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17/05/2018 | FRANCE | N°16NT03166

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 mai 2018, 16NT03166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux réclamations des 19 juin et 2 juillet 2013 adressées à la direction de contrôle fiscale Ouest, soumises d'office au tribunal administratif de Nantes en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales le 9 janvier 2014, M. et Mme A...ont demandé, d'une part, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, d'autre part, de surseoir

à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux réclamations des 19 juin et 2 juillet 2013 adressées à la direction de contrôle fiscale Ouest, soumises d'office au tribunal administratif de Nantes en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales le 9 janvier 2014, M. et Mme A...ont demandé, d'une part, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, d'autre part, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur leur demande en inscription en faux des procès-verbaux de garde à vue de Mme A...en date des 1er et 2 juin 2010.

Par un jugement no 1401001 du 22 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2016, 20 avril 2017 et 3 novembre 2017, M. et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de prononcer le sursis à statuer.

Ils soutiennent que :

- l'administration a procédé à des rectifications en se fondant sur des documents entachés de faux en écritures, à savoir le procès-verbal de garde à vue en date des 1er et 2 juin 2010 ; ils demandent que la cour surseoie à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances ait statué sur leur plainte pour faux et usage de faux en écritures publiques ; ils se prévalent de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-70 du 12 septembre 2012 ;

- la direction de contrôle fiscal ouest a méconnu les dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales en soumettant d'office au juge administratif leur deux réclamations contentieuses des 19 juin et 2 juillet 2013 ; ils n'ont jamais été informés ni destinataires du mémoire en défense du 6 janvier 2014 de l'administration dès lors qu'ils n'avaient alors donné mandat à aucun conseil ; c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a communiqué ce mémoire à MeB... ;

- les premiers juges ont méconnu l'article 5 du code de procédure civile ; le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il rejette la demande de sursis à statuer ;

- l'administration aurait dû donner suite à leur demande de saisine de la commission départementale des impôts ;

- la vérification de comptabilité de la société Europower Man méconnaît les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne démontre pas leur domiciliation fiscale en France au titre des années 2008 et 2009 et méconnaît l'article 4 B du code général des impôts ; ils sollicitent le bénéfice des dispositions de la convention internationale fiscale conclue entre la France et la Roumanie ;

- la somme de 10 000 euros encaissée le 10 mai 2007 sur un compte bancaire de

M. A...a été prélevée sur un compte courant d'associé et a fait l'objet d'une retenue à la source en Roumanie ;

- il n'y a pas eu de distributions de la société Europower Man à hauteur de 2 478 899 euros au titre de l'année 2008 et 1 917 816 euros au titre de l'année 2009 ;

- le juge administratif doit tenir compte de l'ordonnance du 20 septembre 2017 de la cour d'appel d'Angers et du jugement du tribunal de grande instance du Mans du 7 février 2017 ;

- les sommes de 11 800 euros et 39 600 euros respectivement versées par les sociétés Renobat et SRL Eco-Bat proviennent de remboursements de leurs comptes courants d'associés ;

- le montant des revenus fonciers mis à leur charge au titre de l'année 2008 est erroné ; en effet, au titre de l'année 2008, seuls deux loyers ont été versés et encaissés pour un montant total de 6 000 euros ; au titre de l'année 2009, les loyers versés représentent la somme de 31 000 euros ;

- les salaires perçus au titre des années 2008 et 2009 ont fait l'objet de prélèvements libératoires en Roumanie en application de la convention internationale fiscale conclue entre la France et la Roumanie ;

- la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Chambéry a reconnu, le 11 janvier 2017, que la société Power Alliance Construction n'avait pas d'établissement stable en France ;

- les majorations infligées sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ne sont pas motivées ; la procédure d'établissement de ces pénalités viole le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils se prévalent de l'instruction référencée 132-3-81 du 21 septembre 1981.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 mars 2017, 4 août 2017 et 11 janvier 2018, le ministre chargé des finances conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer sur la demande à concurrence du dégrèvement accordé en cours d'instance, soit une somme de 159 501 euros et au rejet du surplus de la demande.

