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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT01322

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mars 2018, 16NT01322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire d'Angers et la société hospitalière d'assurance mutuelles à lui verser la somme de 151 558,42 euros à raison des préjudices résultant de sa prise en charge dans cet établissement en novembre 2010.

Par un jugement n° 1107851 du 24 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enreg

istrés les 22 avril 2016 et 2 novembre 2017 Mme H...B..., épouse J...D...B...décédé, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire d'Angers et la société hospitalière d'assurance mutuelles à lui verser la somme de 151 558,42 euros à raison des préjudices résultant de sa prise en charge dans cet établissement en novembre 2010.

Par un jugement n° 1107851 du 24 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril 2016 et 2 novembre 2017 Mme H...B..., épouse J...D...B...décédé, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 février 2016 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire d'Angers et la société hospitalière d'assurance mutuelles à lui verser la somme de 140 558,42 euros en réparation des préjudices subis par son conjoint ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Angers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée en première instance était recevable car les préjudices ont été détaillés de façon précise et chiffrés en cours d'instance, au vu des rapports d'expertise ;

- le centre hospitalier universitaire d'Angers n'a pas informé M. B...des risques de sur-irradiation et de radiodermite résultant de l'intervention par voie radiologique qu'il a subie pour traiter des anévrismes, et ces risques étaient majorés par le caractère inadapté du matériel utilisé et par l'accumulation des interventions ;

- le centre hospitalier a commis une faute en utilisant un appareil ancien, inadapté et qui n'avait pas fait l'objet du contrôle de qualité externe pourtant obligatoire depuis 2007 ;

- l'intervention du 16 novembre 2010 n'a pas été suffisamment préparée : le praticien ne disposait pas du matériel nécessaire, ce qui a conduit à programmer une seconde intervention, qui est en lien direct avec les préjudices subis ;

- l'ensemble des préjudices subis peuvent être évalués à la somme de 140 558,42 euros.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2016 l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 février 2016 en ce qu'il l'a mis hors de cause ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que Mme B...ne présente pas de conclusions à son encontre.

Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2016 la caisse du régime social des indépendants (RSI) des Pays de Loire, représentée par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 février 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 12 641,79 euros en remboursement des débours exposés pour la prise en charge de son assuré M. B... et la somme de 12 184,74 euros au titre des dépenses de santé futures, sommes assorties des intérêt au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Angers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le centre hospitalier universitaire d'Angers a commis dans la prise en charge de M. B...des fautes de nature à engager sa responsabilité.

Par des mémoires enregistrés les 20 octobre et 16 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire d'Angers et la société hospitalière d'assurance mutuelles, représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête de Mme B...et des conclusions présentées par la caisse du régime social des indépendants des Pays de Loire.

Ils soutiennent que :

- la demande de première instance de M. B...était irrecevable car le requérant n'a chiffré ses prétentions que très tardivement et n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens présentés par Mme B...et par la caisse ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant MeF..., représentant le CHU d'Angers et la SHAM, et de MeI..., représentant la caisse RSI des Pays de Loire.

1. Considérant que D...B..., né en 1946, a été traité par radiologie interventionnelle les 16 et 22 novembre 2010 au centre hospitalier universitaire d'Angers pour d'importants anévrismes de l'arcade gastroduodénale et de l'artère mésentérique ; qu'une plaie est apparue dans son dos, à l'endroit où il avait été irradié au cours de ces interventions, et une radiodermite a été diagnostiquée le 11 janvier 2011 ; que la plaie n'a été complètement cicatrisée que courant 2013, des douleurs importantes subsistant par ailleurs, nécessitant un traitement antalgique lourd ; qu'à la suite de la saisine par M. B...du tribunal administratif en 2011 et de la commission de conciliation et d'indemnisation en 2012, des expertises médicales ont été réalisées respectivement par le Pr Meunier, chirurgien, et par le Pr Marsault, radiologue ; que ce cas de sur-irradiation a également donné lieu à une enquête de l'institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) courant 2011 ; que Mme H...B..., épouse J...D...B...décédé le 21 septembre 2015, agissant en sa qualité d'ayant droit, relève appel du jugement du 24 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que celle présentée par la caisse RSI des Pays de Loire, et demande à la cour de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire d'Angers et la société hospitalière d'assurance mutuelles à lui verser la somme de 140 558,42 euros en réparation des préjudices subis par son conjoint ;

Sur la demande présentée par l'ONIAM :

2. Considérant que si Mme B...et la caisse RSI des Pays de Loire demandent l'annulation du jugement attaqué dans son ensemble, ils ne présentent pas de conclusions à l'encontre de l'ONIAM, qui a été mis hors de cause par les juges de première instance ; qu'il y a lieu de confirmer cette mise hors de cause ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne l'information délivrée au patient :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'en application de ces dispositions, il appartient aux praticiens des établissements publics de santé d'informer directement le patient des investigations pratiquées et de leurs résultats, en particulier lorsqu'elles mettent en évidence des risques pour sa santé ; que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé et qu'il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention ;

