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27/04/2018 | FRANCE | N°16NT03764

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 27 avril 2018, 16NT03764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme de 869 636,16 euros en réparation des préjudices subis à la suite de son hospitalisation dans cet établissement du 17 août au 1er septembre 2009. La caisse du régime social des indépendants (RSI) Auvergne a, pour sa part, demandé au tribunal qu'il mette à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 216 236,71 euros en remboursement des débours exposés en faveur de MmeB...

, son assurée.

Par un jugement n° 1208222 du 23 septembre 2016, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme de 869 636,16 euros en réparation des préjudices subis à la suite de son hospitalisation dans cet établissement du 17 août au 1er septembre 2009. La caisse du régime social des indépendants (RSI) Auvergne a, pour sa part, demandé au tribunal qu'il mette à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 216 236,71 euros en remboursement des débours exposés en faveur de MmeB..., son assurée.

Par un jugement n° 1208222 du 23 septembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier de Laval à verser la somme de 24 699 euros à Mme B...et celle de 37 028,13 euros à la caisse du RSI Auvergne.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 novembre 2016, 5 et 26 janvier 2018 MmeB..., représentée par Me Dausque, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à certaines de ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme globale de 590 231,06 euros en réparation de ses préjudices, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 23 août 2012, ces intérêts étant ensuite eux-mêmes capitalisés à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire.

Elle soutient que :

- la faute commise par le centre hospitalier de Laval lors de sa prise en charge ressort clairement des conclusions de l'expert judicaire ; le recours à un avis chirurgical était nécessaire non seulement en raison de la taille de la hernie discale dont elle était atteinte, mais également du fait qu'elle était alors hyperalgique, dans un contexte de troubles sensitifs, son déficit moteur n'ayant pas été détecté ; les tractions lombaires qui lui ont été prescrites n'étaient pas conformes aux bonnes pratiques ;

- aux fins d'évaluer ses préjudices, il devra être recouru prioritairement au barème de capitalisation pour 2018 publié à la Gazette du Palais le 28 novembre 2017 et être tenu compte du taux de perte de chance de 50 % retenu par les premiers juges ;

- elle a exposé des dépenses de santé à hauteur de 41 117,82 euros, du fait de séances d'acupuncture, d'étiopathie et d'ostéopathie, de l'achat d'un neurostimulateur et de chaussures orthopédiques ;

- elle peut prétendre au remboursement de la somme globale de 207 007,05 euros au titre de frais liés au handicap, consistant en des frais de déplacement, de véhicule adapté et d'assistance par une tierce personne ;

- elle a subi une perte de gains professionnels actuels à hauteur de 23 168,19 euros, ayant été contrainte d'abandonner son métier de photographe ; pour le futur, cette perte s'élève à 158 739,40 euros ;

- les fautes commises par le centre hospitalier de Laval lui ont causé un préjudice en termes d'incidence professionnelle, qu'elle évalue à 95 000 euros, dès lors qu'elle s'est retrouvée inapte à poursuivre son activité ;

- elle peut prétendre au remboursement de la somme de 1 807 euros versée au médecin conseil qui l'a assistée au cours des opérations d'expertise ;

- le jugement attaqué doit être confirmé en tant qu'il lui a alloué la somme de 4 650 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

- les souffrances qu'elle a endurées, qui ont été estimées à 4 sur une échelle de 1 à 7, doivent être indemnisées à hauteur de 25 000 euros ;

- son préjudice esthétique temporaire et permanent correspond à une indemnisation globale de 11 000 euros ;

- elle peut prétendre au versement de la somme de 30 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent ;

- elle subit un préjudice sexuel qui doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2017 le centre hospitalier de Laval, représenté par Me Le Prado, conclut :

1°) au rejet de la requête de MmeB... ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions présentées par Mme B...et par la caisse du RSI Auvergne devant le tribunal administratif de Nantes, ou, subsidiairement, à la réduction du montant des indemnités allouées à Mme B...et à la même caisse.

