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02/07/2018 | FRANCE | N°17NT01793

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 02 juillet 2018, 17NT01793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association ASSAD-HAD a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section d'inspection d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre du 30 décembre 2014 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier MmeA..., ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 5 août 2015 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1503264 du

13 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association ASSAD-HAD a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section d'inspection d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre du 30 décembre 2014 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier MmeA..., ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 5 août 2015 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1503264 du 13 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juin et le 22 décembre 2017, l'association ASSAD-HAD, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section d'inspection d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre du 30 décembre 2014 ayant refusé de lui accorder l'autorisation de licencier MmeA..., ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 5 août 2015 rejetant son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail de se prononcer sur sa demande d'autorisation de licenciement de Mme A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement avant de licencier MmeA... :

* aucun texte n'impose à l'employeur de communiquer le curriculum vitae des salariés inaptes dans le cadre de sa recherche de reclassement, d'autant plus qu'elle n'était pas, lors des recherches de reclassement, en possession de ce document ;

* l'absence d'indication relative à la qualité de salarié protégé et de travailleur handicapé de MmeA... dans les courriels adressés aux directeurs de Pôle ne saurait lui être reprochée ;

* si les courriels échangés avec les directeurs de Pôle constituent les seules traces écrites de la recherche de reclassement, cette recherche a en réalité fait l'objet de plus vastes investigations ;

* en tout état de cause, quelles que soient les précisions qu'aurait pu apporter le médecin du travail, aucun emploi adapté aux compétences de MmeA... n'était disponible ;

* aucune adaptation du poste de travail n'a pu être trouvée pour assurer le maintien de MmeA... dans son emploi ;

* le poste d'assistant technique ne pouvait être proposé à MmeA... qui ne justifiait pas, au moment de la période des recherches de postes de reclassement, détenir les compétences nécessaires pour exercer de telles fonctions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 15 janvier 2018, MmeA..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association ASSAD-HAD au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'ASSAD-HAD ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant l'association ASSAD-HAD.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., employée par l'association ASSAD-HAD depuis le 8 octobre 2002, en dernier lieu en qualité d'auxiliaire de vie sociale, a été placée en arrêt de travail à compter du 10 février 2014. A l'issue d'une visite de pré-reprise puis d'une seconde visite, le médecin du travail a conclu, le 19 août 2014, à l'inaptitude de Mme A...au poste d'auxiliaire de vie. Le 14 novembre 2014, l'association ASSAD-HAD a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier MmeA.... Par une décision du 30 décembre 2014, l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder cette autorisation. Suite à un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, le ministre chargé du travail a, par une décision du 5 août 2015, confirmé la décision de l'inspecteur du travail et sa décision implicite de rejet refusant d'autoriser le licenciement de MmeA.... Par sa présente requête, l'association ASSAD-HAD relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre du 30 décembre 2014 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier MmeA..., ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 5 août 2015 rejetant son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction ici applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ".

3. D'autre part, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail a indiqué dans son avis du 19 août 2014 que Mme A...était inapte à exercer le poste d'auxiliaire de vie sociale qu'elle occupait au sein de l'association. Pour refuser d'accorder à l'association ASSAD-HAD l'autorisation de licencier MmeA..., l'inspecteur du travail et le ministre du travail ont estimé que celle-ci n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Ils ont relevé que la directrice du pôle ressources humaines et qualité de l'association n'avait, pour toutes démarches, adressé que deux courriels aux trois autres directeurs de pôles de l'association afin de déterminer si un poste susceptible d'être proposé à Mme A...serait disponible et que ces courriers ne comportaient aucune indication des qualités de salarié protégé et de travailleur handicapé de MmeA..., ni copie de son curriculum vitae. Ils ont également relevé que le médecin du travail n'avait été sollicité qu'après réception des refus des trois directeurs de pôle et que l'association ne démontrait pas avoir recherché de possibilités de mutation ou de transformation de poste ou d'aménagement du temps de travail de MmeA....

5. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la recherche de possibilités de reclassement effectuée par l'ASSAD-HAD a été limitée à l'envoi de deux courriels des 29 août 2014 et 22 septembre 2014 adressés aux trois autres directeurs de pôle de l'association. Les deux courriels rédigés en des termes similaires précisaient le poste occupé par MmeA..., le fait qu'elle avait été déclarée inapte à l'exercice de son poste d'auxiliaire de vie, son ancienneté au sein de l'association et la circonstance qu'elle était " titulaire d'un CAP employé de bureau avec de l'expérience en secrétariat dans le secteur médical et de l'hôtellerie ". Toutefois, ces courriels, auxquels n'était pas joint de curriculum vitae, ne comportaient aucune indication précise sur l'expérience professionnelle de MmeA..., sur sa rémunération ou sur les emplois que son état de santé lui permettrait d'occuper.

6. En second lieu, en l'absence de proposition de la part du médecin du travail, il appartient en principe à l'employeur, tenu à une obligation de reclassement, de solliciter du médecin du travail ses propositions éventuelles de reclassement en cas d'inaptitude du salarié. En l'espèce, il est constant que l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne comportait aucune indication sur les aménagements susceptibles d'être proposés à Mme A...ou sur la nature des emplois qu'elle pouvait occuper. En dépit du caractère incomplet de cet avis, l'association s'est bornée à envoyer au médecin du travail un courrier le 23 septembre 2014, soit postérieurement aux courriels adressés aux directeurs de pôle de l'association les 29 août 2014 et 22 septembre 2014, pour lui indiquer : " nous avons peu de possibilité de reclassement compte tenu du faible turnover de nos effectifs au siège, d'une part, de l'absence d'autorisation de créations de postes, d'autre part, par notre autorité de tarification " sans solliciter aucune précision supplémentaire quant aux propositions éventuelles de reclassement de l'intéressée ou sur les aménagements susceptibles d'être proposés. Dans ces conditions, l'association ASSAD-HAD ne saurait être regardée comme ayant procédé à une recherche réelle et sérieuse de reclassement.

7. Il résulte de ce qui précède que l'association ASSAD-HAD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association ASSAD-HAD, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par l'association ASSAD-HAD au titre des frais de procédure. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association ASSAD-HAD la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association ASSAD-HAD est rejetée.

Article 2 : L'association ASSAD-HAD versera à Mme A...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association ASSAD-HAD, à Mme C...A...et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT01793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01793
Date de la décision : 02/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL VACCARO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-02;17nt01793 ?
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