La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2018 | FRANCE | N°17NT02389

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 04 juin 2018, 17NT02389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2017 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part a prononcé sa remise aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°s 1702448 et 1702456 du 19 juillet 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 28 juillet 2017, M. A...D...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2017 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part a prononcé sa remise aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°s 1702448 et 1702456 du 19 juillet 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, M. A...D...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 19 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités allemandes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour au titre de l'asile et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités allemandes : il méconnait les dispositions de l'article 17 du règlement 604/2013 ; il ne peut être renvoyé en Allemagne où sa demande d'asile a déjà été refusée, sous peine d'être immédiatement transféré en Afghanistan, pays dans lequel sa vie est menacée ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de réadmission ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la fréquence de présentation au commissariat de police qui lui est imposée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bouchardon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan, entré irrégulièrement en France le 25 avril 2017, a déposé le 22 mai suivant une demande d'asile auprès de la préfecture d'Indre-et-Loire ; que le relevé décadactylaire a révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées en Hongrie le 14 mai 2015 et en Allemagne le 4 août 2015 ; que, le 26 juin 2017, les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge en tant qu'Etat responsable de sa demande d'asile sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé ; que, par deux arrêtés du 10 juillet 2017, le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence ; que M. B...relève appel du jugement du 19 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités allemandes :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ; qu'aux termes du 2ème alinéa du 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'une demande d'asile est en principe examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que, selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement ; que le paragraphe 1 de cet article prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée " ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013, d'examiner la demande d'asile présentée et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle du demandeur, notamment la circonstance que la première demande d'asile en Allemagne de M. B...aurait été rejetée ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées au point 3 doit être écarté ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé ; qu'il indique que M. B...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 4 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 10 juillet 2017 portant remise de M. B...aux autorités allemandes doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si une mesure d'assignation à résidence apporte des restrictions à l'exercice de certaines libertés, en particulier la liberté d'aller et venir, elle ne présente pas, par elle-même, compte tenu de sa durée, de ses effets et de ses modalités d'exécution, le caractère d'une mesure privative de liberté et ne saurait être considérée comme telle au sens de l'article 5 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit dès lors être écarté ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

9. Considérant que l'arrêté assignant M. B...à résidence lui impose de se présenter trois fois par semaine, les lundis, mercredis et jeudis à 08h00, à l'exclusion des jours fériés, au commissariat de police de Tours ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il s'agit d'une fréquence disproportionnée, n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ou l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; que, dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02389
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-04;17nt02389 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award