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02/07/2018 | FRANCE | N°17NT02385

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 02 juillet 2018, 17NT02385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2017 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°s 1702452 et 1702453 du 19 juillet 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 28 juillet 2017, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2017 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°s 1702452 et 1702453 du 19 juillet 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 19 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour au titre de l'asile et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Le jugement est irrégulier en ce que le premier juge n'a pas correctement répondu à son moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités autrichiennes : le préfet a méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de réadmission ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la fréquence de présentation au commissariat de police qui lui est imposée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bouchardon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan, entré irrégulièrement en France le 10 avril 2017, a déposé une demande d'asile en préfecture ; que le relevé décadactylaire a révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées en Autriche le 13 juin 2015 ; que, le 15 mai 2017, les autorités autrichiennes ont accepté de le reprendre en charge en tant qu'Etat responsable de sa demande d'asile sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé ; que, par deux arrêtés du 10 juillet 2017, le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités autrichiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence ; que M. B...relève appel du jugement du 19 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir M.B..., le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans s'est prononcé, au point 9 du jugement attaqué, sur son moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en répondant à ses arguments tendant d'une part à ce qu' " aucune pièce du dossier ne permet de prouver [qu'il] a fait l'objet d'un entretien individuel " en préfecture, et d'autre part à ce que ledit entretien n'a pas été mené dans une langue qu'il comprend ; que ce jugement n'est dès lors pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités autrichiennes :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " et qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire " ;

4. Considérant, en premier lieu, d'une part, que l'entretien individuel de M.B..., prévu à l'article 5 précité du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, s'est déroulé le 27 avril 2017 à la préfecture de police de Paris (centre d'examen de situation administrative) ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de cet entretien, le requérant a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue pachtou de la société ISM interprétariat ; que M. B...n'a fait état à aucun moment de ce qu'il ne comprenait pas le pachtou et a signé le compte-rendu d'entretien sans mentionner d'observations ; que, d'autre part, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ; que l'absence d'indication de l'identité de cet agent n'a par ailleurs pas privé M. B...de la garantie tenant à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles ; qu'enfin, la circonstance que le résumé fasse état d'un " entretien sommaire " n'est pas de nature à établir que le requérant aurait été privé des garanties prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

5. Considérant, en second lieu, que s'il est indiqué dans le résumé de l'entretien que l'intéressé a été informé de sa reprise en charge par l'Autriche, il n'est pas contesté que la décision portant réadmission vers ce pays est datée du 10 juillet 2017, soit postérieurement à l'entretien individuel, conformément aux dispositions précitées du 3 de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé ; qu'il indique que M. B...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, compte-tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 10 juillet 2017 portant remise de M. B...aux autorités autrichiennes doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si une mesure d'assignation à résidence apporte des restrictions à l'exercice de certaines libertés, en particulier la liberté d'aller et venir, elle ne présente pas, par elle-même, compte tenu de sa durée, de ses effets et de ses modalités d'exécution, le caractère d'une mesure privative de liberté et ne saurait être considérée comme telle au sens de l'article 5 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit dès lors être écarté ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

10. Considérant que l'arrêté assignant M. B...à résidence lui impose de se présenter trois fois par semaine, les lundis, mercredis et jeudis à 08h00, à l'exclusion des jours fériés, au commissariat de police de Tours ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il s'agit d'une fréquence disproportionnée, n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ou l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; que, dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

12. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02385
Date de la décision : 02/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-02;17nt02385 ?
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