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12/07/2017 | FRANCE | N°15NT01925

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 juillet 2017, 15NT01925


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

et les observations de MeE..., substituant MeJ..., représentant la SA Compagnie de gestion et de Prêts (CDGP).

1. Considérant que Mme D...était salariée de la SA Co

mpagnie de gestion et de Prêts (CGDP) en qualité de conseillère clientèle et exerçait les mandats de membre titulaire de ...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

et les observations de MeE..., substituant MeJ..., représentant la SA Compagnie de gestion et de Prêts (CDGP).

1. Considérant que Mme D...était salariée de la SA Compagnie de gestion et de Prêts (CGDP) en qualité de conseillère clientèle et exerçait les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel au sein de cette société et de déléguée syndicale ; que courant 2013, la SA CDGP a engagé, pour des motifs tirés de difficultés économiques et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, une procédure de licenciement économique collectif avec mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi afin d'ajuster ses effectifs et de faire évoluer son organisation par un changement du lieu de travail géographique ; que, dans le cadre de la mise en oeuvre de ces plans, Mme D...a refusé les propositions de reclassement interne qui lui ont été adressées ; que la SA CDGP a alors sollicité, le 22 juillet 2013, de l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité territoriale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre l'autorisation de licencier Mme D...pour motif économique ; que, par une décision du 17 septembre 2013, l'inspecteur du travail a autorisé la SA CDGP à procéder au licenciement de l'intéressée ; que, sur recours hiérarchique de MmeD..., le ministre chargé du travail a, par une décision du 18 mars 2014, confirmé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement ; que la SA CDGP relève appel du jugement du 23 avril 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du ministre chargé du travail du 18 mars 2014 et celle de l'inspecteur du travail du 17 septembre 2013 l'autorisant à licencier Mme D...;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SA CDGP, qui fait partie du groupe LaSer, oeuvre dans le secteur d'activité " Cartes et services financiers " ; que cette société a été créée en août 1981 pour être la société financière de la société Quelle SAS, société de vente à distance en France ; que, suite à un rapprochement, en janvier 2004, entre la société Quelle SAS et le groupe Laser-Cofinoga, ce dernier est entré à hauteur de 50 % au capital de la SA CDGP ; qu'en juillet 2009, la société Quelle SAS, qui était le partenaire commercial privilégié de la SA CDGP pour assurer 80 % de son activité, a été mise en redressement judiciaire ; qu'en mars 2010, la société Quelle SAS a été reprise par le groupe " 3 Suisses International " qui a décidé de limiter ses relations commerciales avec la SA CDGP puis, à partir de l'année 2012, de cesser tout rapport entre les deux entreprises ; que, selon la synthèse du rapport Sextant remis dans le cadre du droit d'alerte exercé par le comité d'entreprise, la disparition du client historique de la société, conjuguée avec l'intervention de la loi sur le crédit à la consommation qui réduit la rentabilité des opérations de crédit par une baisse des taux d'usure dans un contexte du marché du crédit morose, alors que la société s'était positionnée sur un créneau " mono-client et mono-produit " en axant essentiellement son portefeuille sur le crédit renouvelable, a conduit à des difficultés pour trouver de nouveaux partenaires ainsi qu'à une baisse de l'activité et de la rentabilité de la société ; qu'elle a ainsi entraîné une forte réduction des encours de crédits (hors contentieux) qui sont passés de 358,8 M€ en 2009, à 306,4 M€ en 2010, 252,1 M€ en 2011 et 223,3 M€ en 2012, soit une baisse cumulée de 37,76 % ; que la tentative de restructuration de la société par des recherches, notamment, de nouveaux clients sur Internet est restée infructueuse pour permettre une rentabilisation des activités, même sur une période de cinq ans ; que cette situation a conduit la SA CDGP à élaborer un plan de redressement et un plan de sauvegarde de l'emploi afin d'ajuster ses effectifs et de faire évoluer son organisation par un changement du lieu de travail géographique sur lesquels le comité d'entreprise de la société a rendu un avis favorable le 22 février 2013 ;

4. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort de ces mêmes pièces que le secteur d'activité " Cartes et services financiers " du groupe LaSer, qui comprend des filiales en France et à l'étranger et dont la SA CDGP participe à hauteur de 50 % environ à sa contribution opérationnelle en 2011, a connu une variation du taux de croissance annualisé moyen (TCAM) en forte baisse chutant de 25 % entre 2007 et 2011, ses revenus diminuant notamment de 222 M€ du fait d'un repli de la marge nette de commissions qui est passée de 1 200 M€ à 978 M€, soit une diminution de 18,5 % ; que dès lors, et alors même que le secteur d'activité dont il s'agit a connu, après une très forte baisse, une légère progression de son résultat opérationnel courant entre 2010 et 2011 après la mise en place du plan de restructuration de la SA CDGP qui a notamment eu pour effet d'entraîner une réduction de ses effectifs, la situation des sociétés ou des établissements du groupe oeuvrant dans ce secteur d'activité n'est pas de nature à modifier les perspectives économiques de la SA CDGP ;

5. Considérant qu'il suit de là que la SA CDGP a justifié, à l'appui de sa demande de licenciement de MmeD..., la réalité des difficultés économiques qu'elle alléguait ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête portant sur la régularité du jugement attaqué, c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Orléans a annulé pour ce motif la décision du ministre chargé du travail du 18 mars 2014 et celle de l'inspecteur du travail du 17 septembre 2013 l'autorisant à licencier cette salariée pour motif économique ;