Il fait valoir que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la prise en charge de Mme B...avait été fautive ;

- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 5 et 18 janvier 2018 la caisse du RSI Auvergne, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Laval à lui verser la somme de 216 236,71 euros en remboursement de sa créance définitive, cette somme portant intérêts au taux légal capitalisés, ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les soins dispensés à Mme B...n'ont pas été conformes aux données acquises de la science ; les fautes commises sont à l'origine d'une perte de chance de 50 % ;

- elle est subrogée dans les droits de MmeB..., son assurée, dans son action contre le centre hospitalier de Laval pour le remboursement des prestations occasionnées par le sinistre ;

- au titre du risque " maladie ", elle établit avoir versé la somme de 59 959,99 euros correspondant à des indemnités journalières et des prestations de santé, cette créance étant définitive ; elle peut prétendre au versement de la somme de 20 061,81 euros correspondant à des prestations futures ;

- au titre du risque " vieillesse ", elle a versé, au 31 août 2014, la somme de 35 814,94 euros à MmeB... ; les sommes futures à verser à cet égard s'élèvent à 100 399,97 euros ;

- elle peut prétendre au versement de la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me Dausque, avocat de MmeB..., et de MeD..., substituant Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Laval.

1. Considérant que MmeB..., née en 1960, a présenté en août 2009 un lumbago aigu combiné à une sciatique gauche ; que son médecin traitant l'a adressée au service des urgences du centre hospitalier de Laval, où elle a été prise en charge du 17 août au 1er septembre 2009 ; que lui a alors été prescrit un traitement antalgique et anti-inflammatoire, ainsi que des séances de traction du rachis, après qu'un scanner lombaire eut révélé une hernie discale importante ; que, les douleurs persistant, Mme B...a consulté un chirurgien au Mans, qui a procédé à une cure chirurgicale de cette hernie le 16 septembre 2009, une nouvelle intervention ayant été nécessaire, après récidive, le 28 septembre 2010 ; que Mme B...conserve des séquelles sur les plans sensitif et moteur ; qu'estimant que sa prise en charge au centre hospitalier de Laval avait été défaillante, elle a sollicité du président du tribunal administratif de Nantes une

expertise ; que l'expert, neurochirurgien, désigné par une ordonnance du 20 novembre 2012, a remis son rapport le 11 mai 2013 ; que Mme B...a également saisi le tribunal d'une demande indemnitaire ; que celui-ci a, par un jugement du 23 septembre 2016, condamné le centre hospitalier de Laval à verser à l'intéressée la somme de 24 699 euros, ainsi que la somme de 37 028,13 euros à la caisse du régime social des indépendants (RSI) Auvergne, auprès de laquelle elle est assurée ; que Mme B...demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions et le versement par le centre hospitalier de la somme totale de 590 231,06 euros ; que la caisse du RSI Auvergne sollicite, pour sa part, la condamnation de l'établissement hospitalier à lui verser la somme totale de 216 236,71 euros correspondant à sa créance définitive ; que le centre hospitalier de Laval conclut, à titre incident, à l'annulation du jugement attaqué ou, subsidiairement, à la réduction des sommes qu'il a été condamné à verser ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Laval :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'hospitalisation de Mme B... au centre hospitalier de Laval le 17 août 2009, a été diagnostiquée une lombosciatique gauche hyperalgique pour laquelle la patiente a bénéficié d'un traitement médicamenteux par antalgiques et anti-inflammatoires ; qu'un scanner réalisé le 21 août 2009 a révélé l'existence d'une volumineuse hernie discale exclue, à migration ascendante et descendante, au niveau des racines L5 et S1 ; que le traitement médicamenteux a été poursuivi, avec adjonction de séances de tractions du rachis lombaire en piscine ; que Mme B...est sortie prématurément du centre hospitalier de Laval le 1er septembre 2009 pour un motif familial, avec une amélioration de son état ; que cependant, selon les conclusions de l'expert judiciaire, le tableau clinique présenté par la requérante rendait nécessaire dès l'origine le recours à un avis chirurgical qui aurait pu permettre une cure rapide de la hernie, afin d'obtenir une meilleure récupération et des douleurs séquellaires moins importantes ; que si le centre hospitalier de Laval fait valoir que la taille de la hernie ne constituait pas en soi une indication chirurgicale et que l'état de la patiente s'était nettement amélioré à sa sortie de l'établissement, il résulte toutefois de l'expertise que la requérante n'avait pas été soumise à un examen de ses capacités motrices lors de sa prise en charge et que les caractéristiques de la hernie discale diagnostiquée, de même que le déficit moteur dont elle souffrait alors, rendaient nécessaire le recours à un avis chirurgical rapide ; que l'expert judiciaire souligne, en outre, que les séances de traction du rachis lombaire en piscine effectuées dans le cadre de la prise en charge litigieuse n'étaient pas indiquées dans le cas de Mme B...; que, dans ces conditions, la prise en charge de

