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26/01/2018 | FRANCE | N°16NT03091

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 26 janvier 2018, 16NT03091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne " et les sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka ", ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du sous-préfet de Morlaix du 30 septembre 2013 accordant à Mme D...l'autorisation d'exploiter un dancing-discothèque avec licence IV au 83 quai Tabarly à Brest.

Par un jugement n° 1304493 du 13 juillet 2016, le trib

unal administratif de Rennes a annulé la décision du 30 septembre 2013 du sous-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne " et les sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka ", ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du sous-préfet de Morlaix du 30 septembre 2013 accordant à Mme D...l'autorisation d'exploiter un dancing-discothèque avec licence IV au 83 quai Tabarly à Brest.

Par un jugement n° 1304493 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 30 septembre 2013 du sous-préfet de Morlaix.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 septembre 2016, 5 et 30 octobre 2017, 27 novembre 2017 et 28 décembre 2017, Mme A...D..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2013 du sous-préfet de Morlaix ;

3°) de mettre à la charge du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, de l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", et des sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka ", le versement à son profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé les requérantes en première instance recevables pour agir ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le service historique de la défense constituait un bâtiment occupé par le personnel des armées au sens des dispositions de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique ; il s'agit en effet d'un lieu d'archives, d'exposition et comportant une bibliothèque, ouvert à tous ; des mesures effectuées par un géomètre, il apparaît que le service historique de la marine est distant a minima de 210,12 mètres du 83 quai Tabarly ; en outre, ce service se situe au deuxième étage du bâtiment ;

- le sous-préfet de Morlaix avait la possibilité de lui accorder une dérogation individuelle sur le fondement de la délégation dont il dispose en matière de police des débits de boissons ;

- en tout état de cause, la limite des 200 mètres n'existe plus dès lors que l'arrêté préfectoral du 20 septembre 1991 a été abrogé et remplacé par l'arrêté du 5 décembre 2016 ;

- la distance entre la discothèque et le portail de l'héliport est supérieure à 200 mètres lorsque la mesure est prise en suivant l'axe de la voie de circulation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 avril 2017, 23 octobre 2017 et 5 janvier 2018, le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", et les sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka ", représentés par MeC..., concluent, dans le dernier état de leurs écritures :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Finistère de prendre toutes mesures nécessaires pour faire cesser la situation illégale, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à ce que soit mise à la charge de Mme D...la somme de 3 000 euros à verser à chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 octobre 2017, le préfet du Finistère conclut à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête.

Il fait valoir qu'il a abrogé son arrêté du 20 septembre 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon ;

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que Mme D...relève appel du jugement du 13 juillet 2016 par lequel, à la demande notamment du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du sous-préfet de Morlaix du 30 septembre 2013, prise par délégation du préfet du Finistère, lui accordant l'autorisation de créer et d'exploiter un dancing-discothèque avec licence IV, au 83 quai Tabarly à Brest, au motif que le " service historique de la défense " relevant du ministère des Armées, implanté au 4 rue du commandant Malbert à Brest, était situé à moins de 200 mètres de l'entrée de l'établissement projeté de la requérante, dans une zone protégée par les dispositions de l'arrêté préfectoral du 20 septembre 1991 portant interdiction de créer ou de transférer des débits de boissons à consommer sur place autour de certains édifices et établissements ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet du Finistère :

2. Considérant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle elle est prise ; qu'à la date à laquelle a été prise la décision contestée du sous-préfet de Morlaix, le 30 septembre 2013, l'arrêté préfectoral du 20 septembre 1991 portant interdiction de créer ou de transférer des débits de boissons à consommer sur place autour de certains édifices et établissements était en vigueur ; que le préfet du Finistère n'est par conséquent pas fondé à soutenir que l'abrogation dudit arrêté, par décision intervenue postérieurement le 5 décembre 2016, prive d'objet le présent litige ; que l'exception de non-lieu à statuer qu'il soulève ne peut ainsi qu'être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique : " Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre des arrêtés pour déterminer sans préjudice des droits acquis, les distances auxquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour des édifices et établissements suivants dont l'énumération est limitative : (...) 7° Casernes, camps, arsenaux et tous bâtiments occupés par le personnel des armées de terre, de mer et de l'air ; (...) / Ces distances sont calculées selon la ligne droite au sol reliant les accès les plus rapprochés de l'établissement protégé et du débit de boissons. Dans ce calcul, la dénivellation en dessus et au-dessous du sol, selon que le débit est installé dans un édifice en hauteur ou dans une infrastructure en sous-sol, doit être prise en ligne de compte. / L'intérieur des édifices et établissements en cause est compris dans les zones de protection ainsi déterminées (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la mesure de la distance entre un établissement protégé et un débit de boissons doit se faire, sur les voies de circulation ouvertes au public, suivant l'axe de ces dernières, entre et à l'aplomb des portes d'accès et de sortie les plus rapprochées de l'établissement protégé et du débit de boissons, mesure augmentée de la distance de la ligne droite au sol entre les portes d'accès mentionnées et l'axe de la voie de circulation ;

