ( n° 45 à 77 bis) " établi en 2006 par le service départemental de l'architecture et du patrimoine (SDAP) du Loiret, versé au dossier, précise que la majorité des immeubles concernés a été édifiée entre le XVème et le XVIIème siècle ;

6. Considérant que le rapport de présentation de la ZPPAUP, qui étudie le patrimoine architectural de " l'intra mail ", relève que la rue des Carmes est caractérisée par des immeubles du type " maison à boutique ou atelier ", implantés à l'alignement de cette rue, les plus anciennes de ces maisons remontant au Moyen-âge ou à la Renaissance ; que ce rapport précise, également, que ces maisons à boutique sont réalisées " en pan-de-bois laissé apparent ou recouvert " ; qu'il consacre d'importants développements à l'évolution des façades à pan-de-bois d'Orléans du XVème au XIXème siècle, en se référant sur ce point aux études spécifiques du SDAP, du service régional de l'inventaire et du service archéologique de la ville d'Orléans, et souligne " la richesse du patrimoine en pan-de-bois d'Orléans, richesse tant technique qu'esthétique " et que les " pans de bois majoritaires dans certains quartiers (...) ont participé plus que la pierre à l'image des rues " ; que ce rapport précise, p. 116, que des bâtiments à pan-de-bois ont été repérés par le SDAP, aux n°s 47, 49, 51, 53, 63, 67 et 69, de la rue des Carmes et identifie sur la carte figurant p. 117, sept parcelles pourvues d'une façade pan-de-bois entre les n°s 45 et 77 ;

7. Considérant que " l'étude historique et patrimoniale de la rue des Carmes " menée, en 2009, par le service archéologique municipal d'Orléans relève, également, qu'entre la fin du Moyen-âge et la fin de la Renaissance, " la construction en pierre semble être privilégiée au nord " de la rue des Carmes " alors qu'au sud, on retrouve un nombre significatif de maisons à pans-de-bois " ; que le ministre produit, d'ailleurs, une photographie de l'immeuble sis au n° 55 de la rue des Carmes faisant apparaître, dissimulée sous un enduit en mauvais état, une façade polychrome à pan-de-bois comportant des croix de Saint-André permettant de dater cet immeuble du XVème siècle ;

8. Considérant que les dispositions du règlement de la ZPPAUP applicables au secteur 1 précisent que 90 à 95 % des constructions de ce secteur sont " des bâtiments d'intérêt architectural " et que ce fond bâti " constitué au fil des siècles selon des modes constructifs traditionnels et avec des matériaux locaux ", " forme un tissu homogène d'une très grande valeur d'ensemble dans lequel une majorité des bâtiments possède une valeur propre ", qui doivent " à ce double titre (...) être protégés et mis en valeur ", alors que la partie est de cette rue, intégrée dans le secteur 4 dit du " Quartier de la reconstruction ", a été détruite par un incendie en juin 1940 ; que ce règlement définit, s'agissant de " l'aspect extérieur des bâtiments d'intérêt architectural ", des prescriptions relatives au ravalement des façades à pan-de-bois " destiné ou non à rester apparent " ; que, dans une lettre du 9 février 2006, le chef du SDAP a sur ce point indiqué, dans le cadre des travaux du groupe de travail sur le projet d'aménagement urbain relatif au tracé de la ligne 2 du tramway traversant la rue des Carmes, que ces immeubles constituaient " la partie patrimoniale de cette rue, la seule ayant échappé à l'incendie de 1940 " et que " l'expérience des ravalements et réfections (...) rue de Bourgogne (...) ont montré combien les altérations superficielles n'étaient pas définitives et qu'une simple gangue recouvre souvent des trésors " ; qu'enfin, les immeubles sis aux n°s 45 et 59-61 ont fait l'objet, le 19 octobre 2011, de la part de la commission régionale du patrimoine et des sites, d'un avis favorable à leur inscription au titre des monuments historiques ;