Mme B...au centre hospitalier de Laval doit être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement, ainsi que l'ont à bon droit estimé les juges de première instance ;

Sur les préjudices de MmeB... :

4. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant qu'ainsi que l'ont estimé tant l'expert judiciaire que le neurochirurgien consulté par la requérante les fautes commises dans la prise en charge de Mme B...ont fait perdre à cette dernière 50 % de chance d'échapper aux séquelles dont elle souffre désormais ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Sur les dépenses de santé :

6. Considérant que si Mme B...produit des factures correspondant à des soins reçus en ostéopathie, étiopathie et acupuncture postérieurement à sa prise en charge au centre hospitalier de Laval, il ne résulte pas de l'instruction que ceux-ci seraient en lien direct et exclusif avec la faute commise par cet établissement ; que les frais liés à l'achat d'un neurostimulateur et de chaussures orthopédiques, s'ils sont en lien avec ces manquements, ont été pris en charge par la caisse RSI et la mutuelle de la requérante ; que si cette dernière se prévaut d'un refus de prise en charge par cette caisse concernant l'achat des chaussures, ce refus n'est pas établi par la seule production d'un courrier de la caisse l'informant d'un refus administratif de prise en charge au motif " PM non cerfatisée " ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges n'ont pas alloué de dommages et intérêts à la requérante au titre de ses dépenses de santé ;

Sur les frais divers :

7. Considérant que Mme B...peut uniquement prétendre, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, au remboursement des frais de déplacement au centre antidouleur de Château-Gontier liés à des séances de neurostimulation, nécessaires du fait des conséquences de sa prise en charge au centre hospitalier de Laval ; que si la requérante a estimé à 41,44 euros le montant de chacun de ces déplacements, il résulte du relevé de débours produit par la caisse du RSI Auvergne que ces déplacements ont été partiellement pris en charge par cette caisse, la somme restant due par Mme B...pour chacun d'eux étant en moyenne de 26 euros ; que l'intéressé peut ainsi prétendre au remboursement de la somme de 208 euros à ce titre pour les années 2010 à 2012 et, pour la période postérieure et à titre viager, à la somme de 3 131,02 euros, en tenant compte de quatre séances annuelles ; qu'il résulte, par ailleurs, de deux ordonnances médicales versées au dossier que les vingt-quatre séances de kinésithérapie prescrites à la requérante en 2012 puis en 2013 sont en lien avec la cure de hernie discale ; qu'en tenant compte de

14,21 euros par trajet à ce titre et de ce que seule la moitié de ces trajets peut être prise en compte, dès lors que cette cure aurait en toute hypothèse dû être réalisée, il y a lieu d'allouer la somme de 170,52 euros à la requérante ; que Mme B...peut, dès lors, prétendre au versement de la somme totale de 3 509,54 euros au titre de ses frais de déplacement ; qu'elle est également fondée à solliciter le remboursement de la somme de 1 807 euros correspondant aux honoraires et frais de déplacements que lui a facturés le médecin-conseil qui l'a assistée durant les opérations d'expertise ;