4. Considérant que, par un arrêté du 20 septembre 1991, le préfet du Finistère a défini des zones protégées au sein desquelles un débit de boissons ne peut être établi ou transféré à proximité des établissements mentionnés au 7° du texte alors codifié à l'article L. 49 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, dont les dispositions ont été reprises puis modifiées sous l'article L. 3335-1 du code de la santé publique ; que, la ville de Brest comptant plus de 10 000 habitants, il ressort des pièces du dossier que la distance minimale à respecter, telle que fixée par ledit arrêté, est de 200 mètres ;

5. Considérant, d'une part que, contrairement à ce que soutient MmeD..., le " service historique de la défense - département marine - archives et bibliothèque ", lieu de conservation des archives des armées, s'il comporte une bibliothèque ouverte au grand public, est rattaché à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives qui est l'une des directions du secrétariat général pour l'administration du ministère des Armées ; qu'il constitue dès lors un bâtiment occupé par le personnel de la marine, au sens des dispositions de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique ; que, toutefois, Mme D...produit en appel une attestation du 24 août 2016 d'un géomètre-expert, qui certifie que la distance entre la porte de garage du " service historique de la défense " et l'accès au 83 quai Eric Tabarly, siège de la discothèque, est de 210,12 mètres par l'axe de la voie et se trouve donc supérieure à la distance minimale à respecter de 200 mètres fixée par l'arrêté préfectoral précité du 20 septembre 1991 ; que si les demandeurs avaient produit en première instance un constat d'huissier faisant état de ce que la porte d'entrée du service se situait à

174,10 mètres de l'entrée de l'établissement de MmeD..., il ressort des pièces du dossier que cette distance avait été mesurée, contrairement aux dispositions susmentionnées au point 3, suivant l'axe des trottoirs ;

6. Considérant, d'autre part, que Mme D...produit en appel la mesure effectuée le 24 novembre 2017 par le cabinet d'études en aménagement " Urbateam géomètres ", d'où il ressort que la distance entre l'entrée de sa discothèque et la porte de l'héliport de la marine, laquelle doit être regardée, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Rennes, comme un accès à un établissement occupé par du personnel militaire au sens des dispositions du 7° de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique, s'établit à 201,03 mètres ; que cette mesure a été réalisée en suivant l'axe de la voie de circulation, contrairement au constat d'huissier du 4 septembre 2014 produit en première instance, lequel faisait état d'une mesure arrêtée à 193,10 mètres, en suivant l'axe du trottoir, en méconnaissance des dispositions précitées au point 3 ;

7. Considérant par ailleurs que si les intimés soutiennent en appel que la discothèque de Mme D... est située à moins de 200 m du Centre des hautes études médicales, un tel établissement, qui propose des formations continues pour adulte, ne saurait être regardé comme un établissement scolaire ou un établissement de formation de la jeunesse, tel que visé par le 4° de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique au titre des établissements " à protéger " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont estimé que son établissement se trouvait à moins de 200 mètres d'un bâtiment protégé ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés devant le tribunal administratif de Rennes par le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", et les sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka " ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le sous-préfet de Morlaix a reçu délégation du préfet du Finistère en matière de police spéciale des débits de boissons ; que le moyen tiré du vice d'incompétence dont la décision serait entachée doit dès lors être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté en l'absence de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du sous-préfet de Morlaix du 30 septembre 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par les intimés :

13. Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Rennes annulant la décision du sous-préfet de Morlaix du 30 septembre 2013 accordant à Mme D...l'autorisation de créer et d'exploiter un dancing-discothèque avec licence IV, au 83 quai Tabarly à Brest, s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par les intimés tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Finistère de prendre toutes mesures nécessaires pour faire cesser une situation prétendument illégale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, de l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", et des sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka ", une somme de 1 400 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les intimés demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", les sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka " est rejetée.

Article 3 : Le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne " et des sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka " verseront solidairement à Mme D...une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, de l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", et des sociétés " Guear ", " Club et spectacles Artero ", " Le 29 ", " Le Platinum " et " Nazka " aux fins d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, à l'association " Club des discothèques pointe de Bretagne ", à la société " Guear ", à la société " Club et spectacles Artero ", à la société " Le 29 ", à la société " Le Platinum ", à la société " Nazka " et au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03091
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL BAZIRE BOULOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-26;16nt03091 ?
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