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16/07/2018 | FRANCE | N°17NT02557

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juillet 2018, 17NT02557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur général de La Poste lui a infligé la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1603343 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 aout 2017, M.B..., représenté par Me Bascoulergue, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de

Rennes du 8 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur génér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur général de La Poste lui a infligé la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1603343 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 aout 2017, M.B..., représenté par Me Bascoulergue, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur général de La Poste lui a infligé la sanction de révocation ;

3°) d'enjoindre au directeur général de La Poste de le réintégrer dans ses fonctions dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la disproportion de la sanction ;

- l'appréciation du tribunal est entachée de contradictions de motifs ;

Sur la légalité externe ;

- la décision attaquée et la notification de cette décision ont été prises par une autorité incompétente ;

- la mesure de dispense d'activité rémunérée depuis le 11 avril 2014 dont il a fait l'objet constitue une mise à pied de fait et une sanction autonome, la sanction disciplinaire a donc été prise avant qu'elle n'ait été notifiée ;

- la procédure interne d'enquête pour tous les cas et toutes les plaintes ayant trait à des faits de harcèlement moral mise en place par La Poste n'a pas été respectée ;

- la décision contestée est entachée de vices de procédure en ce qu'elle méconnait les articles 5 et 8 du décret du 25 octobre 1984 :

* le compte-rendu du conseil de discipline ne lui a pas été communiqué ;

* les notes qu'il avait établies à l'attention du conseil de discipline, n'ont fait l'objet d'aucune lecture ni d'aucune communication vis-à-vis des membres de la commission ;

* l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé ;

Sur la légalité interne :

- la décision contestée est entachée d'erreurs de fait :

* les faits qui lui ont été reprochés sont intervenus lors d'interruptions de son traitement médical ;

* les faits qui lui sont reprochés sont des faits anciens remontant à la période de septembre 2009 à octobre 2010, et qui concernent une affaire purement privée ;

* les motifs d'atteinte à l'honorabilité et d'atteinte à l'image de La Poste ne sont pas avérés ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, La Poste conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de légalité externe soulevés par M. B... sont irrecevables comme constituant une demande nouvelle en appel ; à défaut ces moyens, comme les moyens de légalité interne de la requête, sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Bascoulergue, avocat de M.B..., et de MeC..., représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., fonctionnaire, agent professionnel qualifié de premier niveau de La Poste, affecté au centre de distribution de Saint-Pol-de-Léon où il exerçait des fonctions de facteur, a fait l'objet, par décision du 16 février 2016, d'une sanction de révocation. Le conseil de discipline, consulté le 17 décembre 2015, ne s'est prononcé sur aucune sanction. Par un avis du 17 janvier 2017, la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat s'est prononcée en faveur de la sanction de révocation. Par sa présente requête, M. B...relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué par le requérant, le tribunal administratif de Rennes s'est expressément prononcé sur moyen tiré de la disproportion de la sanction. M. B... n'est, pas suite, pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier faute d'avoir répondu à ce moyen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M.A..., directeur des relations sociales, des règles ressources humaines et des instances règlementaires nationales, bénéficiait d'une délégation du président directeur général de La Poste en date du 30 juillet 2015, régulièrement publiée, l'habilitant à signer les décisions de sanction du quatrième groupe en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines du groupe La Poste. Les conditions de notification de cette décision sont, quant à elles, sans incidence sur sa légalité.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une mesure portant suspension de fonctions avec maintien de son traitement à compter du 11 avril 2014, mesure prolongée à compter du 23 juin 2014. La mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait subi préalablement à sa révocation une mise à pied en dehors de tout cadre réglementaire.

5. En troisième lieu, le moyen selon lequel La Poste n'aurait pas diligenté une procédure d'enquête interne pour les faits de harcèlement moral reprochés à l'intéressé est sans incidence sur la légalité de la décision en cause.

6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 ne prévoient nullement que le compte-rendu du conseil de discipline soit communiqué à l'intéressé. M. B..., qui était présent à la séance du conseil de discipline du 17 décembre 2015, assisté de son représentant, ne démontre ni avoir adressé, ni même avoir rédigé, des notes qui n'auraient pas été communiquées aux membres de la commission lorsque son affaire a été examinée.

7. En cinquième lieu, l'avis du conseil de discipline n'avait pas à être motivé, dès lors qu'il est constant qu'aucune des propositions soumises au conseil de discipline le 17 décembre 2015 n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents, aucune proposition de sanction n'ayant été retenue.

8. En sixième lieu il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration.

9. D'une part il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'une condamnation pénale par jugement définitif, après appel et pourvoi en cassation, prononcée par le tribunal correctionnel de Brest du 10 février 2012, qui l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve de trois ans pour des faits de menace de mort envers une femme et au paiement à la victime de la somme de 1 500 euros au titre de dommages et intérêts. Ces faits ont été rapportés dans un article de presse paru dans l'édition locale du quotidien Ouest France, relatant le 2 avril 2015 la décision de la Cour de Cassation relative au maintien de la condamnation d'un " facteur de Plouescat de 46 ans, condamné en 2014 à six mois d'emprisonnement avec sursis et trois ans de mise à l'épreuve pour menaces de mort envers une jeune femme, menaces proférées entre septembre 2009 et octobre 2010. (...) ". D'autre part, M. B... avait déjà été condamné, le 17 août 2006 par le tribunal correctionnel de Morlaix en raison de son comportement à l'encontre d'une ancienne collègue de travail et de deux de ses amies, pour appels téléphoniques malveillants réitérés, dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui, violation de domicile à l'aide de manoeuvres, menace, voie de fait ou contrainte violente suivie d'incapacité supérieure à huit jours, harcèlement pour obtention de faveur sexuelle, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, d'une obligation de soins et d'une interdiction d'entrer en relation avec les victimes. En outre, la décision attaquée fait également suite à des sanctions disciplinaires antérieurement prononcées à l'encontre du requérant, en l'occurrence une exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont dix-huit mois avec sursis pour " condamnation pénale portant atteinte à l'honneur ", et une exclusion temporaire du service d'une durée de deux ans dont un an avec sursis, pour avoir le 6 octobre 2012 adopté un comportement agressif et insultant à l'égard de ses collègues de travail. Dans ces conditions, la répétition et la gravité des manquements de M. B...à son devoir de moralité et de dignité est de nature à troubler le bon fonctionnement du service et à jeter le discrédit sur l'administration. M. B...ne produit aucun élément pour établir que les faits qui lui sont reprochés seraient intervenus lors d'interruptions d'un traitement médical susceptible de prévenir les agissements de l'intéressé. Enfin, contrairement à ce qui est allégué, ces faits sont relativement récents. Par suite, La Poste n'a pas donné aux faits une inexacte qualification juridique, en estimant qu'ils contrevenaient à l'exigence d'honorabilité que le statut de fonctionnaire implique et qu'ils portaient atteinte à l'image du service public de La Poste. Dès lors, alors même que ces faits ont été commis en dehors du service, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'ils ne seraient pas constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

10. En dernier lieu, eu égard à l'ensemble des fautes disciplinaires commises par M. B..., telles que précédemment évoquées, La Poste, en estimant que de telles fautes, incompatibles avec le maintien de l'intéressé dans des fonctions d'agent professionnel, justifiaient sa révocation, sanction la plus élevée prévue par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, n'a pas pris de sanction disproportionnée.

11. Il résulte de ce qui précède que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. B...au titre des frais de procédure. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme réclamée par La Poste au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller.

- M. Bouchardon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02557
Date de la décision : 16/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET BASCOULERGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-16;17nt02557 ?
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