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10/11/2017 | FRANCE | N°17NT00042

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 novembre 2017, 17NT00042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1610124 du 5 décembre 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 5 janvier 2017, Mme D...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1610124 du 5 décembre 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, Mme D...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 25 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet se fonde sur des dispositions en partie abrogées ;

- les délais prévus par l'article 25 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'ont pas été respectés ;

- il méconnait les dispositions de l'article 9 du règlement n° 604/2013 dans la mesure où sa nièce est présente en France et bénéficie d'une carte de résident en qualité de réfugiée ;

- il méconnait les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement n° 604/2013 dès lors que le préfet s'est cru tenu de la remettre aux autorités italiennes sans appréciation de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle offre en effet des garanties de représentation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bouchardon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante russe née le 7 mars 1960, entrée en France le 8 avril 2016 sous couvert d'un visa délivré par les autorités italiennes le 1er avril 2016, relève appel du jugement du 5 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de réadmission :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est ainsi suffisamment motivé en droit ; que le préfet de la Sarthe relate en outre le parcours personnel de MmeC..., son entrée en France, l'absence de motif de dérogation au titre des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n°604/2013, et indique que, compte tenu de son absence de lien familial en France, le transfert de l'intéressée en Italie pour l'examen de sa demande d'asile ne porte pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'enfin Mme C...n'établit pas l'existence de risques personnellement encourus portant atteinte au droit d'asile en cas de transfert en Italie ; que dans ces conditions, l'arrêté contesté est également suffisamment motivé en fait ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...soutient que le préfet a commis une erreur de droit en se fondant, dans l'arrêté contesté, sur les dispositions du règlement n°1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, alors qu'une grande partie de ces dispositions a été abrogée par l'article 48 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ; qu'elle ne précise toutefois pas lesquelles de ces dispositions auraient été à tort appliquées à sa situation ; qu'elle ne peut, dans ces conditions, être regardée comme justifiant de l'erreur de droit alléguée ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013 susvisé, relatif à la réponse à une requête aux fins de prise en charge : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête (...) ; 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'après avoir constaté que Mme C...était entrée en France sous-couvert d'un visa délivré par l'Italie, le préfet de la Sarthe a saisi, le 20 mai 2016, les autorités italiennes, d'une demande de prise en charge en application des dispositions de l'article 12 du règlement susvisé du 26 juin 2013 ; qu'à défaut de réponse de celles-ci dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013, un accord tacite est intervenu, le 20 juillet 2016 ; que, dans ces conditions, alors surtout que la circonstance que les autorités italiennes ont expressément confirmé cet accord implicite le 27 juillet 2016 est sans influence sur la légalité de l'arrêté, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de réponse des autorités italiennes dans le délai de deux mois à compter de leur saisine, la France serait devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du règlement du 26 juin 2013 susvisé : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit " et qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement, intitulé " définitions " : " aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) "membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres: - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve " ;

7. Considérant en l'espèce que si Mme C...peut se targuer de la présence en France de sa nièce, titulaire d'une carte de résident, cette dernière ne saurait être regardée comme un " membre de la famille " de l'intéressée au sens de ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance de l'article 9 du règlement susvisé ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que la requérante se borne à faire valoir que le préfet n'a pas pris en considération les conséquences de l'obtention du statut de réfugié par l'Etat italien et que " sa remise aux autorités italiennes remet en cause l'effectivité de la procédure d'asile " dès lors qu'elle ne pourrait " pas se défendre ni formuler des observations ", sans assortir ses allégations du moindre élément probant de nature à établir les risques qu'elle encourt en Italie ou que cet Etat serait, à la date de l'arrêté contesté, dans l'incapacité systémique d'accueillir les demandeurs d'asile et d'instruire leur demande ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 susvisé doit être écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, que l'arrêté contesté ne renvoie pas la requérante dans son pays d'origine ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant, en septième et dernier lieu, qu'en se bornant à alléguer de problèmes de santé et de ce qu'elle entretient des rapports étroits avec sa nièce présente en France, la requérante n'établit pas que l'arrêté contesté serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

11. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté, que Mme C...reprend en appel sans plus de précision, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif au point 14 du jugement attaqué ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

13. Considérant qu'en l'espèce, ainsi que le soutient elle-même la requérante, son éloignement était susceptible d'intervenir dans une perspective raisonnable et elle présentait des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à cette mesure ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté, qui constitue une mesure alternative au placement en rétention, n'a pas méconnu les dispositions précitées qui en constituent le fondement ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

15. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme C...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B... La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00042
Date de la décision : 10/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-10;17nt00042 ?
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