Sur les frais de véhicule adapté :

8. Considérant que si l'expert judiciaire n'a pas indiqué que l'état de Mme B...nécessitait le recours à un véhicule pourvu d'une boîte automatique, il ne résulte pas de l'instruction que cette question lui ait été posée ; que l'état de santé de la requérante, notamment caractérisé par une marche impossible sur la pointe des pieds à gauche, un tenu monopodal gauche impossible, un déficit au niveau de la jambe gauche et un réflexe achilléen gauche aboli, justifie le recours à l'aménagement de son véhicule ; qu'en retenant un coût d'aménagement de 1 500 euros par véhicule et un renouvellement du véhicule tous les huit ans, le premier ayant été acquis en septembre 2010, Mme B...peut prétendre à ce titre au versement, à titre viager, de la somme de 6 429,56 euros ;

Sur l'assistance par une tierce personne :

9. Considérant que Mme B...établit avoir exposé 1 452,27 euros au titre de l'emploi d'une aide-ménagère entre les mois d'octobre 2009 et de juillet 2010 pour six à huit heures par mois ; qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire qu'il convient de déduire de cette période trois mois correspondant à l'hypothèse d'une chirurgie plus précoce ; que si la requérante a, par ailleurs, fait état de la nécessité de recourir à une aide familiale quatre heures par semaine depuis son retour à domicile et ce de manière permanente, elle ne l'établit pas ; que Mme B...ne peut, par suite, prétendre qu'à l'allocation d'une somme de 1 016,58 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

Sur la perte de revenus et l'incidence professionnelle :

10. Considérant, d'une part, que Mme B...n'a pas repris son activité professionnelle à l'issue de son hospitalisation au centre hospitalier de Laval et a été placée en invalidité pour incapacité au métier à compter du 1er décembre 2011, date de consolidation de son état ; qu'elle était à l'époque des faits gérante d'un magasin de photographie et établit, par la production de ses avis d'imposition à l'impôt sur le revenu pour les années 2007 et 2008, avoir alors bénéficié d'un revenu mensuel moyen de 1 849,45 euros ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a perçu, pour la période du 17 août 2009 au 30 novembre 2011, 27 693,06 euros d'indemnités journalières versées par la caisse du RSI Auvergne ; qu'il convient de déduire de la période d'indemnisation trois mois correspondant à ceux durant lesquels la requérante n'aurait en toute hypothèse, selon l'expert judiciaire, pas pu travailler dans les suites d'une cure de hernie discale prise en charge conformément aux règles de l'art ; qu'elle établit ainsi avoir subi, pour cette période, une perte de revenus s'élevant à 17 618,47 euros, dont elle est fondée à obtenir l'indemnisation ; qu'il n'est en revanche pas démontré que la mise à disposition de son entreprise d'un comptable en 2010 moyennant une avance en compte courant à une association, à une période à laquelle le déficit fonctionnel de Mme B...était évalué à 25 %, soit en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Laval ; que c'est, par suite, à tort que les premiers juges ont alloué la somme de 4 000 euros à la requérante à ce titre ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'après consolidation de son état au 1er décembre 2011, la requérante reste atteinte de séquelles sur les plans sensitif et moteur ; qu'elle souffre ainsi d'un déficit coté à 2 de la loge postérieure de la jambe gauche, d'un déficit des releveurs du pied, du jambier antérieur gauche et des péroniers latéraux coté à 3 et est affectée d'une boiterie ; qu'elle reste également atteinte de troubles sensitifs intéressant les dermatomes L5 et S1 à gauche ; qu'il en résulte un déficit fonctionnel permanent évalué à 15 % dont l'expert a indiqué que seule la moitié est imputable aux fautes dans la prise en charge de l'intéressée au centre hospitalier de Laval ; que par suite, et alors au surplus que Mme B...présentait des antécédents importants en termes de lombalgies et qu'elle a dû faire l'objet en 2010 et en avril 2011 d'interventions chirurgicales sans lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Laval, le placement à la retraite pour invalidité de l'intéressée ne peut être regardé comme une conséquence directe de cette faute de nature à lui ouvrir droit à réparation ; que la requérante ne peut pas, par suite, prétendre à l'indemnisation de ses pertes de revenus postérieures à sa mise en invalidité, ni à celle d'une incidence professionnelle ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier de Laval à l'indemniser de ses préjudices patrimoniaux à hauteur de 30 381,15 euros, soit 15 190,58 euros après application du taux de perte de chance retenu au point 5 du présent arrêt ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

