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17/05/2018 | FRANCE | N°16NT03180

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 mai 2018, 16NT03180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Power Alliance Construction a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011, d'autre part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010, et de prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se

soit prononcé sur la demande de M. et Mme A...en inscription en faux du procès...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Power Alliance Construction a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011, d'autre part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010, et de prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur la demande de M. et Mme A...en inscription en faux du procès-verbal de garde à vue en date des 1er et 2 juin 2010.

Par une ordonnance du 10 mars 2014, le président du tribunal administratif de Rennes a transmis au tribunal administratif de Nantes la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour la société Power Alliance Construction.

Par un jugement no 1402254 du 22 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 septembre 2016, 21 avril 2017 et 2 novembre 2017, la société Power Alliance Construction, représentée par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de prononcer le sursis à statuer.

Elle soutient que :

- l'administration a procédé à des rectifications en se fondant sur des documents entachés de faux en écritures, à savoir le procès-verbal de garde à vue de Mme A...des 1er et 2 juin 2010 ; elle demande que la cour surseoie à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances ait statué sur la plainte de M. et Mme A...pour faux et usage de faux en écritures publiques ; elle se prévaut de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-70 du 12 septembre 2012 ;

- elle n'a pas reçu les trois avis de vérification de comptabilité à son siège social et la procédure est ainsi irrégulière ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- il n'y a pas eu de débat contradictoire ;

- les premiers juges ont méconnu l'article 5 du code de procédure civile ;

- l'administration n'a pas notifié les mises en demeure des 23 mai 2011 à son siège social ; les premiers juges ont omis de statuer sur ce point ;

- l'administration ne pouvait la taxer d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a déposé ses déclarations dans un délai de trente jours suivant la mise en demeure du 23 mai 2011 ; il en va de même en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés ;

- le gérant de la société n'a été destinataire d'aucun document issu du droit de communication dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ;

- la proposition de rectification n'a pas été notifiée à son siège social ;

- l'administration ne justifie pas de son autorisation à exercer un droit de communication dans les locaux de la gendarmerie ; des erreurs formelles ont été commises, relatives à la date de l'autorisation donnée par le procureur de la République et au nombre d'agents ayant exercé ce droit de communication ;

- l'administration ne lui a pas communiqué les documents obtenus dans le cadre de sa demande d'assistance administrative aux autorités fiscales roumaines avant la mise en recouvrement des impositions en dépit d'une demande en ce sens ;

- elle ne dispose d'aucun établissement stable en France ;

- les prestations de service qu'elle a effectuées à titre onéreux ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France en application de l'article 259 B du code général des impôts ;

- l'administration aurait dû donner suite à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts ;

- la perquisition effectuée au domicile de M. et Mme A...a été effectuée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

- elle conteste le montant du chiffre d'affaires reconstitué ainsi que le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration s'est crue à tort dispensée de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts et M. et Mme A...ne sont pas bénéficiaires de distributions ;

- la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Chambéry a reconnu, le 11 janvier 2017, que la société Power Alliance Construction n'avait pas d'établissement stable en France ;

- les majorations infligées sur le fondement du c du 1 l'article 1728 du code général des impôts ne sont pas motivées ; la procédure d'établissement de ces pénalités viole le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle se prévaut de la documentation de base 132-1-80 du 6 février 1980 et des points 1 et 2 de la documentation de base 13 C-611 du 1er avril 1995.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2017, 4 août 2017 et 11 janvier 2018, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la demande.

Il fait valoir que la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer et que les moyens invoqués par la société Power Alliance Construction ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste de Roumanie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Bucarest le 27 septembre 1974 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Power Alliance Construction, immatriculée en Roumanie, dont M. A...était l'unique associé et le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011. La société Power Alliance Construction relève appel du jugement du 22 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge, en droits et pénalités, de ces rectifications, d'autre part au sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur la demande de M. et Mme A...d'inscription en faux des procès-verbaux de garde à vue de Mme A...en date des 1er et 2 juin 2010.

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ".

3. M. et Mme A...ont déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Coutances pour faux et usage de faux en écritures publiques s'agissant d'un procès-verbal de garde à vue de Mme A...des 1er et 2 juin 2010. Ils demandent qu'il soit sursis à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale dès lors que ces pièces ont été transmises au vérificateur le 7 novembre 2011 par l'exercice d'un droit de communication auprès de ce tribunal et ont servi à motiver le bien-fondé des impositions supplémentaires qui ont été mises à leur charge. Toutefois, il résulte de l'instruction que, comme le fait valoir l'administration, les rectifications ront suffisamment motivées par les autres éléments du dossier et que l'issue de la procédure pénale est ainsi sans influence sur le bien-fondé de ces rectifications. En outre, aucun principe de droit ni aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au juge de surseoir à statuer sur le litige dont il est saisi jusqu'à l'aboutissement d'une instance pénale.

