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18/05/2017 | FRANCE | N°16NT03442

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mai 2017, 16NT03442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 portant, d'une part, refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n° 1607776 du 19 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 portant, d'une part, refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n° 1607776 du 19 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2016 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer sa situation après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait ;

- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas examiné la possibilité de lui délivrer, sur ce fondement, une carte de séjour temporaire mention " salarié " ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français du 10 juin 2015 ne pouvant plus être exécutée à la date de l'arrêté contesté, le préfet ne pouvait pas s'y référer pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- il excipe de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- il excipe de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 et 28 février 2017, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le magistrat désigné n'était pas compétent pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ainsi que la cour l'a relevé d'office ;

- les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2016.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et par une lettre du 7 février 2017 de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aubert.

1. Considérant que M.C..., de nationalité kosovare, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 portant, d'une part, refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, assignation à résidence ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en application des dispositions combinées de l'article R. 776-17 du code de justice administrative et du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction alors applicable, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes n'était pas compétent pour statuer sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016, la formation collégiale du tribunal restant saisie de telles conclusions ; qu'il suit de là que son jugement est entaché d'incompétence en tant qu'il statue sur ces conclusions ; que, dès lors, il doit, dans cette mesure, être annulé ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement et par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus de ses conclusions à fin d'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision contestée que le préfet ne s'est pas borné à apprécier le droit au séjour en France invoqué par le requérant sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de sa vie privée et familiale mais a également pris en compte les motifs exceptionnels invoqués dans la demande en vue d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié ;

5. Considérant qu'eu égard à la teneur des attestations peu circonstanciées qui lui ont été soumises, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'erreur de fait en la fondant notamment sur le constat que " l'intéressé ne justifie ni suivre des cours de français ni participer aux activités /d'un/ centre social " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; qu'il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

7. Considérant que si M. C...fait valoir qu'il a cherché un emploi dans un secteur où les conditions de travail sont difficiles et perfectionné sa connaissance de la langue française pendant l'instruction de sa demande d'asile et qu'il n'a pas porté atteinte à l'ordre public, ces éléments ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ; que si le requérant soutient également qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de ramasseur de volailles, que cette activité ne nécessite aucune qualification professionnelle particulière et que l'entreprise qui lui a proposé ce travail est confrontée à des difficultés de recrutement, ces allégations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier ; qu'ainsi, M.C... ne justifie pas de l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour fondés sur sa profession de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " salarié " ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai :

8. Considérant que M. C...fait valoir, qu'entré en France en mars 2014, il s'y est marié avec une compatriote et que la famille de son épouse est présente sur le territoire français ; que, toutefois, Mme C...a fait l'objet, le 9 février 2015, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dont la légalité a été admise par un arrêt de la présente cour du 9 juin 2016 ; que si M. C...indique dans sa requête que son épouse a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le même jour que lui, il n'apporte aucune précision sur la suite donnée à cette demande ; qu'en outre, le préfet soutient sans être contredit que les membres de sa famille présents sur le territoire français y séjournent irrégulièrement et que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Kosovo où la cellule familiale pourra se reconstituer ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'accord de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :/ (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...)/ d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) " ; que le préfet a légalement fondé sa décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire au requérant sur le fait que celui-ci s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement alors même que cette mesure, édictée le 10 juin 2015, ne pouvait plus être exécutée à la date de la décision contestée ; que la double circonstance que l'administration n'a pas mis à exécution sa décision du 10 juin 2015, après le rejet par un jugement du 19 novembre 2015 du recours formé à son encontre, et que le requérant a poursuivi, après son édiction, ses efforts d'intégration à la société française n'est pas utilement invoquée ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois :

10. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'étant pas illégale, M.C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

11. Considérant que les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français n'étant pas illégales, le requérant n'est pas fondé à exciper de leur illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 doivent être rejetées et que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

13. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2016 et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2017.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT03442 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03442
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-18;16nt03442 ?
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