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14/06/2017 | FRANCE | N°16NT01252

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 juin 2017, 16NT01252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 18ème section d'inspection d'Indre-et-Loire a accordé à la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin l'autorisation de procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1500473 du 25 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr

és les 15 et 29 avril 2016, la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin, représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 18ème section d'inspection d'Indre-et-Loire a accordé à la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin l'autorisation de procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1500473 du 25 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 29 avril 2016, la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas tenu compte de la spécificité du marché européen et de la philosophie de son projet qui tend à privilégier le maintien d'une production de pneus poids lourds en France dans des conditions de compétitivité lui permettant à la fois de maintenir un haut niveau d'emploi et un niveau de production et d'exportation compétitives cohérent ;

- les autres moyens développés par M. B...devant le tribunal administratif, tirés du défaut de motivation de la décision contestée, de l'absence de motif économique justifiant son licenciement, de la violation de l'obligation de reclassement et de l'existence d'une discrimination, n'étaient pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 22 août 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas produit de mémoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2016, M. D...B..., représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge de la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., substituant MeC..., représentant la société Manufacture française des pneumatiques Michelin.

1. Considérant que le 26 juin 2013, la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a informé le comité central d'entreprise de son projet de réorganisation impliquant l'arrêt de la fabrication des pneumatiques poids lourds sur le site de Joué-lès-Tours en faveur du site de la Roche-sur-Yon et la spécialisation de son établissement d'Indre-et-Loire dans la production d'articles en caoutchouc et de tissu calandrés pour la fabrication de pneumatiques ; que cette restructuration devait entraîner la suppression de plus de 700 salariés sur le site de Joué-lès-Tours ; que huit salariés protégés, parmi lesquels figure M.B..., délégué du personnel, membre titulaire du comité d'établissement et délégué syndical, ont fait l'objet d'un licenciement pour motif économique ; que l'intéressé a contesté devant le tribunal administratif d'Orléans la décision du 4 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 18ème section d'inspection d'Indre-et-Loire a autorisé son licenciement ; que la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif a annulé cette décision ;

2. Considérant que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

3. Considérant que l'inspecteur du travail chargée de la 18ème section d'inspection du département d'Indre-et-Loire a estimé que la compétitivité du secteur d'activité du pneu poids lourds de la manufacture Michelin était menacée ; qu'il a fondé sa décision sur la surcapacité de la production mondiale, une évolution du marché à la baisse de 28% entre 2007 et 2012 " notamment du fait de la crise dans le secteur des transports en Europe de l'Ouest ", une diminution des parts de marché Michelin sur le marché total du remplacement en Europe entre 2004 et 2012, le recul des volumes vendus par la branche " poids lourds Europe " entre 2007 et 2012, et des investissements dans un projet qui n'a pas fonctionné en Europe en ce qui concerne des pneus de grandes dimensions ; que l'inspecteur du travail a ajouté que pour maintenir sa capacité à exporter et " sauvegarder sa compétitivité en Europe ", la manufacture Michelin avait décidé de se réorganiser ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert-comptable du comité central d'entreprise (CCE), que le livre 2 remis par la direction de Michelin au CCE, qui se réfère uniquement à la situation sur le marché européen, ne démontre pas les menaces sur la compétitivité du segment Poids Lourds ; que le cabinet comptable souligne que les marchés sont annoncés à la hausse jusqu'en 2018 avec un taux de marge évalué entre 7 et 9 % et que seules 56 % des productions européennes sont vendues en Europe ; qu'il précise que si les volumes attendus en 2018 restent en retrait par rapport à 2007 sur le seul périmètre Poids lourds Europe, une croissance de plus de 2,3 millions est attendue sur l'Europe entre 2012 et 2018 avec notamment une croissance économique notable sur le marché russe ; qu'en appel, la société requérante se borne à indiquer qu'elle n'a jamais soutenu qu'il existait deux marchés distincts dans le secteur des poids lourds, un marché mondial et un marché européen, mais souligne les caractéristiques du marché européen en mettant en avant les prix élevés et l'apparition de nombreux manufacturiers étrangers ; qu'elle reconnaît cependant que si le marché européen est en baisse constante, le marché mondial connaît une augmentation liée à l'apparition de besoins nouveaux dans les pays émergents ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'en se bornant à apprécier la situation de l'entreprise au niveau européen, l'inspecteur du travail avait entaché sa décision d'illégalité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 4 décembre 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin le versement à M. B...de la somme de 1500 euros qu'il demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin est rejetée.

Article 2 : La société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin, à M. D... B...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01252
Date de la décision : 14/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SCP TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-14;16nt01252 ?
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