4. Par ailleurs, la société Power Alliance Construction n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-70 du 12 septembre 2012 concernant les limitations apportées au caractère exécutoire des décisions juridictionnelles, dès lors que celles-ci ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale.

5. Dans ces conditions, les conclusions tendant à ce que la cour surseoie à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Coutances se soit prononcé sur leur demande en inscription en faux des procès-verbaux de garde à vue de Mme A...en date des 1er et 2 juin 2010 doivent être rejetées.

Sur le principe de l'imposition en France de la société Power Alliance Construction :

En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

6. L'administration a estimé que la société Power Alliance Construction, société de droit roumain, disposait d'un établissement stable en France la rendant passible de l'impôt sur les sociétés.

7. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / (...) / c) Un bureau (...) ".

8. En premier lieu, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale.

9. La société Power Alliance Construction soutient qu'elle n'avait pas d'établissement stable en France au sens de la loi fiscale et de la convention conclue entre la France et la Roumanie et se prévaut d'un arrêt du 11 janvier 2017 de la cour d'appel de Chambéry statuant en matière correctionnelle. Toutefois, cet arrêt a relaxé, d'une part, la société Power Alliance Construction des faits d'emploi d'étranger non muni d'une autorisation de travail pour la période du 1er janvier et le 12 juin 2012, d'autre part, M. A...des faits d'emploi d'étranger non muni d'une autorisation de travail, de non-présentation à l'inspecteur du travail de documents relatifs au salarié détaché temporairement par une entreprise établie hors de France et de paiement par un employeur d'un salaire inférieur au salaire minimum de croissance pour la même période sans se prononcer sur l'existence d'un établissement stable de la société Power Alliance Construction sur le territoire français. En outre, la société requérant n'est pas fondée à se prévaloir d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2017, qui annule un arrêt de la cour d'appel de Caen du 11 octobre 2016 en constatant que la chambre d'instruction de la cour a violé les stipulations du 1 de l'article 6 et du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant la restitution de trois véhicules, des clés et des documents afférents à ceux-ci.

10. En second lieu, la société Power Alliance Construction, qui a son siège social à Suceava (Roumanie), a pour activité la mise à disposition de personnel intérimaire roumain sur le territoire français. Au titre de l'année 2010, M.A..., qui en était le gérant, détenait 100 % du capital social. Il résulte de l'instruction que la perquisition et la saisie judiciaires effectuées au domicile de M. et Mme A...à Fyé, a permis de constater la présence de nombreux documents commerciaux et administratifs libellés au nom de la société, tels que des facturations, des contrats de mise à disposition, des contrats de mission, des fiches de salaires, des tampons de la société. Par ailleurs, les contrôles de facturation effectués auprès de deux société clientes ont mis en évidence que M. A...était le premier interlocuteur des sociétés clientes, qu'il définissait les contrats et communiquait des coordonnées roumaines mais également françaises aux clients pour leur permettre de prendre contact avec la direction de la société et les services de facturation. Ce n'est que dans un second temps que les sociétés clientes s'adressaient au personnel administratif roumain pour la mise en oeuvre des contrats. Dans ces conditions, la société Power Alliance Construction disposait en France de son siège de direction effectif, qui, ainsi qu'il résulte des stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et Roumanie, doit être regardé comme un établissement stable. Par suite, la société Power Alliance Construction exerçait une activité lucrative en France au sens de l'article 206 du code général des impôts. Elle était ainsi passible de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réalisés en France en application des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, sans qu'y fissent obstacle les stipulations de la convention fiscale entre la France et la Roumanie et ses bénéfices étaient de nature à donner lieu à distributions imposables sur le fondement des articles 108 et suivants du code général des impôts.

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :

11. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) / 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. / (...) ".