13. Considérant que les parties ne contestent pas la somme de 4 650 euros allouée par les premiers juges à Mme B...au titre de la réparation de son déficit fonctionnel temporaire ;

Sur le déficit fonctionnel permanent :

14. Considérant que si les premiers juges ont retenu que le déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte MmeB..., et dont les caractéristiques ont été exposées au point 11 du présent arrêt, pouvait être évalué à 18 000 euros, incluant un préjudice sexuel, en tenant compte d'un taux de 15 %, il résulte toutefois du rapport de l'expertise judiciaire que seule la moitié de ce déficit peut être imputée aux modalités fautives de la prise en charge de l'intéressée au centre hospitalier de Laval ; que MmeB..., qui était âgée de 51 ans à la date de consolidation de son état, peut par suite prétendre à l'allocation de la somme de 9 800 euros en réparation de ce chef de préjudice ; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à ce montant le taux de perte de chance de 50 %, dès lors que la part du déficit strictement imputable aux fautes commises a été établie ;

Sur les souffrances endurées :

15. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les souffrances endurées par Mme B...peuvent être évaluées à 4 sur une échelle allant de 1 à 7 ; que les premiers juges ont, dès lors, fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 7 500 euros ;

Sur le préjudice esthétique :

16. Considérant que l'expert judiciaire a évalué le préjudice esthétique temporaire et permanent de Mme B...à 2 sur une échelle allant de 1 à 7, du fait d'une boiterie persistante ; qu'il a été fait une équitable appréciation de ces chefs de préjudice par le tribunal administratif en les estimant à la somme globale de 2 100 euros ;

Sur le préjudice sexuel :

17. Considérant qu'il ressort de l'expertise judiciaire que si les douleurs ressenties par Mme B...peuvent être à l'origine d'une gêne, ses fonctions sexuelles ne sont pas altérées ; qu'il n'y pas lieu, dès lors, d'indemniser un préjudice sexuel en l'espèce ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Laval doit être condamné à verser à Mme B...s'élève, après application du taux de perte de chance de 50 % à l'ensemble des chefs de préjudice à l'exception du déficit fonctionnel permanent, pour les motifs exposés au point 14, à 32 115,58 euros ;

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

19. Considérant que Mme B...a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de la somme de 32 115,58 euros à compter du 23 août 2012, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Nantes ;

20. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 26 janvier 2018 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les droits de la caisse du RSI Auvergne :

21. Considérant, en premier lieu, que la caisse du RSI Auvergne établit, par la production de relevés de débours et d'une attestation du médecin-conseil, avoir versé

27 693,06 euros à Mme B...au titre d'indemnités journalières pour la période du 20 août 2009 au 30 novembre 2011 ; qu'eu égard, par ailleurs, aux énonciations des points 10 et 11 du présent arrêt, et à la nécessité de déduire une période de trois mois correspondant à ceux durant lesquels la requérante n'aurait en toute hypothèse, selon l'expert judiciaire, pas pu travailler dans les suites d'une cure de hernie discale prise en charge conformément aux règles de l'art, la somme à retenir au titre de ces débours s'élève à 24 763,99 euros ;

