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13/07/2018 | FRANCE | N°17NT00958

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 juillet 2018, 17NT00958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...et M. B...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Sarthe, d'une part, a prononcé leur remise aux autorités allemandes et, d'autre part, les a assignés à résidence pour une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement nos 1701515, 1701521 du 20 février 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et

des pièces complémentaires, enregistrées respectivement les 20 et 27 mars 2017 sous le numéro 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...et M. B...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Sarthe, d'une part, a prononcé leur remise aux autorités allemandes et, d'autre part, les a assignés à résidence pour une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement nos 1701515, 1701521 du 20 février 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées respectivement les 20 et 27 mars 2017 sous le numéro 17NT00958, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2017 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros pas jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités allemandes :

- en l'absence d'identification précise de l'agent ayant notifié l'arrêté litigieux, le préfet ne peut justifier d'aucune délégation de signature valable ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur des dispositions en partie abrogées ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; sa remise aux autorités allemandes remet en cause l'effectivité de la procédure d'asile ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; rien ne vient justifier de l'atteinte portée à sa liberté d'aller et venir alors qu'elle offre des garanties de représentation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures produites en première instance.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2017.

II. Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées respectivement les 20 et 27 mars 2017 sous le numéro 17NT00959, M.E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 février 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2017 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros pas jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités allemandes :

- en l'absence d'identification précise de l'agent ayant notifié l'arrêté litigieux, le préfet ne peut justifier d'aucune délégation de signature valable ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur des dispositions en partie abrogées ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; sa remise aux autorités allemandes remet en cause l'effectivité de la procédure d'asile ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; rien ne vient justifier de l'atteinte portée à sa liberté d'aller et venir alors qu'il offre des garanties de représentation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures produites en première instance.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 17NT00959 et 17NT00958 de M. et Mme E...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer pas un même arrêt.

2. M. et MmeE..., ressortissants kosovars, sont entrés irrégulièrement en France le 19 septembre 2016 et ont présenté une demande d'asile à la préfecture de Maine-et-Loire le 28 septembre 2016. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que leurs empreintes avaient déjà été relevées par les autorités allemandes le 22 septembre 2014, le préfet de Maine-et-Loire a sollicité leur reprise en charge par ces autorités le 28 septembre 2016. Cette demande a fait l'objet d'un accord le 7 octobre 2016. Par des arrêtés du 16 janvier 2017, le préfet de la Sarthe a décidé qu'ils seraient remis aux autorités allemandes et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. et Mme E...relèvent appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 20 février 2017 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les arrêtés portant remise aux autorités allemandes :

3. En premier lieu, les conditions de notification d'un acte administratif étant sans influence sur sa légalité, la circonstance que les arrêtés contestés du 16 janvier 2017 ne comportent pas la mention des nom, prénom et qualité de l'agent chargé de leur notification est inopérante.

4. En deuxième lieu, les arrêtés contestés visent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont ainsi suffisamment motivés en droit. Le préfet de la Sarthe relate le parcours de M. et MmeE..., leur entrée en France, l'absence de motif de dérogation au titre des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n°604/2013 et indique que le transfert des intéressés en Allemagne pour l'examen de leur demande d'asile ne porte pas d'atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et qu'enfin M. et Mme E...n'établissent pas l'existence de risques personnellement encourus portant atteinte au droit d'asile dans cette hypothèse. Dans ces conditions, les arrêtés contestés sont également suffisamment motivés en fait. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes des arrêtés litigieux que s'ils visent le règlement n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, le préfet a bien fondé ses décisions sur les dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile des requérants. En outre, les arrêtés précisent que les intéressés ne relèvent pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 de ce règlement. Dans ces conditions et alors que M. et Mme E...font valoir que le préfet se serait fondé sur des dispositions abrogées du règlement n°1560/2003 du 2 septembre 2003 sans d'ailleurs préciser de quelles dispositions abrogées le préfet aurait fait application à tort, l'existence de l'erreur de droit alléguée n'est pas établie.

6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013, d'examiner la demande d'asile présentée par M. et Mme E...et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle des demandeurs, aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de réadmission, notamment au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En se bornant à affirmer que " la préfecture n'a pas pris en considération les conséquences de l'obtention du statut de réfugié par l'Etat allemand " et que leur remise " aux autorités allemandes remet en cause l'effectivité de la procédure d'asile " dès lors qu'ils ne pourraient pas " se défendre et formuler des observations ", M. et Mme E...n'établissent pas que le préfet, en prenant les arrêtés contestés, aurait méconnu les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

7. En cinquième lieu, les requérants font valoir que Mme E...souffre de graves troubles psychiatriques nécessitant un suivi médical faisant obstacle à son transfert en Allemagne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E...résidaient en France depuis moins de quatre mois. Il n'est pas établi, par la seule production d'une attestation médicale du 15 février 2017, que Mme E...ne pourrait pas bénéficier en Allemagne des soins que requiert son état de santé ni qu'elle ne pourrait pas voyager vers ce pays. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés portant remise aux autorités allemandes seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et porteraient une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En sixième lieu, M. et Mme E...n'établissent pas que leur vie ou leur sécurité serait menacée en Allemagne, pays membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les arrêtés portant assignation à résidence :

9. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés d'assignation à résidence que M. et Mme E...reprennent en appel doit être écarté par adoption des mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge au point 13 du jugement attaqué.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : /1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".

11. En l'espèce, ainsi que le soutiennent eux-mêmes les requérants, leur éloignement était susceptible d'intervenir dans une perspective raisonnable et ils présentaient des garanties propres à prévenir le risque qu'ils se soustraient à cette mesure. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés auraient méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions des requérants aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et Mme A...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2018.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LainéL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

H. Lenoir

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 17NT00958 et 17NT009592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00958
Date de la décision : 13/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-13;17nt00958 ?
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