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20/10/2017 | FRANCE | N°16NT01941

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2017, 16NT01941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...K...et Mme D...I...épouse K...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 19 novembre 2013 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leur demande de réintégration dans la nationalité française ainsi que les décisions des 5 février 2014 et 18 février 2014 par lesquelles la même autorité a rejeté leurs recours gracieux.

Par un jugement n°s 1403295 et 1403332 du 20 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du ministre

de l'intérieur des 19 novembre 2013, 5 février 2014 et 18 février 2014.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...K...et Mme D...I...épouse K...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 19 novembre 2013 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leur demande de réintégration dans la nationalité française ainsi que les décisions des 5 février 2014 et 18 février 2014 par lesquelles la même autorité a rejeté leurs recours gracieux.

Par un jugement n°s 1403295 et 1403332 du 20 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du ministre de l'intérieur des 19 novembre 2013, 5 février 2014 et 18 février 2014.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2016 et le 20 juin 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 avril 2016 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme F...K...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

­ les premiers juges ont retenu à tort que les décisions contestées étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le montant réel des revenus dont disposent les postulants en France sont insuffisants pour y faire vivre une famille composée de trois personnes majeures ;

­ pour écarter la demande de substitution de motifs qu'il a sollicitée en première instance fondée sur ce que les postulants n'avaient pas le centre de leurs intérêts en France, les premiers juges ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, M. et MmeK..., représentés par MeJ..., concluent au rejet du recours.

Ils soutiennent que :

­ la requête d'appel est irrecevable faute pour le ministre d'établir que son signataire disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée à la date de l'appel ;

­ les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés alors qu'ils ont, de plus, conservé la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ le code civil ;

­ le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

­ le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que par un jugement du 20 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 19 novembre 2013 du ministre de l'intérieur rejetant les demandes de réintégration dans la nationalité française présentées par M. et Mme F...K..., de nationalité algérienne, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux ; que le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un décret du 3 octobre 2013, publié au Journal officiel de la République française du 4 octobre suivant, Mme H... a été nommée directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité et bénéficie d'une délégation du ministre chargé des naturalisations en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; que, par une décision du 27 mai 2016, publiée au Journal officiel de la République française du 8 juin 2016, elle a donné délégation de signature à M. B...G..., chef du bureau des affaires juridiques et du contentieux de la sous direction de l'accès à la nationalité française et signataire de la requête, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions, relevant des attributions de son bureau ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête manque en fait et doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 du code civil : " La réintégration dans la nationalité française des personnes qui établissent avoir possédé la qualité de Français résulte d'un décret ou d'une déclaration suivant les distinctions fixées aux articles ci-après " ; qu'aux termes de l'article 24-1 du même code : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'il résulte des dispositions du même code relatives à la naturalisation que nul ne peut être naturalisé s'il ne remplit les conditions fixées aux articles 21-16 à 21-24 de ce code ; que si ces conditions ne sont pas remplies, le ministre est tenu de refuser la naturalisation, la demande étant déclarée irrecevable ; que si elles le sont, il n'est cependant pas tenu de prononcer la naturalisation ; qu'il lui appartient, lorsqu'il exerce le pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la naturalisation sollicitée, de tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire, y compris de celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts ;

5. Considérant que si le ministre chargé des naturalisations a rejeté les demandes de réintégration dans la nationalité française présentées par M. et Mme K...au motif que les ressources des postulants provenaient de l'étranger et qu'ils ne disposaient pas de revenus de source française suffisants pour assurer à eux seuls leur subsistance, il réitère dans sa requête d'appel communiquée aux intimés, un autre motif, tiré de ce que les intéressés ont conservé le centre de leurs intérêts matériels dans leur pays d'origine compte tenu des activités commerciales très lucratives que le couple conserve en Algérie et ce, malgré les investissements qu'ils ont pu réaliser en France ;

6. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

7. Considérant que si M. et Mme K...font valoir être propriétaires à Marseille de quatre biens immobiliers acquis les 16 février 2002, 10 décembre 2002, 22 avril 2004 et 23 décembre 2004 aux prix respectivement de 160 000 euros, 112 000 euros, 210 000 euros et 342 000 euros, il ressort des pièces du dossier qu'un de ces biens immobiliers constitue leur résidence principale en France et que les trois autres biens leur ont procuré des revenus fonciers qu'ils ont déclarés à hauteur de 5 783 euros, 7 557 euros et 14 897 euros au titre des revenus des années 2010, 2011 et 2012 ; qu'il ressort des mêmes pièces, notamment des énonciations contenues dans leurs recours gracieux, que M. F...est, en Algérie, propriétaire et actionnaire principal à hauteur de 70 % d'entreprises situées dans le domaine de l'industrie agro-alimentaire exploitées par ses enfants et que le couple y est également propriétaire d'un important patrimoine immobilier lui procurant des revenus fonciers d'environ 200 000 euros par mois, soit 2 400 000 euros par an ; que si les requérants font valoir qu'ils possèdent d'importants avoirs bancaires en France, ils n'apportent pas de précisions sur leur origine ; que, dans ces conditions, alors qu'il n'est pas contesté que les intéressés n'exercent aucune activité professionnelle en France et qu'ils tiraient ainsi quasi exclusivement leurs ressources d'activités et biens situés dans leur pays d'origine, M. et Mme K...ne peuvent être regardés comme ayant fixé en France, de manière stable, le centre de leurs intérêts ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris les mêmes décisions de rejet s'il s'était fondé initialement sur ce motif qui n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif réitérée en appel par le ministre, qui n'a pas pour effet de priver les intimés d'une garantie de procédure ; qu'eu égard à la substitution de motif à laquelle il est procédé, les requérants ne peuvent utilement contester le motif initialement retenu par le ministre chargé des naturalisations fondé sur l'insuffisance des revenus de source française pour assurer leur subsistance ;

8. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme K...en première instance ;

9. Considérant, d'une part, que MmeH..., directrice de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté, qui bénéficie d'une délégation du ministre chargé des naturalisations en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005, a consenti à Mme E...C..., attachée d'administration des affaires sociales et signataire des décisions contestées, une délégation de signature à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions qui lui sont confiées, par une décision du 24 octobre 2013 régulièrement publiée au journal officiel de la République française du 27 octobre suivant ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées doit être écarté ;

10. Considérant, d'autre part, que si M. et Mme K...soutiennent qu'ils ont conservé la nationalité française, ce que leur conteste l'administration, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision rejetant leur demande de réintégration dans la nationalité française ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 19 novembre 2013 rejetant les demandes de réintégration dans la nationalité française présentées par M. et Mme F...K...ainsi que les décisions des 5 février 2014 et 18 février 2014 rejetant leurs recours gracieux ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 avril 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. F...K...et de Mme D...I...épouse K...présentées devant le tribunal administratif de Nantes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. F...K...et à Mme D... I...épouseK....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01941
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : AMSELLEM THIERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;16nt01941 ?
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