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03/04/2017 | FRANCE | N°16NT01379

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2017, 16NT01379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision 2 avril 2013 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du ministre de l'intérieur du 17 septembre 2013 rejetant son recours dirigé contre cette première décision.

Par un jugement n° 1308717 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pi

ces enregistrés les 28 avril 2016 et 28 décembre 2016, MmeE..., représentée par Me C...puis pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision 2 avril 2013 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du ministre de l'intérieur du 17 septembre 2013 rejetant son recours dirigé contre cette première décision.

Par un jugement n° 1308717 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces enregistrés les 28 avril 2016 et 28 décembre 2016, MmeE..., représentée par Me C...puis par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 17 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française ou, à défaut, d'examiner à nouveau sa demande de naturalisation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée, et ne pouvait reposer sur des faits imputables à des tiers ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait, dès lors qu'elle s'est mariée sous le régime de la monogamie, n'a jamais cohabité avec l'autre épouse de son mari, était divorcée à la date à laquelle elle a formé sa demande de naturalisation et est bien intégrée à la société française ;

- elle est également erronée en fait en ce qu'elle est autonome financièrement et pourrait être titularisée dans son emploi si elle obtenait la nationalité française ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France, pays dont elle maîtrise la langue, qu'elle a deux enfants français et qu'elle est bien intégrée.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeE..., ressortissante sénégalaise, relève appel du jugement du 4 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 17 septembre 2013 rejetant sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée indique qu'elle est fondée sur les dispositions des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, et sur les circonstances selon lesquelles, d'une part, Mme E...a vécu avec un conjoint bigame de 1988 à 2011, la décision précisant les conditions de cette bigamie, et, d'autre part, l'intéressée ne justifie pas d'une activité professionnelle stable lui assurant des " revenus autonomes ", un complément de salaire lui étant versé sous la forme de prestations sociales ; que cette décision, qui pouvait légalement faire référence au comportement de l'époux de Mme E...et de la seconde épouse de ce dernier pour caractériser la situation de bigamie, est ainsi suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'en vertu de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au préfet, ainsi qu'au ministre, saisi sur recours préalable obligatoire, de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le postulant, ainsi que son degré d'autonomie matérielle, apprécié au regard du caractère suffisant et durable de ses ressources propres ;

4. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation présentée par MmeE..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs énoncés au point 2 du présent arrêt ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle Mme E...a épousé

M.A..., en 1988, celui-ci était déjà marié depuis vingt ans avec MmeB... ; que M. A...a eu plusieurs enfants nés en France avec chacune de ses épouses, dont trois de Mme E...en 1990, 1991 et 2008 et trois de Mme B...en 1990, 1991 et 1992 ; qu'une quittance de loyer établie au nom de M. A...et Mme B...en août 2004 est relative à l'adresse déclarée comme étant la sienne par Mme E...entre 1989 et 2008 dans sa demande de naturalisation ; que dans ces conditions, la requérante ne peut nier qu'elle connaissait la situation de bigamie de son époux, même si elle n'y avait pas donné son assentiment et s'était mariée sous le régime de la monogamie ; que si Mme E...a divorcé de M. A...en 2011, cette situation était encore récente à la date de la décision attaquée ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que Mme E...est agent contractuel du département de la Seine-Maritime, au sein des services duquel elle effectue régulièrement des remplacements depuis 2006, pour un salaire variable ; qu'il n'est pas contesté qu'elle bénéficiait, à la date de la décision attaquée, du revenu de solidarité active et ne bénéficiait pas ainsi d'une activité professionnelle stable ; que, dans ces conditions, alors même que la requérante pourrait prétendre à être titularisée, a deux enfants français et serait bien intégrée en France, c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation que le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être également rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme E...qui n'a, au demeurant, pas formé de demande d'aide juridictionnelle, sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du17 mars 2017, où siégeaient :

- M. Francfort, président,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2017.

Le rapporteur,

B. MASSIOULe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01379
Date de la décision : 03/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : LOUVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-04-03;16nt01379 ?
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