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07/12/2018 | FRANCE | N°18NT00479

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 décembre 2018, 18NT00479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 juillet 2017 du maire de la commune de Lunery mettant fin à son stage d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles et la radiant des effectifs de la commune à compter du 8 juillet 2017.

Par un jugement n° 1702851 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande et annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregis

trés les 6 février et 3 novembre 2018 sous le n°18NT00479 la commune de Lunery, représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 juillet 2017 du maire de la commune de Lunery mettant fin à son stage d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles et la radiant des effectifs de la commune à compter du 8 juillet 2017.

Par un jugement n° 1702851 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande et annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février et 3 novembre 2018 sous le n°18NT00479 la commune de Lunery, représentée par Me C...du Sel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de MmeA... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement a ce qu'a jugé le tribunal, Mme A...n'a pas été licenciée en cours de stage, la décision contestée devant être regardée comme un refus de titularisation en fin de stage ;

- le courrier du 7 février 2017 adressé à Mme A...est une simple mise en garde du risque qu'elle encourait de ne pas être titularisée ;

- Mme A...n'avait aucun droit à la communication de son dossier ;

- la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des insuffisances manifestées par Mme A...pendant son stage.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mai et 14 novembre 2018 Mme A..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande en outre à la cour :

1°) d'enjoindre au maire de la commune de Lunery de la réintégrer dans les effectifs de la commune en qualité de stagiaire, voire de procéder à sa titularisation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

2°) de mettre à la charge de la commune de Lunery la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que

- la requête n'est pas recevable, la commune ne démontrant pas que son maire est habilité à ester en justice ;

- les moyens soulevés par la commune de Lunery ne sont pas fondés.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mai et 3 novembre 2018 sous le n° 18NT02065 la commune de Lunery, représentée par Me C...du Sel, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1702851 du 9 janvier 2018 du tribunal administratif d'Orléans.

Elle soulève les mêmes moyens que dans la requête n°18NT00479 et fait valoir que ces moyens sont de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans par MmeA....

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2018 Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Lunery la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête de la commune de Lunery n'est pas fondée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°92-850 du 28 août 1992 ;

- le décret n°92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a été recrutée par contrat en 2014 par la commune de Lunery en qualité d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles, puis a été nommée agent territorial stagiaire le 8 juillet 2015. Par un arrêté du 5 juillet 2016 le maire de la commune, estimant que Mme A... n'avait pas donné satisfaction pendant la durée normale de son stage, a prolongé celui-ci pour une durée d'un an. Par un arrêté du 4 juillet 2017, cette même autorité a refusé de titulariser Mme A...et l'a radiée des effectifs de la commune à compter du 8 juillet 2017. Par une requête n° 18NT00479, la commune de Lunery relève appel du jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté du 4 juillet 2017. Par une requête n°18NT02065, la commune de Lunery demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 18NT00479 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par MmeA... ;

2. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. (...) ". L'article 4 de ce décret dispose : La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. Le décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, applicable en l'espèce, fixe à un an la durée normale du stage et prévoit que celui-ci peut être prolongé à titre exceptionnel pendant une année supplémentaire.

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. La collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies par l'article 5 du décret du 4 novembre 1992, rappelées au point 2. Ces principes ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période, ni à ce qu'elle l'informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser.

4. Le maire de la commune de Lunery a adressé à Mme A...une lettre datée du 7 février 2017 dans laquelle il lui indique notamment " ...je souhaite mettre fin à votre collaboration au sein de la commune de Lunery à l'issue du contrat en cours (c'est-à-dire en juillet 2017) ", manifestant ainsi clairement et sans ambiguïté son intention de ne pas la titulariser. Par cette décision dont les termes sont très clairs et qui a été notifiée à l'intéressée cinq mois avant la fin de sa seconde période probatoire, le maire de la commune de Lunery doit être regardé comme ayant en réalité prononcé le licenciement de Mme A...en cours de stage.

5. Or, d'une part, il résulte de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, comme c'est le cas d'un stagiaire licencié en cours de stage, que cette mesure soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que Mme A...n'a pas été invitée à prendre connaissance de son dossier avant l'adoption de la mesure litigieuse. Elle a donc été privée de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, de sorte que la décision de licenciement est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière.

6. Et, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des témoignages des deux professeures des écoles auprès desquelles Mme A...a été affectée pendant les années scolaires 2014-2015, en qualité de contractuelle, et 2015-2016, comme fonctionnaire stagiaire, que celle-ci a donné totale satisfaction en qualité d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles. Ces témoignages sont confirmés par ceux de plusieurs parents d'élèves et par celui de la directrice de l'école maternelle en poste jusqu'en août 2015, selon laquelle " Tout au long de cette année [2014-2015] je n'ai eu aucun sujet de me plaindre du travail de MmeA..., qu'elle a toujours consciencieusement accompli. Aucune des personnes travaillant avec elle ne m'a signalé de problèmes. Bien au contraire, je n'ai entendu que des paroles positives sur son travail ". Mme A...semble en conséquence posséder les compétences professionnelles requises par ses fonctions et, si la commune de Lunery fait état de problèmes relationnels ayant conduit le maire à proroger le stage de Mme A...à compter du 8 juillet 2016, elle ne produit aucun document de nature à établir la réalité de ses allégations. Dans ces conditions, alors même que la motivation et l'efficacité de Mme A...auraient décliné pendant sa deuxième année de stage, la mesure de licenciement contestée doit être regardée comme entachée d'une erreur d'appréciation de la valeur professionnelle de cet agent.

7. Il résulte des motifs exposés aux points 5 et 6 que la commune de Lunery n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 4 juillet 2017 mettant fin au stage de Mme A...et la radiant des effectifs de la commune.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par MmeA... :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. Le présent arrêt implique nécessairement la réintégration juridique rétroactive de Mme A...en qualité de stagiaire à compter du 7 février 2017, date de son éviction illégale, et sa réintégration effective pour la durée de stage qui restait à courir à la date de cette éviction, de manière à ce qu'il soit statué sur son droit à titularisation dans des conditions régulières. Il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Lunery de prendre ces mesures dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par MmeA....

Sur la requête n°18NT02065 :

10. Dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions à fins d'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la commune de Lunery tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à la commune de Lunery la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Lunery une somme de 2 000 euros à verser à Mme A...au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n°18NT00479 de la commune de Lunery est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°18NT02065 de la commune de Lunery.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Lunery de réintégrer Mme A...dans les conditions fixées au point 9 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Lunery versera à Mme A...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lunery et à Mme E... A....

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00479-18NT02065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00479
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP STOVEN PINCZON DU SEL STOVEN BLANCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-07;18nt00479 ?
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