6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant le tribunal administratif d'Orléans et devant la cour ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 que les personnes ayant reçu délégation de signature au nom du ministre en vertu de leur acte de nomination, telles que les directeurs généraux d'administration centrale, peuvent eux-mêmes déléguer leur signature ; que, par décret du 25 août 2006, M. I... a été nommé directeur général du travail ; que, par l'article 1er de la décision du 18 janvier 2012, publiée au Journal officiel de la République française du 5 février suivant, M. I... a délégué sa signature à M. B..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; que, par suite, M. B... était compétent pour signer, au nom du ministre chargé du travail, la décision du 18 mars 2014;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie (...) " ;

9. Considérant que la SA CDGP a son siège social dans la commune de Boigny-sur-Bionne (45), rattachée, à la date de la décision contestée, au canton de Chécy ; que, par une décision du 6 décembre 2011 portant délimitation des sections d'inspection du travail de l'unité territoriale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Centre, publiée au recueil des actes administratifs spécial n°72 de décembre 2011, ce canton est inclus dans le territoire géographique relevant de la 5ème section ; que par une décision du 12 décembre 2011, publiée dans le même recueil, M. F...G..., inspecteur du travail et signataire de la décision contestée, a été affecté à la 5ème section de cette unité territoriale ; qu'il était, par suite, compétent pour prendre la décision du 17 septembre 2013 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) " ;

12. Considérant que pour autoriser le licenciement de MmeD..., l'inspecteur du travail, après avoir visé les articles pertinents du code du travail et précisé les éléments de fait concernant la situation économique de la SA CDGP, a retenu que cette société avait bien établi la matérialité des difficultés économiques qu'elle alléguait, de sorte que sa décision de procéder à des licenciements économiques était fondée ; que l'inspecteur du travail mentionne également, dans sa décision, que la société avait effectué des efforts de reclassement en proposant à Mme D..., dont le poste avait été transféré sur le site de Mérignac, des emplois par deux courriers des 16 avril 2013 et 30 mai 2013 qu'elle avait refusés et que la décision de procéder à son licenciement économique était sans lien avec les mandats détenus par l'intéressée ; qu'il suit de là que l'inspecteur du travail a suffisamment motivé sa décision alors même qu'il aurait repris, à son compte, les motifs d'ordre économique invoqués par la société dont il a apprécié la pertinence ;

13. Considérant, en troisième lieu, que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit notamment, au point 1.1. du chapitre consacré aux mesures destinées à limiter le nombre de licenciements et à favoriser le reclassement interne, qu'" en cas de refus de la ou des propositions de reclassement interne par le salarié, la recherche de reclassement interne sera poursuivie dès lors que des postes existent ou sont vacants et qu'ils sont compatibles avec les compétences de l'intéressé (avec le suivi, si nécessaire, d'une formation d'adaptation) et ce jusqu'à la notification de licenciement, le cas échéant. Outre une notification expresse et écrite de refus, sont assimilés à un refus l'absence de réponse écrite par le salarié dans le délai de 15 jours imparti ou une acceptation avec réserve(s) relative(s) aux conditions du poste de reclassement proposé " ; que, selon le calendrier prévisionnel inclus dans ce plan, la mise en oeuvre opérationnelle doit se dérouler en deux étapes, la première du 4 mars 2013 au 7 avril 2013 durant laquelle les mobilités volontaires, tant internes qu'externes, seront recherchées par un envoi des propositions de changement de localisation géographique de postes pour les salariés concernés, avec un délai de réflexion fixé au plus tard le 3 avril 2013 et, la seconde, à compter du 8 avril 2013 avec le démarrage des recherches de reclassements individualisés ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 6 mars 2013, une mobilité géographique a tout d'abord été proposée à Mme D...qu'elle a refusée ; que par un courrier du 16 avril 2013, la société a alors proposé à l'intéressée six postes de reclassement en interne de niveau équivalent au poste qu'elle occupait en lui octroyant un délai de quinze jours pour faire connaître sa décision ; que l'intéressée les a implicitement refusés ; que, par un courrier du 30 mai 2013, la société lui a alors notifié une proposition complémentaire portant sur six nouveaux postes qu'elle a également implicitement refusés ; que c'est dans ces conditions que le projet de licenciement de Mme D...a été porté à l'ordre du jour du comité d'entreprise du 18 juillet 2013 et que l'autorisation de licenciement la concernant a été sollicitée auprès de l'administration le 22 juillet 2013 ; que par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la procédure de licenciement la concernant aurait été prise en méconnaissance des engagements pris par la SA CDGP dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi et résultant des dispositions précitées, ni qu'elle aurait subi un traitement plus défavorable que celui accordé à certains autres salariés ;

15. Considérant, enfin, que Mme D...ne peut, en se fondant sur les dispositions de l'article 1134 du code civil et sur le principe de la force obligatoire du contrat, utilement se prévaloir à l'encontre des décisions contestées de ce qu'elle avait été détachée auprès de l'Union régionale interprofessionnelle Centre CFDT suivant une convention tripartite du 16 juillet 2010 signée entre elle, la société et ce syndicat alors que, de plus, cette convention était devenue caduque pour ne pas avoir été régulièrement prorogée à la date de ces décisions ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA CDGP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du ministre chargé du travail du 18 mars 2014 et celle de l'inspecteur du travail du 17 septembre 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme D...la somme que la SA Compagnie de gestion et de Prêts demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme D...soit mise à la charge de la SA Compagnie de gestion et de Prêts, qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans n°1402027 du 23 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SA Compagnie de gestion et de Prêts et de Mme D... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Compagnie de gestion et de Prêts, au ministre du travail et à Mme C...D....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2017.

Le rapporteur,

M. H...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 15NT01925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01925
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL (PARIS)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-12;15nt01925 ?
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