Il fait valoir que :

- le litige est dépourvu d'objet en tant qu'il porte sur les droits et pénalités dégrevés ;

- la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer ;

- les autres moyens invoqués par M. et Mme A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste de Roumanie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Bucarest le 27 septembre 1974 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Europower Man, immatriculée en Roumanie, dont M. et Mme A...étaient les seuls associés et M. A...le gérant jusqu'au mois d'avril 2010, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié notamment des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009. Par ailleurs, M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009, à l'issue duquel l'administration a notamment imposé entre leurs mains les sommes correspondant aux bénéfices de la société Europower Man comm, en tant que revenus distribués, au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que diverses sommes non déclarées pour le calcul de leur impôt sur le revenu. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 22 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, d'autre part à surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur leur demande en inscription en faux des procès-verbaux de garde à vue de Mme A...en date des 1er et 2 juin 2010.

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ".

3. M. et Mme A...ont déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Coutances pour faux et usage de faux en écritures publiques s'agissant d'un procès-verbal de garde à vue de Mme A...des 1er et 2 juin 2010. Ils demandent qu'il soit sursis à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale dès lors que ces pièces ont été transmises au vérificateur le 7 novembre 2011 par l'exercice d'un droit de communication auprès de ce tribunal et ont servi à motiver le bien-fondé des impositions supplémentaires mises à leur charge. Toutefois, il résulte de l'instruction que, comme le fait valoir l'administration, les rectifications sont suffisamment motivées par les autres éléments du dossier et que l'issue de la procédure pénale est ainsi sans influence sur le bien-fondé de ces rectifications. En outre, aucun principe de droit ni aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au juge de surseoir à statuer sur le litige dont il est saisi jusqu'à l'aboutissement d'une instance pénale.

4. Par ailleurs, M. et Mme A...ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-70 du 12 septembre 2012 concernant les limitations apportées au caractère exécutoire des décisions juridictionnelles, dès lors que celles-ci ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale.

5. Dans ces conditions, les conclusions tendant à ce que la cour surseoie à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur leur demande en inscription en faux des procès-verbaux de garde à vue de Mme A...en date des 1er et 2 juin 2010 doivent être rejetées.

Sur l'étendue du litige :

6. Par une décision du 11 avril 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 91 184 euros pour 2008 et 68 317 euros pour 2009, des contributions sociales supplémentaires mises à la charge de M. et MmeA..., conformément à la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " (...) / L'administration peut soumettre d'office au tribunal la réclamation présentée par un contribuable. Elle doit en informer ce dernier. ". Aux termes de l'article R. 200-3 du même livre : " Dans le cas où l'administration soumet d'office le litige à la décision du tribunal administratif, celui-ci est saisi par un mémoire établi et notifié dans les conditions prévues à l'article R. 200-4. / La réclamation initiale du contribuable vaut requête au tribunal. ".

8. Il est constant que l'administration a informé M. et Mme A...par courrier du 5 décembre 2013, envoyé à leur adresse à Brasov (Roumanie) et dont ils ont accusé réception le 18 décembre suivant, que leurs réclamations préalables des 19 juin et 2 juillet 2013 étaient soumises d'office au tribunal administratif de Nantes en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales. M. et Mme A...soutiennent que le greffe du tribunal administratif de Nantes aurait dû leur transmettre à leur adresse personnelle en Roumanie le mémoire en défense de l'administration enregistré le 9 janvier 2014 dès lors que leurs réclamations préalables n'avaient pas été rédigées par un mandataire. Toutefois, Me B...a précisé au greffe du tribunal administratif de Nantes qu'il intervenait en qualité de conseil de M. et Mme A...résidant à Brasov (Roumanie). Par ailleurs, la direction générale des finances publiques a décidé de ne pas répondre aux réclamations contentieuses de M. et Mme A...et de faire application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales. Enfin, Me B...a adressé dans ces circonstances deux timbres fiscaux en application de l'article 1635 Q bis du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que le greffe du tribunal administratif de Nantes a transmis le 11 février 2014 à Me B...le mémoire en défense de la direction de contrôle fiscale ouest enregistré le 9 janvier 2014.