9. Considérant que, compte tenu des développements qui précédent, la ville d'Orléans et la SEMDO ne sauraient soutenir que les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 77 bis de la rue des Carmes, objet de la décision litigieuse, " ne présentent aucun intérêt ", ne sont pas compris dans " les bâtiments d'intérêt architectural " visés par le règlement de la ZPPAUP mais sont des " bâtiments d'intérêt architectural mineur " et ne constituent pas " un ensemble cohérent d'urbanisme ancien ", la " cohérence alléguée de l'ensemble en cause " étant " fantaisiste tout autant que son caractère ancien " ; qu'elles ne peuvent se prévaloir de ce que ces immeubles ne sont pas répertoriés comme " des bâtiments de grand intérêt architectural " par le règlement de la zone de protection ", cette circonstance ne pouvant à elle seule déterminer l'absence d'intérêt d'une construction ; qu'en outre, cette qualification n'avait pas été retenue par ce règlement, s'agissant des immeubles sis aux n°s 45 et 59-61, alors que leur intérêt architectural et artistique a été reconnu, ainsi qu'il a été dit plus haut, le 19 octobre 2011 par la commission régionale du patrimoine et des sites, ces immeubles ayant, au surplus, à la suite de cet avis, été inscrits au titre des monuments historiques par deux arrêtés préfectoraux du 18 mars 2013 ; qu'elles ne peuvent davantage se prévaloir ni de ce que cette commission n'aurait pas proposé, dans son avis, d'étendre la mesure d'inscription à l'ensemble des immeubles concernés, dès lors qu'elle n'avait été saisie, s'agissant de la rue des Carmes, que des deux demandes d'inscription susmentionnées, ni encore des conclusions de la commission d'enquête désignée dans le cadre de l'enquête diligentée à l'occasion de la déclaration d'utilité publique de la zone d'aménagement concerté " Carmes-Madeleine " dont l'avis porte sur l'utilité publique globale du projet ;

10. Considérant qu'il est constant que, le 13 juillet 2012, cinq permis de démolir ont été déposés pour les immeubles situés entre les n°s 45 et 76 de la rue des Carmes de sorte que leur conservation était, à la date de la décision litigieuse, menacée ; que, dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 9, et alors même qu'à l'exception des immeubles situés aux n°s 45 et 59-61, les immeubles en cause n'ont fait l'objet, ni antérieurement, ni postérieurement à la décision litigieuse du 18 juillet 2012, d'une mesure de protection au titre des monuments historiques ou d'un secteur sauvegardé, en les plaçant, eu égard à l'intérêt rappelé ci-dessus qu'ils présentent au point de vue de l'histoire et de l'art, en instance de classement au titre des monuments historiques, la ministre de la culture, qui n'a entaché sa décision, ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 621-7 du code du patrimoine ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours, que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a jugé que la ministre avait fait une inexacte application de ces dispositions et qu'il a annulé, pour ce motif, sa décision en tant qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et 63 à 77 bis de la rue des Carmes ;

12. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la ville d'Orléans et la SEMDO devant le tribunal administratif d'Orléans et devant la cour ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la ministre n'aurait pas procédé à un examen particulier des circonstances ; que le moyen tiré de ce que la décision du 18 juillet 2012 ne serait pas motivée est inopérant dès lors que cette décision ne présente pas le caractère d'une décision individuelle ; qu'enfin, cette décision ayant été prise, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, dans le but d'assurer la protection d'immeubles intéressant l'histoire et l'art, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 juillet 2012 en tant qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux n°s impairs 47 à 57 et 63 à 77 bis de la rue des Carmes, d'autre part, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leurs conclusions, que la ville d'Orléans et la SEMDO ne sont pas fondées à demander l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la ville d'Orléans et la SEMDO demandent au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1203157 et n° 1203158 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés en tant qu'ils annulent la décision du 18 juillet 2012 de la ministre de la culture et de la communication en ce qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux nos impairs 47 à 57 et 63 à 77 bis de la rue des Carmes.

Article 2 : Les conclusions des demandes dirigées contre la décision du 18 juillet 2012 de la ministre de la culture et de la communication en ce qu'elle place sous le régime de l'instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles sis aux nos impairs 47 à 57 et 63 à 77 bis de la rue des Carmes, présentées par la ville d'Orléans et par la SEMDO devant le tribunal administratif d'Orléans, et leurs conclusions d'appel dirigées contre la décision du 18 juillet 2012 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la ville d'Orléans et de la SEMDO tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture et de la communication, à la ville d'Orléans et à la société d'économie mixte pour le développement orléanais.

Délibéré après l'audience du 14 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président,

- M. Millet, premier conseiller,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2017.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A.PEREZ Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 13NT01611,13NT01612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01611
Date de la décision : 08/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL SYMCHOWICZ WEISSBERG ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-08;13nt01611 ?
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