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12/07/2017 | FRANCE | N°16NT00913

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 juillet 2017, 16NT00913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 7 février 2013 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1305668 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 17 mars 2016, Mme C...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 7 février 2013 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1305668 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2016, Mme C...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 15 mai 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle retient qu'elle n'aurait pas apporté la preuve de la régularisation de sa dette locative ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle est fondée sur les procédures judiciaires engagées à son encontre dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont anciens, que l'administration doit être réputée les avoir abandonnés pour ne pas avoir été opposés lors de sa précédente demande de naturalisation et qu'une de ces procédures ne la concerne pas alors qu'une autre s'explique par son jeune âge à la date des faits et du contexte familial particulier dans lequel ils se sont déroulés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il est demandé à la cour de procéder à une substitution de motif en substituant au second motif initial tiré de l'absence de régularisation de la dette locative, celui tiré du manquement répété aux obligations locatives ;

- pour le surplus, il s'en rapporte à ses écritures déposées en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;

- le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 ;

- la décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme C...D..., ressortissante tunisienne, relève appel du jugement du 3 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 15 mai 2013 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; que l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé dispose que " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de MmeD..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que la postulante, malgré une précédente demande ajournée en 1998 pour des faits de travail clandestin commis en 1996, avait persisté dans son comportement en faisant l'objet des procédures n°s 1998/298 et 1998/343 pour violences volontaires avec arme blanche et de la procédure n°2002/2287 pour violences volontaires et menaces d'atteinte aux personnes et, d'autre part, de ce qu'elle n'établissait pas avoir régularisé une dette locative d'un montant de 1 099 euros ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure alors en vigueur : " I. - Les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en oeuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'Etat, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. / Ces applications ont également pour objet l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques. / II. - Les traitements mentionnés au I peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d'âge, à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées au premier alinéa du I. / Ils peuvent également contenir des informations sur les victimes de ces infractions ; ces dernières peuvent toutefois s'opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné. / III. - Le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du procureur de la République compétent qui peut demander qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande. En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. (...) " ; que l'article 25 de la même loi dans sa rédaction alors en vigueur prévoit que la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21 s'effectue, notamment, lors de l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française ; que, dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, le conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'étaient pas remises en cause par l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 selon lequel " aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ", de sorte que les données recueillies dans les fichiers ne constitueront, dans chaque cas, qu'un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l'autorité administrative ;

5. Considérant que pour opposer les faits de violence à la demande de MmeD..., dont cette dernière conteste soit la matérialité des faits qui lui sont reprochés, soit leur imputabilité, le ministre s'est exclusivement fondé sur les mentions contenues dans le fichier de police dénommé " Système de traitement des infractions constatées " (STIC) ; que, dans ces conditions, alors que le ministre n'apporte aucune précision sur l'issue de ces procédures, il ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur les seuls faits ayant donné lieu aux procédures enregistrées dans ce fichier ;

6. Considérant, toutefois, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... était redevable au 26 décembre 2012 d'une dette locative de 1 099 euros envers son bailleur, la société " L'Immobilière Acl Pme " ; que si la requérante soutient qu'elle était à jour du paiement de ses loyers à la date de la décision contestée, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien fondé ; qu'en particulier, la légalité d'une décision s'appréciant à la date de son édiction, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'attestation de son bailleur du 10 avril 2017 selon laquelle elle est à jour dans le règlement des ses loyers et charges à la date de cette attestation ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur, dans l'exercice du large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, était en droit, pour ce motif, et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, d'ajourner la demande de naturalisation présentée par MmeD..., sans que cette dernière puisse utilement invoquer, eu égard à ce motif, la circonstance qu'elle vit, en France, depuis l'âge de trois mois et sa bonne intégration personnelle et professionnelle en France ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2017.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00913
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : CABINET VATIER et ASSOCIES AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-12;16nt00913 ?
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