12. Les clients de la société Power Alliance Construction, assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, étaient tous situés en France à l'exception d'un seul client, facturé en 2009, qui se situait en Belgique. Ainsi, en application des dispositions de l'article 259 du code général des impôts, les prestations réalisées par la société Power Alliance Construction à leur profit sont réputées se situer en France. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt que la société Power Alliance Construction exerçait son activité en France au travers d'un établissement stable. Elle était donc redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due sur les prestations qu'elle effectuait. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale l'a assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle en était exonérée en application des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts, qui prévoit que, par dérogation à l'article 259 du même code, le lieu des prestations de services tels qu'énumérées à cet article est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elles sont fournies à une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne, doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) ; / 3° si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales à un contribuable qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Néanmoins, elle peut décider, sans y être tenue, d'adresser une mise en demeure à un contribuable dans cette situation. Cet envoi ne constitue pas, dans cette hypothèse, une garantie pour ce contribuable. Dans un tel cas, ni le premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales ni, par voie de conséquence, la procédure de régularisation mentionnée au 2º de l'article L. 66 du même livre ne sont applicables.

14. Il est constant que la société Power Alliance Construction n'a pas déposé de déclaration de résultats en France au titre de l'exercice clos en 2010 et ne s'est pas fait connaître en France d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. La procédure de taxation d'office lui était dès lors applicable, sans qu'y fît obstacle la circonstance qu'en l'espèce, l'administration lui a adressé des mises en demeure en date du 23 mai 2011 à une adresse erronée et n'a pas envoyé les formulaires de déclaration. De même, n'ayant pas souscrit les déclarations qu'elle était tenue de déposer en sa qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, la société Power Alliance Construction relevait de la même procédure en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales.

15. En deuxième lieu, l'absence de production des déclarations dans les délais légaux n'ayant pas été mise en évidence par la vérification de comptabilité à laquelle l'administration a procédé avant d'arrêter les bases d'imposition, les irrégularités dont serait entachée cette vérification sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité des impositions supplémentaires qui ont été mises à la charge de la société Power Alliance Construction. Par suite, les moyens tirés de ce que la société n'a pas reçu les trois avis de vérification de comptabilité à son siège social, qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat contradictoire avec le vérificateur et que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doivent être écartés.

16. En troisième lieu, les moyens tirés de l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en dépit de sa demande du 5 juin 2012 et de la méconnaissance de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, que la société requérante reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. / (...) ".

18. D'une part, la proposition de rectification du 8 mars 2012 mentionne les impôts concernés et la période d'imposition, indique le montant, en base, des rehaussements envisagés, et après avoir rappelé les procédures suivies, expose les éléments établissant l'exercice d'une activité occulte en France et détaille les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires et des résultats de l'exercice clos en 2010. Ainsi, cette proposition de rectification permettait au contribuable de connaître les modalités de détermination des bases d'imposition notifiées d'office et ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales. D'autre part, la société Power Alliance Construction a produit des observations le 6 avril 2012 en réponse à la proposition de rectification du 8 mars précédent. Ainsi, si cette proposition de rectification a été notifiée à l'adresse personnelle de M. A...à Fyé en tant que représentant de la société, l'irrégularité alléguée tenant à l'absence de notification de ce document au siège social de la société est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors qu'elle n'a pas fait obstacle à ce que ce document lui parvienne régulièrement, ne l'a privée d'aucune garantie et n'a eu aucune influence sur la décision de redressement. Cette irrégularité, à la supposer établie, ne saurait par suite entraîner la décharge des impositions. Enfin, compte tenu de la situation de taxation d'office dans laquelle elle se trouvait pour l'ensemble de la période en litige, la société Power Alliance Construction ne peut utilement soutenir que la proposition de rectification méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

19. En cinquième lieu, compte tenu de l'indépendance entre la procédure d'imposition suivie à l'égard de la société Power Alliance Construction, soumise à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, et celle menée vis-à-vis de M.A..., assujetti à l'impôt sur le revenu, celle-ci ne peut utilement invoquer des irrégularités qui auraient affecté l'examen de la situation fiscale personnelle dont son gérant a fait l'objet. Par suite les moyens tirés de ce que

M. A...n'a été destinataire d'aucun document dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ou de ce que l'administration n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts sont inopérants à l'encontre des impositions établies au nom de la société requérante.

20. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. ". L'obligation incombant à l'autorité judiciaire, en vertu de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, n'est soumise à aucune formalité particulière et n'est pas, notamment, subordonnée au dépôt préalable d'une demande de communication émanant de l'administration fiscale. La société requérante ne saurait sérieusement soutenir que l'administration a irrégulièrement exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en se bornant à se prévaloir d'erreurs purement formelles relatives à la date de l'autorisation donnée par le procureur de la République et au nombre d'agents ayant exercé ce droit.

