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22/12/2017 | FRANCE | N°16NT00015

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 décembre 2017, 16NT00015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me D...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. F...C...et de la Sa Asia Motor France, a demandé au tribunal administratif de Nantes de déclarer l'Etat responsable du préjudice subi par M. C...et par la Sa Asia Motor France du fait de manquements aux règles de la concurrence et d'ordonner une expertise afin d'évaluer ce préjudice.

Par un jugement n° 1403315 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 4 janvier 2016 Me D...A..., agissant en qualité de liquidateur jud...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me D...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. F...C...et de la Sa Asia Motor France, a demandé au tribunal administratif de Nantes de déclarer l'Etat responsable du préjudice subi par M. C...et par la Sa Asia Motor France du fait de manquements aux règles de la concurrence et d'ordonner une expertise afin d'évaluer ce préjudice.

Par un jugement n° 1403315 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2016 Me D...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. F...C...et de la Sa Asia Motor France, représentés par la Selarl Baffou-Dallet-BMD, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 novembre 2015 ;

2°) de juger que, le délai de prescription quadriennale n'ayant pas commencé à courir, sa demande n'est pas prescrite ;

3°) de juger que l'Etat a commis des fautes engageant sa responsabilité en méconnaissant les règles de la concurrence ;

4°) d'ordonner une expertise par un expert-comptable afin d'évaluer le préjudice subi par M. C...et par la Sa Asia Motor France du fait de ces manquements ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son action n'est pas prescrite car le délai ne peut commencer à courir que lorsque la créance est certaine, liquide et exigible, ce qui n'est pas le cas tant qu'elle n'a pas été admise par le débiteur ou constatée par une décision de justice ;

- les premiers juges ont estimé à tort qu'il avait eu connaissance de sa créance à compter de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 20 septembre 2001, alors que cette action, qui tendait à faire reconnaître la mise en place d'entente illicite en méconnaissance de l'article 85 du traité des Communautés européennes, constituait un litige distinct de son présent recours en responsabilité contre l'Etat ;

- l'Etat a commis plusieurs fautes, en incitant cinq entreprises importatrices de voiture à créer une entente illicite pour maintenir un quota de 3% d'importation de voitures asiatiques, en imposant des restrictions à l'importation à M. C...et à la Sa Asia Motor France pour préserver ce système, et en méconnaissant de ce fait le principe d'égalité de traitement des entreprises d'un même secteur d'activité ;

- son préjudice résulte de la perte de chance des acteurs qu'il représente d'exercer une activité dans le domaine de l'importation de voitures asiatiques et d'en retirer un bénéfice.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique conclut au rejet de la requête présentée par MeA....

Il soutient que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que M. F...C..., propriétaire d'une concession automobile, était également le président directeur général de la Sa Asia Motor France, dont l'objet social était l'importation et la vente de voitures de marque japonaise ; qu'à la fin des années 1980 l'administration française a refusé de délivrer à M. C...et à la Sa Asia Motor France l'accréditation qui leur aurait permis d'importer des voitures du Japon ; que, s'estimant victimes d'une entente illicite entre l'Etat français et cinq sociétés importatrices de voitures japonaises en France, les intéressés ont déposé plainte devant la Commission européenne ; qu'ils ont par la suite été placés en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Angers du 28 mars 1990, qui a désigné Me B...A...comme liquidateur judiciaire ; que, par une nouvelle décision du tribunal de commerce du 7 mars 2003, ce dernier a été remplacé par Me D...A... ; que M. C... et la Sa Asia Motor France ont demandé en 1991 au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à leur verser 16 millions de francs en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait du rejet de leur demande d'accréditation ; que, par un jugement du 6 avril 1995, devenu définitif, leurs recours ont été rejetés ; que, par un courrier du 20 décembre 2012, Me D...A..., agissant en tant que représentant de M. C... et de la Sa Asia Motor France, a demandé au ministre de l'économie et des finances de reconnaître que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en réservant l'exclusivité des accréditations pour l'importation de véhicules de marque japonaise à cinq sociétés ; qu'il relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que cette faute soit reconnue et à ce qu'une expertise soit ordonnée pour évaluer le préjudice subi par M. C... et par la Sa Asia Motor France ;

Sur la prescription de la créance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics: " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; que selon l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de la prescription quadriennale commence à courir lorsque la victime a connaissance de l'existence d'un dommage et qu'elle est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles il pourrait être imputable au fait de l'administration ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte ni de la loi du 31 décembre 1968 ni d'aucun autre texte que seule une décision juridictionnelle ou une reconnaissance explicite du débiteur serait susceptible de rendre certaine, liquide et exigible une créance faisant l'objet d'un litige entre le créancier et son débiteur et, par suite, de constituer le point de départ du délai de la prescription quadriennale ;

4. Considérant que M. C...et la Sa Asia Motor France ont eu connaissance de l'existence de leur dommage lorsque leurs demandes d'accréditation ont été rejetées ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils ont imputé ce dommage, dans le cadre de leurs actions portées tant devant les institutions européennes que devant la juridiction administrative française, au non respect par l'administration des règles françaises et communautaires de la concurrence ; que Me A..., qui en tant que leur représentant légal a effectué en leur nom une partie des actes relatifs aux procédures conduites devant les institutions communautaires, avait également connaissance de l'existence et de l'origine de ces créances ; que si les actions ainsi engagées, qui étaient relatives au fait générateur des créances en cause, ont eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale, il ressort des pièces du dossier que la dernière plainte déposée pour M. C... et la Sa Asia Motor France devant la commission européenne a été rejetée par une décision du 15 juillet 1998, confirmée par le Tribunal de première instance des communautés européennes le 26 octobre 2000 puis par un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 20 septembre 2001 ; que le délai de la prescription quadriennale a donc recommencé à courir à compter du 1er janvier 2002 et a expiré le 31 décembre 2005, dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué et ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'un événement susceptible de l'interrompre serait survenu au cours de cette période ; que, dès lors, les juges de première instance ont estimé à bon droit que les créances, objet du présent litige, étaient prescrites lorsque Me A...a adressé, par courrier du 20 décembre 2012, sa réclamation préalable au ministre de l'économie et des finances ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Me A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à Me A...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Me A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...A..., en qualité de liquidateur judiciaire de M. F...C...et de la Sa Asia Motor France, et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT00015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00015
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL BAFFOU DALLET BMD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-22;16nt00015 ?
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