9. En deuxième lieu, M. et Mme A...ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 5 du code de procédure civile qui n'est pas applicable aux juridictions administratives.

10. En troisième lieu, il ressort des motifs du jugement que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeA..., le tribunal administratif de Nantes s'est prononcé, de façon suffisamment motivée, sur les conclusions tendant à ce que le tribunal prononce un sursis à statuer.

Sur le principe de l'imposition de M. et MmeA... :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.

12. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, Mme A...vivait en France, dans une résidence appartenant au couple, d'abord au lieu-dit " La Hutte " à René puis, à compter du 29 décembre 2009, au 4 rue Geneviève Hobey à Fyé avec ses deux enfants, scolarisés en France, comme l'attestent les cotisations versées à la Mutuelle autonome des écoles par Mme A...ainsi que les déclarations de M. et Mme A...lors de l'interrogatoire de première comparution le 8 juillet 2010. En outre, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la résidence était occupée de façon permanente eu égard aux factures mensuelles d'électricité et de téléphone et aux abonnements aux chaînes de télévision et au réseau internet. Par ailleurs, M. et Mme A...ne se prévalent d'aucun domicile en Roumanie. Par suite, M. et Mme A...doivent être regardés comme ayant leur foyer en France au sens des dispositions du a du 1 de l'article 4 du code général des impôts, alors même que M. A...est titulaire d'un certificat de résidence fiscal roumain pour les années 2010 à 2013 et à supposer même qu'il ait séjourné principalement hors de France au cours des années 2007 à 2009. Dans ces conditions, les requérants étaient domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts pendant les années 2007, 2008 et 2009 et y étaient imposables sur le fondement de l'article 4 A du même code.

13. En second lieu, aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège statutaire, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. ; / (...) ".

14. Pour justifier de leur résidence fiscale en Roumanie, M. et Mme A...se prévalent, en produisant des quitus fiscaux, de ce que leurs salaires y ont été imposés par prélèvement à la source. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 12 du présent arrêt que M. et Mme A...ne disposaient d'un foyer d'habitation permanent qu'en France au cours des années en litige. Par suite, ils doivent être regardés comme ayant alors la qualité de résident fiscal français au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-roumaine, laquelle ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient imposés en France sur l'ensemble de leurs revenus.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. ".

16. M. et MmeA..., qui ne contestent pas la procédure de taxation d'office mise en oeuvre en application du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait irrégulièrement refusé d'accéder à leur demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont la consultation n'est prévue que dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire ou en cas de taxation d'office en application de l'article L. 69 du même livre.

17. En deuxième lieu, M. et Mme A...soutiennent que les opérations de vérification de comptabilité de l'EURL Europower Man, ont eu pour interlocuteur M.A..., qui n'en était pourtant ni gérant ni associé et était dépourvu de mandat, et méconnaissent ainsi l'article L. 13 du livre des procédures fiscales. Ils précisent notamment que l'administration a envoyé les actes de procédure de cette vérification de comptabilité à une adresse erronée quant au siège social de l'EURL Europower Man. Ils se prévalent sur ce point d'un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 7 février 2017, qui a débouté le comptable des finances publiques de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. A...dans le cadre d'une action paulienne engagée à l'encontre de la société Europower Man en considérant que ce dernier n'en était plus le gérant après le 9 avril 2010. Ils se prévalent également d'une ordonnance du 20 septembre 2017 de la cour d'appel d'Angers constatant le désistement du comptable des finances publiques. Toutefois, en vertu de l'indépendance des procédures suivies à l'encontre de l'EURL Europower Man et de son gérant, les irrégularités de procédure ainsi invoquées sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'établissement des impositions mises à la charge de M. et MmeA....