22. Considérant, en deuxième lieu, que la caisse du RSI Auvergne sollicite le remboursement de la somme de 32 266,93 euros au titre de frais médicaux et pharmaceutiques et de frais d'hospitalisation exposés en faveur de Mme B...pour la période du 17 août 2008 au 16 décembre 2011 ; que s'agissant, d'une part, des frais médicaux et pharmaceutiques, seuls ceux relatifs aux soins reçus jusqu'au 13 septembre 2009, veille de la consultation d'un chirurgien par MmeB..., peuvent être imputés aux fautes commises, soit 237,19 euros, outre ceux relatifs aux séances de neurostimulation au centre antidouleur ayant eu lieu avant la consolidation de l'état de la requérante, soit 74 euros ; qu'il y lieu, d'autre part, de tenir uniquement compte des frais de la première hospitalisation de MmeB..., du 17 août au 1er septembre 2009, soit 8 526,96 euros, pour les mêmes motifs que ceux exposés par les premiers juges ; que la caisse du RSI Auvergne n'est, par suite, fondée à solliciter que le versement de la somme de 8 838,15 euros à ce titre ;

23. Considérant, en troisième lieu, que la caisse du RSI Auvergne justifie devoir exposer dans le futur de frais médicaux correspondant au renouvellement des chaussures orthopédiques et du neurostimulateur rendus nécessaires par l'état de santé de MmeB..., ainsi qu'à quatre consultations annuelles dans un centre antidouleur, sans que cela soit contesté en défense par le centre hospitalier de Laval ; que la somme à retenir à ce titre s'élève à 20 061,81 euros ;

24. Considérant, en quatrième lieu, que si la caisse du RSI Auvergne sollicite le versement des sommes de 35 814,94 euros et 100 399,97 euros au titre des prestations vieillesse déjà exposées et futures correspondant au versement d'une pension d'invalidité à MmeB..., il résulte des énonciations du point 11 du présent arrêt que le placement en invalidité de cette dernière ne présente pas de lien direct avec les fautes commises ; qu'il ne peut, dès lors, être fait droit à cette demande ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Laval doit être condamné à verser à la caisse du RSI Auvergne doit être ramenée, après application du taux de perte de chance de 50 %, à 26 831,98 euros ;

26. Considérant, enfin, que le RSI Auvergne a droit, comme il le demande, aux intérêts au taux légal de la somme de 26 831,98 euros à compter du 31 août 2015, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Nantes ;

27. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 août 2015 ; qu'à cette date, il n'était pas encore dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 août 2016 ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

28. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 20 décembre 2017 : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles

L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 066 € et à 106 € à compter du 1er janvier 2018. " ; qu'il y a lieu, par suite, de porter à 1 066 euros la somme mise par les premiers juges à la charge du centre hospitalier de Laval au profit de la caisse du RSI Auvergne au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Sur les frais de l'instance :

29. Considérant, d'une part, que les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier de Laval les dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros ; qu'il y lieu de les y maintenir ;

30. Considérant, d'autre part, qu'il y lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Laval la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, à obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la caisse du RSI Auvergne ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Laval a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à verser à Mme B...est portée à 32 115,58 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 août 2012. Les intérêts échus à la date du 26 janvier 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Laval a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à verser à la caisse du RSI Auvergne est ramenée à 26 831,98 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015. Les intérêts échus à la date du 31 août 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier de Laval est condamné à verser à la caisse du RSI Auvergne au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 066 euros.

Article 4 : Le jugement n° 1208222 du tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées en appel par le centre hospitalier de Laval, de même que les conclusions présentées devant la cour par la caisse du RSI Auvergne sont rejetés.

Article 6 : Le centre hospitalier de Laval versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier de Laval et à la caisse du régime social des indépendants Auvergne.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Le Bris, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

Le rapporteur,

B. MassiouLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03764
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL THOMAS TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-27;16nt03764 ?
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