21. En septième lieu, M. et Mme A...ont fait l'objet, le 1er juin 2010, d'une perquisition à leur domicile, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre un tiers par le procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Coutances, pour des faits d'exécution de travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, aide à l'entrée et à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, prêt de main-d'oeuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire et de blanchiment. Dans ces conditions, la perquisition ne peut être regardée comme ayant été diligentée à des fins exclusivement fiscales, alors même qu'un agent de l'administration fiscale, dûment requis sur les lieux par le magistrat instructeur conformément aux dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, a participé aux investigations. En outre, il n'est pas soutenu que celui-ci se serait, à cette occasion, livré à un examen des pièces et documents comptables. De plus, si la société Power Alliance Construction soutient que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales concernant le droit de visite et de saisie n'ont pas été respectées, il ne résulte pas de l'instruction que l'opération de saisie de documents à la suite de la perquisition aurait eu pour fondement ces dispositions. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

22. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

23. La société Power Alliance Construction soutient avoir demandé à l'administration, par courrier du 29 octobre 2011, transmis par courriel et par lettre avec accusé de réception, la communication de l'ensemble des pièces obtenues par le service et reproche à l'administration de ne pas lui avoir transmis, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, les renseignements obtenus le 24 octobre 2011 dans le cadre de la demande d'assistance administrative auprès des autorités fiscales roumaines. Toutefois, il résulte de l'instruction, qu'en tout état de cause, l'administration a communiqué ces documents en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 9 mai 2012, soit avant la mise en recouvrement des impositions en litige. La société Power Alliance Construction n'établit pas, par ses seules allégations, que l'administration n'aurait pas communiqué tous les documents obtenus dans le cadre de cette demande d'assistance administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

24. Enfin, si la société requérante se prévaut de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur le bien-fondé des impositions :

25. En premier lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".

26. Il résulte de l'instruction que le service, sans remettre en cause la comptabilité de la société Power Alliance Construction, a déterminé la proportion des prestations de services réalisées par la société requérante se rattachant à son établissement stable en France à partir des copies des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées auprès des services fiscaux roumains et des déclarations récapitulatives des acquisitions et prestations intracommunautaires. Il a ensuite calculé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que la part du résultat imposables en France en appliquant cette proportion au bénéfice net déclaré par la société requérante en Roumanie et en tenant compte des charges qu'elle a engagées, y compris celles engagées en Roumanie mais se rattachant aux opérations imposables en France. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir, sans en justifier, que l'administration a exclu de son calcul les charges que la société a régulièrement comptabilisées et omis de prendre en compte de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, la société Power Alliance Construction n'apporte la preuve, qui lui incombe, ni de ce que la reconstitution du chiffre d'affaires de l'établissement stable de la société Power Alliance Construction situé en France aboutit à un résultat exagéré ni de ce que les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée reconstituées sont exagérées.

27. En second lieu, la société Power Alliance Construction ne peut utilement contester le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M.A..., qui en est le seul redevable.

Sur les pénalités :

28. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

29. D'une part, les dispositions de l'article 1728 proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une mise en demeure infructueuses. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal. Il dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

30. En deuxième lieu, la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts a été infligée à la société Power Alliance Construction en l'absence de dépôt dans le délai légal des déclarations qu'elle était tenue de souscrire et pour ne pas avoir fait connaître son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. La proposition de rectification du 8 mars 2012 vise les dispositions légales qui constituent le fondement de la pénalité appliquée, comporte l'indication des motifs qui conduisent l'administration à en faire application et en précise le montant. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'application de cette majoration n'est pas motivée au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté.

31. En troisième lieu, avant sa modification par la loi du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008, le second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales était ainsi rédigé : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ". L'article 47 de cette loi l'a complété par la phrase suivante : " Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Si cette dernière disposition, applicable aux instances en cours pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales. Toutefois, tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale. Par suite, la société Power Alliance Construction ne peut utilement, pour contester les pénalités mises à sa charge, invoquer la documentation de base 132-1-80 du 6 février 1980 et les points 1 et 2 de la documentation de base 13 C-611 du 1er avril 1995 sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

32. Il résulte de tout ce qui précède que la société Power Alliance Construction n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1 : La requête de la société Power Alliance Construction est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Power Alliance Construction et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2018.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No16NT03180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03180
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MILOCHAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-05-17;16nt03180 ?
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