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus perçus au titre de l'année 2007 :

18. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la somme de 10 000 euros, encaissée le 10 mai 2007 sur un compte bancaire de M. A...et libellée " virement européen ", a été prélevée sur un compte courant d'associé de la SARL Eco-Bat, a subi une retenue à la source en Roumanie et est ainsi non imposable en France, que les requérants reprennent en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / (...) / c) Un bureau (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que des virements pour un montant total de 43 646 euros ont été portés au crédit des comptes bancaires de M. et Mme A...en 2007 et que l'administration a taxé d'office ces sommes dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Néanmoins, le tribunal administratif de Nantes a relevé que ces sommes avaient été versées par la SARL Eco-Bat et ne pouvaient donc être imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Sur demande de l'administration, les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale et ont confirmé que les crédits litigieux pouvaient être taxés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

21. Il n'est pas contesté que la SARL Eco-Bat, dont, pour l'année 2007, M. A...était gérant et associé à 95 % du capital et Mme A...pour les 5 % restants, disposait d'un établissement stable en France. Elle doit ainsi être regardée comme ayant exercé une activité lucrative en France au sens de l'article 206 du code général des impôts. Dans ces conditions, elle était passible de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réalisés en France en application des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, sans qu'y fissent obstacle les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et la Roumanie.

22. M. et Mme A...soutiennent de nouveau en appel que les sommes dont il s'agit correspondent à des remboursements de leurs comptes courants d'associés ouverts au sein de la SARL Eco-Bat, eux-mêmes crédités par la vente d'une maison par Mme A...en juin 2006 et par les salaires versés par la société. Toutefois, les requérants ne justifient pas leurs allégations en produisant un relevé de compte d'un office notarial de Saint-Paterne relatif à une vente d'une maison en 2006 ainsi qu'une balance de vérification mensuelle de la SARL Eco-Bat pour le mois de décembre 2006, dès lors que rien ne permet de faire le lien entre la somme de 43 646 euros et cette vente. Dans ces conditions, l'administration était fondée à regarder la somme de 43 646 euros comme constituant des revenus imposables en France dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

23. En troisième lieu, M.et Mme A...soutiennent que les sommes de 11 300 euros et de 500 euros versées sur deux comptes bancaires distincts de M. et Mme A...par la SARL Renobat, société de droit français, correspondent également à des remboursements de leurs comptes courants d'associé ouverts au sein de cette société. Toutefois, ils n'en justifient pas en produisant des tableaux et un bilan comptable au titre de l'exercice 2007 faisant apparaître des mouvements et une dette de comptes courants d'associés dont les montants ne présentent aucune correspondance avec ceux en litige.

En ce qui concerne les revenus perçus au titre des années 2008 et 2009 :

Quant aux revenus de capitaux mobiliers :

24. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'une rectification ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire. En cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées au sens de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

25. L'administration a estimé que l'EURL Europower Man, société de droit roumain, à la vérification de comptabilité de laquelle elle a procédé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, disposait d'un établissement stable en France l'y rendant ainsi passible de l'impôt sur les sociétés et a imposé entre les mains de M.A..., regardé comme maître de l'affaire, sur le fondement du 1° du I de l'article 109 du code général des impôts, les revenus réputés distribués par cette société en 2008 et 2009 respectivement à hauteur de 1 983 119 euros et 1 534 253 euros.

26. M. et Mme A...se prévalent d'un arrêt du 11 janvier 2017 de la cour d'appel de Chambéry statuant en matière correctionnelle pour soutenir que la société Power Alliance Construction, société de droit roumain, n'avait pas d'établissement stable en France. Toutefois, l'autorité de la chose jugée par des décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale. Par suite, M. et Mme A...ne peuvent utilement invoquer cet arrêt de la cour d'appel de Chambéry.