5. Considérant qu'il est constant que D...B...n'a pas été informé du risque de sur-irradiation, susceptible de provoquer une radiodermite, résultant de l'utilisation d'un appareil de radiologie pendant l'intervention ; que si le Pr Meunier indique dans son expertise que cette complication n'avait pas été envisagée parce qu'elle était imprévisible et exceptionnelle, il résulte du rapport de l'IRSN mentionné au point 1 que les risques liés à l'irradiation, s'ils ne faisaient pas à l'époque l'objet d'une sensibilisation suffisante auprès des professionnels pratiquant la radiologie interventionnelle à visée thérapeutique, étaient connus et pouvaient être évalués, à tout le moins après la réalisation des deux interventions, au vu de la durée totale d'exposition subie par le patient ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, du fait des anévrismes dont il était atteint, le pronostic vital de D...B...était engagé à brève échéance et que, son état général faisant par ailleurs obstacle à une intervention chirurgicale classique, la procédure de radiologie interventionnelle qui lui a été proposée était la seule option de traitement envisageable ; que l'intéressé ne disposait donc pas de possibilité raisonnable de refus ; que, dans ces conditions, la faute imputable au CHU d'Angers au titre du défaut d'information n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour le patient de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'il n'a pas davantage entraîné de retard de diagnostic puisque la radiodermite a été identifiée dès que celui-ci a fait état auprès de son médecin de la plaie apparue dans son dos ;

6. Considérant, d'autre part, qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques encourus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, un droit à obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ;

7. Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que D...B...a été informé avant l'intervention des risques qu'il encourait compte tenu de l'importance de ses lésions, de ses problèmes de santé périphériques et du caractère innovant de la thérapie envisagée, et notamment du risque de décéder du fait de complications résultant de l'intervention ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors que le risque qui s'est réalisé, en dépit de son caractère invalidant, était notablement moins grave que ceux dont il avait été informé, le CHU d'Angers est fondé à soutenir que l'intéressé n'a pas subi de préjudice spécifique du fait de son impréparation à la possibilité d'être atteint d'une radiodermite ;

En ce qui concerne le déroulement des interventions ;

8. Considérant, qu'aux termes du paragraphe I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ... " ;

9. Considérant, d'une part, que l'intervention du 16 novembre 2010 a été interrompue après que le médecin, qui avait pu réaliser un diagnostic précis des lésions du patient, s'est rendu compte qu'il ne disposait pas de matériel en quantité suffisante pour traiter tous les anévrismes qu'il venait de relever sur l'arcade gastroduodénale ; qu'une nouvelle intervention a donc eu lieu le 22 novembre 2010, qui a duré 5 heures, dont 152 minutes sous scopie, et au cours de laquelle le praticien n'a pu traiter que partiellement les lésions de D...B..., mais néanmoins suffisamment pour lui apporter un réel bénéfice ; que si le Pr Marsault indique dans son rapport que " la préparation globale de l'intervention du 16 novembre a probablement été imparfaite ", il ne résulte pas de l'instruction que la durée d'intervention dans son ensemble aurait été significativement moins longue si elle avait été conduite intégralement le 16 novembre 2010, alors que les deux experts s'accordent sur le fait que, compte tenu de la complexité des embolisations à effectuer, le praticien ne pouvait pas travailler plus rapidement et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les gestes pratiqués lors de la première intervention, au cours de laquelle le patient a été 45 minutes sous scopie, auraient été inutiles ; que, par suite, le défaut d'organisation que pourrait révéler l'absence de matériel suffisant lors de la première intervention ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec le préjudice d'irradiation subi par le patient ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'accident de sur-irradiation subi par D...B...a donné lieu à un rapport de l'IRSN dans lequel cet institut formule, à l'attention des praticiens, des établissements hospitaliers et des constructeurs de matériels, des recommandations destinées à limiter les risques d'irradiation dans le cadre de la radiologie interventionnelle à visée thérapeutique ; qu'il recommande notamment l'utilisation de matériel équipé d'une scopie pulsée et d'un dispositif permettant d'évaluer en temps réel la dose d'irradiation subie par le patient ; que s'il est constant que le matériel utilisé pour traiter D...B...en 2010 ne présentait pas ces caractéristiques, celles-ci n'étaient pas obligatoires à cette époque ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le matériel utilisé, installé en 1997, était conforme à la réglementation et régulièrement contrôlé dans le cadre d'un processus interne ; que si l'IRSN a relevé que le contrôle de qualité externe, obligatoire depuis 2007, n'avait été mis en place qu'à partir de mai 2011, le contrôle qui a été réalisé à cette date, soit six mois après les interventions faisant l'objet du présent litige, n'a, en tout état de cause, révélé aucune anomalie ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en faisant usage de ce matériel pour traiter son conjoint le CHU d'Angers aurait commis une faute ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier, que Mme B...et la caisse RSI des Pays de Loire ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur les frais de l'instance :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à MmeB..., à la caisse RSI des Pays de Loire et à l'ONIAM des sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...et les conclusions de la caisse RSI des Pays de Loire sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...B..., à la caisse du régime social des indépendants des Pays de Loire, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire d'Angers et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Délibéré après l'audience du 22 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. G... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT01322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01322
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL THOMAS TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt01322 ?
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