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15/12/2017 | FRANCE | N°16NT01414

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 décembre 2017, 16NT01414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association CRDC - Le lieu unique à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1507335 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 mai 2016 et le 20 décembre 2016, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2016 ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association CRDC - Le lieu unique à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1507335 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 mai 2016 et le 20 décembre 2016, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 7 juillet 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail de prendre une décision de refus d'autorisation de licenciement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision, après une nouvelle instruction du dossier, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge du CRDC - Le lieu unique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que la délégation de signature consentie au signataire de la décision contestée ait été régulièrement publiée ;

- les dispositions de l'article R. 2121-11 du code du travail ont été méconnues dès lors, d'une part, que l'inspecteur du travail a notifié sa décision autorisant son licenciement au-delà du délai de quinze jours imparti par cet article et, d'autre part, que l'intégralité des éléments de l'enquête recueillis au cours de l'enquête contradictoire ne lui a pas été communiquée ;

- la réalité des difficultés économiques dont s'est prévalu son employeur au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement n'est pas établie ;

- il n'est pas justifié de la nécessité de supprimer son poste ;

- l'effectivité de la suppression totale de son poste n'est pas établie ;

- son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ;

- il existe un lien entre son licenciement et son mandat syndical ;

- l'intérêt général tenant au maintien d'une représentation du personnel par l'organisation syndicale à laquelle elle appartient commandait que soit refusée l'autorisation de la licencier.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2016 et le 11 octobre 2017, l'association CRDC - le lieu unique, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de légalité interne soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeD..., et de MeC..., représentant le CRDC - Le lieu unique.

1. Considérant que MmeD..., élue le 18 novembre 2014, membre suppléante de la délégation unique du personnel au sein du CRDC - Le lieu unique, relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur à procéder à son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant que, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. " ; que, pour l'application de ces dispositions, est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

4. Considérant que MmeD..., employée par le CRDC - Le lieu unique depuis 1998, y a exercé diverses fonctions dans le secteur de la communication, en qualité d'attachée à l'information puis d'adjointe au responsable du secteur communication ; qu'elle a ensuite occupé le poste d'adjointe au responsable du secteur " Théâtre et Danse " ; qu'en vertu de l'avenant à son contrat de travail signé le 10 novembre 2011, elle exerçait, à la date de la décision litigieuse, les fonctions de coordinatrice de projets et d'événements interdisciplinaires, à raison des trois quarts de son temps de travail, et celles d'assistante auprès de la responsable de secteur " Théâtre et Danse " pour le quart restant ; que dans le cadre d'une réorganisation et d'une réduction de son champ d'activité, le CRDC - Le lieu unique a décidé de procéder à une restructuration des missions du personnel et à une réduction de ses effectifs se traduisant par la suppression de quatre emplois, dont celui de la requérante ; qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, il a joint le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise réuni le 12 mai 2015 dont il ressort que la direction a alors mentionné " l'impossibilité du reclassement [de MmeD...] en interne et le fait que la démarche de reclassement en externe a été infructueuse " ;

5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le CRDC - Le lieu unique a procédé à un recrutement externe pour pourvoir, à compter du 1er septembre 2015 et pour une durée de onze mois, le poste d'assistante de direction technique devenu vacant en raison du congé individuel à la formation pris par son titulaire ; qu'il ressort, d'une part, de l'offre d'emploi rédigée à cette occasion et, d'autre part, de la fiche de poste annexée au dernier avenant au contrat de travail de Mme D...ainsi que de la fiche décrivant les fonctions et le profil de cette dernière, établie par le CRDC - Le Lieu unique dans le cadre de ses recherches de reclassement externe, que la requérante a, dans le cadre des différentes fonctions qu'elle a exercées au sein de la structure, assuré des missions de même nature que celles figurant dans le descriptif de l'offre d'emploi, notamment la gestion de plannings, la préparation et le suivi de budgets, l'accueil d'artistes et de techniciens et la diffusion d'informations ; que, selon l'offre d'emploi, figurent parmi les compétences attendues du titulaire du poste une " culture du spectacle vivant ", compétence dont justifie MmeD..., outre une parfaite connaissance de la structure dans laquelle elle a évolué durant dix-sept années ; que les attestations établies par deux cadres, sous l'autorité desquels Mme D...a travaillé, font état des nombreuses interactions que ses fonctions de coordination et de production impliquaient avec l'équipe technique et précisent que la requérante était notamment amenée à rédiger et diffuser des comptes-rendus de réunions techniques et à assurer le suivi des contrats et des budgets techniques ; qu'il ressort, en outre, du curriculum vitae produit par la requérante, dont la teneur n'est pas contestée, que l'intéressée avait en début de carrière assuré le secrétariat technique d'un festival de théâtre ; que si le CRDC - Le lieu unique fait valoir que ce poste requiert des compétences très particulières et notamment une maîtrise du " jargon technicien " et des connaissances en matière de législation sociale relative aux intermittents du spectacle, il ne démontre pas que l'acquisition de ces compétences en vue de l'exercice des fonctions d'assistante de direction, à les supposer non acquises par MmeD..., aurait nécessité une formation excédant les efforts de formation et d'adaptation auxquels l'employeur est tenu en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail ; que le départ, au demeurant non établi, du directeur technique au cours de l'été 2015 ne suffit pas à démontrer que l'adaptation de Mme D... à ces fonctions aurait gravement désorganisé l'association ; que, dans ces conditions, en faisant droit à la demande d'autorisation de licenciement présentée par le CRDC - Le lieu unique alors qu'il existait une possibilité de reclassement sur le poste d'assistant de direction technique qui n'a pas été proposé à MmeD..., l'inspecteur du travail a fait une inexacte application des dispositions précitées du code du travail ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que le présent arrêt implique seulement que l'inspecteur du travail se prononce à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par le CRDC - Le lieu unique ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de

MmeD..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le CRDC - Le lieu unique demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CRDC - Le lieu unique la somme de 1 500 euros que la requérante demande au titre de frais de même nature ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2016 et la décision de l'inspecteur du travail du 7 juillet 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande d'autorisation présentée par le CRDC - Le lieu unique de licencier Mme D...pour motif économique, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le CRDC - Le lieu unique versera à Mme D...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : les conclusions du CRDC - Le lieu unique présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...D..., au ministre du travail et au CRDC - Le lieu unique.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Pérez, président de chambre,

M. Degommier, président assesseur,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 décembre 2017.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01414
Date de la décision : 15/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP GODARD DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-15;16nt01414 ?
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