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27/04/2018 | FRANCE | N°17NT01638

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 avril 2018, 17NT01638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 mars 2017 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités portugaises, ainsi que la décision du même jour par laquelle cette même autorité l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1703196 du 14 avril 2017 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance, enregistrée le 18 mai 2017

, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête de MmeE..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 mars 2017 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités portugaises, ainsi que la décision du même jour par laquelle cette même autorité l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1703196 du 14 avril 2017 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance, enregistrée le 18 mai 2017, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête de MmeE..., représentée par MeD..., qui demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 avril 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 14 mars 2017 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, le tout, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

en ce qui concerne la décision de remise aux autorités portugaises :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;

- en l'absence d'identification précise de l'agent ayant notifié l'arrêté litigieux, le préfet ne peut justifier d'aucune délégation de signature valable ni d'aucun pouvoir au profit d'une personne dont les fonctions ne sont pas déterminées ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur des dispositions du règlement (CE) n°1560/2003 en partie abrogées par l'article 48 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les délais prévus par l'article 25 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 n'ont pas été respectés ;

- les dispositions du 2 de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme E...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution de la République française ;

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure.

1. MmeE..., ressortissante angolaise, est entrée en France le 30 août 2016 en compagnie de son fils Carlos E...Muku, munie d'un visa délivré par les autorités portugaises et valide jusqu'au 17 septembre 2016. Elle a formé une demande d'asile en préfecture de Maine-et-Loire le 13 septembre 2016. Le préfet a saisi les autorités portugaises d'une demande de reprise en charge de la requérante sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités portugaises ont explicitement accepté le 7 novembre 2016 la reprise en charge de l'intéressée le 30 août 2016. Par deux arrêtés du 14 mars 2017, le préfet de la Sarthe, d'une part, a ordonné la remise de Mme E...aux autorités portugaises, et d'autre part, l'a assignée à résidence dans la ville du Mans pour une durée de quarante cinq jours. Mme E...relève appel du jugement du 14 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 14 mars 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités portugaises :

2. En premier lieu, par un arrêté du 6 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Sarthe et visé dans l'arrêté contesté, M. Thierry Baron, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de signature du préfet de la Sarthe, pour signer notamment tous les actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture, sous réserve de certaines exceptions dont ne relève pas l'arrêté contesté du 14 mars 2017. Le décret du 16 février 2017 nommant M. B...C...préfet de la Sarthe est visé dans l'arrêté contesté de telle sorte qu'il ne peut y avoir aucun doute sur le nom du préfet, comme du signataire de l'arrêté en cause. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, les conditions de notification d'un acte administratif sont sans influence sur sa légalité. Ainsi, la circonstance que l'arrêté contesté du 14 mars 2017 ne comporte pas la mention des nom, prénom et qualité de l'agent chargé de sa notification est sans influence sur sa légalité.

4. En troisième lieu, l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est ainsi suffisamment motivé en droit. Par ailleurs, le préfet de la Sarthe relate le parcours personnel de MmeE..., son entrée en France, l'absence de motif de dérogation au titre du paragraphe 2 de l'article 3 et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et indique que compte tenu de l'absence d'une vie privée et familiale stable en France, alors que mère de deux enfants, son mari réside en Angola, le transfert de l'intéressée au Portugal pour l'examen de sa demande d'asile ne porte pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté précise également que Mme E...n'établit pas l'existence de risques personnellement encourus portant atteinte au droit d'asile en cas de transfert au Portugal. Dans ces conditions, l'arrêté de remise aux autorités portugaises est suffisamment motivé en fait. Enfin, la motivation de l'arrêté ne révèle pas que le préfet aurait fait une application automatique des dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

5. En quatrième lieu, Mme E...soutient que le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions du règlement n°1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, alors qu'une grande partie de ces dispositions a été abrogée par l'article 48 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois elle ne précise pas lesquelles de ces dispositions auraient été à tort appliquées à sa situation. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 13, 22 et 25 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 que Mme E...reprend en appel, sans apporter de précisions ni d'éléments nouveaux, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

7. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013, d'examiner la demande d'asile présentée et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle du demandeur, aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de réadmission, notamment au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En se bornant à faire valoir que " la préfecture n'a pas pris en considération les conséquences de l'obtention du statut de réfugié par l'Etat portugais " et que sa remise " aux autorités portugaises remet en cause l'effectivité de la procédure d'asile " dès lors qu'elle ne pourrait pas se défendre et formuler des observations " sans assortir ses allégations d'éléments probants sur les risques allégués, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Sarthe aurait méconnu les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

8. En dernier lieu, Mme E...fait valoir qu'elle est mère de deux enfants français et que son fil ainé souffre de problèmes de santé. Toutefois il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est arrivée que très récemment en France, enceinte de son deuxième enfant, et que son mari réside en Angola. Par ailleurs, elle ne démontre pas que le père français de l'enfant né sur le territoire participerait à son entretien et à son éducation. Enfin, elle n'établit pas que la scolarité de son ainé ne pourrait pas se poursuivre au Portugal et qu'il ne pourrait recevoir dans ce pays les soins que requiert son état de santé. Dans ces conditions, l'arrêté décidant sa remise aux autorités portugaises n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

9. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision d'assignation à résidence, que Mme E...reprend en appel, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon doit par le premier juge au point 15 du jugement attaqué.

10. En second lieu, selon l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d' assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ".

11. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que celui-ci a été pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-1 du même code. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 561-1 de ce code dès lors qu'il existerait déjà une perspective raisonnable d'éloignement.

12. D'autre part, l'éloignement de la requérante est susceptible d'intervenir dans une perspective raisonnable et elle présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à cette mesure. Par suite, la décision contestée, qui constitue une mesure alternative au placement en rétention, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précisent l'un des cas dans lesquels la liberté d'aller et venir d'une personne peut être restreinte par une mesure d'assignation à résidence.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

La présidente,

N. TIGER-WINTERHALTERL'assesseur le plus ancien,

S. RIMEU

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT01638

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01638
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-27;17nt01638 ?
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