27. L'EURL Europower Man, qui a son siège social à Brasov (Roumanie), a pour activité la mise à disposition de personnel intérimaire roumain sur le territoire français. Au titre des années 2008 et 2009, M.A..., qui en était le gérant, détenait 95 % du capital social et son épouse les 5 % restants. Il résulte de l'instruction que la perquisition et la saisie judiciaires, effectuées au domicile de M. et Mme A...à Fyé, ont permis de constater la présence de nombreux documents commerciaux et administratifs libellés au nom de la société, tels que des factures, des contrats de mise à disposition, des contrats de mission, des fiches de salaires, des récapitulatifs des salariés roumains, des extraits de comptes bancaires et des tampons. Par ailleurs, les contrôles de facturation effectués auprès de sociétés clientes ont mis en évidence que M. A...était le premier interlocuteur de ces sociétés, qu'il définissait les contrats et communiquait des coordonnées roumaines mais également françaises aux clients pour qu'ils prennent contact avec la direction de la société et les services de facturation. Ce n'est que dans un second temps que les sociétés clientes s'adressaient au personnel administratif roumain pour la mise en oeuvre des contrats. Dans ces conditions, la société Europower Man disposait en France de son siège de direction effectif, qui, ainsi qu'il résulte des stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et Roumanie, doit être regardé comme un établissement stable. Par suite, la société Europower Man a exercé une activité lucrative en France au sens de l'article 206 du code général des impôts. Elle était ainsi passible de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réalisés en France en application des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, sans qu'y fissent obstacle les stipulations de la convention fiscale franco-roumaine. Ses bénéfices étaient ainsi de nature à donner lieu à distributions imposables sur le fondement des articles 108 et suivants du code général des impôts.

28. Il est constant que la société Europower Man n'a pas déclaré de bénéfice imposable au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Il ne résulte pas de l'instruction que ces sommes auraient été mises en réserve ou incorporées au capital de la société. Ainsi, en vertu des dispositions de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices non déclarés en litige, qui n'ont pas été investis dans l'entreprise, sont présumés avoir le caractère de revenus distribués.

29. Les sommes imposées par le service vérificateur dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ont été déterminées à partir de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société Europower Man. En particulier, le service s'est appuyé sur les factures retrouvées dans les bureaux de l'établissement stable et a reconstitué les charges rattachables à cet établissement à partir des faits établis par l'enquête, des charges probables liées au secrétariat et aux frais divers et de la part des salaires versés aux intérimaires dans les sommes versées aux clients. M. et Mme A...ne contestent pas le montant des revenus réputés distribués.

30. Pour estimer que M. A...était maître de l'affaire au titre des années 2008 et 2009, l'administration fiscale fait valoir, sans être sérieusement contredite, que M.A..., qui possédait 95 % des parts de la société Europower Man et en était le gérant durant cette période et MmeA..., qui en détenait 5 %, disposaient sans contrôle des comptes bancaires de la société et qu'ils ont fait usage des fonds sociaux pour des dépenses personnelles. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 27 du présent arrêt, l'administration a démontré que M. et Mme A...exerçaient la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société. Ainsi, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de ce que M. A...s'est comporté en maître de l'affaire et a pu à bon droit, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposer M. et Mme A...au titre de l'impôt sur le revenu, à raison des revenus distribués par l'établissement stable en France de la société Europower Man.

Quant aux salaires :

31. Le moyen tiré de ce que les salaires versés par la société Europower Man à M. et Mme A...au titre des années 2008 et 2009 ont déjà fait l'objet d'une imposition en Roumanie par retenue à la source, que les requérants reprennent en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Quant aux revenus fonciers :

32. Le moyen tiré de ce que le montant des revenus fonciers mis à la charge de M. et Mme A...au titre des années 2008 et 2009 est erroné, que les requérants reprennent en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur les pénalités :

33. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

34. Les dispositions de l'article 1728 proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une mise en demeure infructueuse. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal. Il dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

35. En second lieu, la pénalité de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts a été infligée à M. et Mme A...en l'absence de dépôt de déclaration d'impôt sur le revenu pour les années 2007, 2008 et 2009 dans le délai de trente jours suivant la réception des mises en demeure le 21 juillet 2010. Les propositions de rectification des 15 décembre 2010 et 22 décembre 2011 visent les dispositions légales qui constituent le fondement de la pénalité appliquée, comportent l'indication des motifs qui conduisent l'administration à en faire application et en précisent le montant. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas motivée au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté.

36. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leur demande.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A...à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, des contributions sociales supplémentaires mises à leur charge, à hauteur des sommes de 91 184 euros pour 2008 et 68 317 euros pour 2009,.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2018.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No16NT03166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03166
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MILOCHAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-05-17;16nt03166 ?
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