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04/01/2019 | FRANCE | N°18NT00069

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 janvier 2019, 18NT00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2013 par lequel le maire de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne l'a mis en demeure de récupérer une vache divagante sur le territoire communal sous peine de capture et d'euthanasie de l'animal et de mettre à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le paiement d'une indemnité de 21 800 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de cet arrêt

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Par un jugement n° 1400985 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2013 par lequel le maire de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne l'a mis en demeure de récupérer une vache divagante sur le territoire communal sous peine de capture et d'euthanasie de l'animal et de mettre à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le paiement d'une indemnité de 21 800 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de cet arrêté.

Par un jugement n° 1400985 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 4 décembre 2013 et mis à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le versement à M. E...d'une indemnité de 900 euros tous intérêts compris.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2018, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2017 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire en mettant à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le versement d'une indemnité limitée à 900 euros ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le paiement d'une indemnité de 21 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2014, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de l'arrêté du 4 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. E... soutient que :

- le tribunal a retenu à bon droit l'existence de fautes commises par le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne, de nature à engager la responsabilité de la commune, consistant d'une part à ne pas lui avoir notifié l'arrêté de mise en demeure du 4 décembre 2013 qui faisait mention du délai de 24 heures imparti pour récupérer l'animal en divagation et le risque de son euthanasie au-delà de ce délai, et d'autre part à avoir sollicité la capture et l'euthanasie de l'animal sans en caractériser la nécessité au regard du danger représenté par cet animal pour la sécurité du public ;

- sa responsabilité personnelle ne saurait en revanche être retenue sur le fondement de l'article 1385 du code civil qui ne trouve pas à s'appliquer au cas d'espèce, faute pour la vache dont il était propriétaire d'avoir occasionné un dommage à autrui ;

- sa responsabilité personnelle ne saurait davantage être retenue dès lors que, d'une part la divagation de l'animal ne résulte pas d'un défaut de surveillance de sa part mais d'un acte de malveillance de tiers, et d'autre part, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pris les meures adéquates pour récupérer rapidement l'animal en divagation alors qu'il ignorait le délai de 24 heures qui lui était imparti par l'arrêté du 4 décembre 2013 qui ne lui a pas été notifié ;

- il a subi des préjudices en lien direct et certain avec les fautes commises par le maire, résultants de la perte d'une vache d'une valeur estimée à 1 300 euros, de la perte du temps consacré à sa recherche, de la perte de biodiversité génétique liée à la race de l'animal, des troubles dans ses conditions d'existence, ainsi qu'un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation des articles 1 à 3 du jugement du 3 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes, le rejet de la demande de M.E..., et que soit mise à la charge de celui-ci une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la décision du 4 décembre 2013 est suffisamment motivée ;

- la situation d'urgence dans laquelle cette décision a été édictée justifiait qu'elle ne soit pas précédée d'une procédure contradictoire ;

- la décision ne procède pas d'un détournement de pouvoir ;

- aucune faute n'est imputable au maire de Sainte-Reine-de-Bretagne dès lors que, d'une part, les conditions dans lesquelles l'animal supposé appartenir à M. E...a été capturé et euthanasié se rattachent aux modalités d'exécution de la décision de mise en demeure du 4 décembre 2013 et sont sans incidence sur sa légalité, d'autre part, la simple divagation d'un bovin sur la voie publique, au-delà même de son éventuelle dangerosité - qui était au demeurant établie en l'espèce -, constitue un danger grave et immédiat pour la sécurité publique de nature à justifier la mise en oeuvre des mesures prévues par l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'absence de notification de l'arrêté de mise en demeure, qui a été affiché en mairie et dont l'existence a été portée à la connaissance du requérant en temps utiles, se justifiait par la situation d'urgence qui prévalait, et ne caractérise pas une faute imputable au maire. En toute hypothèse, même à la supposer fautive, ce défaut de notification de la décision est sans lien direct avec les préjudices invoqués ;

- la circonstance selon laquelle l'animal aurait été " enlevé " par d'autres éleveurs de bovins est sans incidence sur la responsabilité de M.E..., en tant qu'éleveur professionnel, au titre du défaut de surveillance ;

- si M. E...s'était acquitté de ses obligations en termes de traçabilité du bétail - la vache en cause n'était plus identifiée comme faisant partie de son troupeau depuis le 21 mai 2012 -, l'identification de l'animal par la chambre d'agriculture aurait permis de s'assurer qu'il en était le propriétaire ;

- en toute hypothèse, seuls les préjudices retenus par le tribunal, à savoir le préjudice financier et le préjudice moral, ont vocation à être indemnisés, à hauteur de 50%.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- les observations de M.E..., et les observations de Me D...pour la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne, a été enregistrée le 19 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 décembre 2013, le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne, informé de la présence sur le territoire communal d'une vache en état de divagation supposée appartenir à M.E..., a d'une part mis ce dernier en demeure de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ", et d'autre part, informé l'intéressé qu'en cas d'inexécution des mesures prescrites dans un délai de 24 heures, l'animal considéré comme dangereux serait capturé et qu'il serait ensuite immédiatement demandé aux autorités compétentes de se prononcer sur les suites à donner, notamment son euthanasie. Le 6 décembre 2013, le maire a fait procéder à la capture de l'animal puis à son euthanasie. Par un jugement du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M.E..., d'une part annulé l'arrêté de mise en demeure du 4 décembre 2013, d'autre part, mis à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne le versement au requérant d'une indemnité de 900 euros tous intérêts compris en réparation des préjudices subis par ce dernier. M. E...relève appel du jugement du 3 mars 2017 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires. Par la voie de l'appel incident, la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne demande l'annulation des articles 1 à 3 du jugement du 3 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes et le rejet de la demande de M.E....

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (. . .) ; 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables (...) les accidents ; (...) 7° le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ". En vertu de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, (...) le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ". L'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime dispose par ailleurs : " I. - Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger (...). / En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. / Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article L. 211-2. Le propriétaire ou le détenteur de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent 1. / II -En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie (...) / L'euthanasie peut intervenir sans délai, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l'animal. A défaut, l'avis est réputé favorable à l'euthanasie (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions, qui s'appliquent notamment aux animaux en divagation sur les voies publiques et présentant en tant que tel un danger pour la sécurité publique, que l'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat. Par conséquent, lorsque il ressort des circonstances de fait existant à la date à laquelle cette autorité statue, notamment de l'avis du vétérinaire qui aurait été recueilli en application des dispositions du II de l'article L. 211-11 précité, que le danger présenté par l'animal n'est pas tel que seule sa mise à mort puisse le parer, il lui appartient de prescrire les mesures appropriées au propriétaire ou au gardien de l'animal dans les conditions prévues au I de l'article précité, et de n'ordonner l'euthanasie que dans le cas où les prescriptions alors énoncées n'auraient pas été observées.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 décembre 2013 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté par les parties qu'après avoir mis en demeure M.E..., par l'article 1er de son arrêté du 4 décembre 2013 nécessairement édicté sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ", et par son article 2 informé l'intéressé qu'en cas d'inexécution des mesures prescrites dans un délai de 24 heures, l'animal considéré comme dangereux serait capturé et le cas échéant euthanasié, le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne, estimant que la divagation de la vache représentait un danger grave et immédiat, a dans ledit article 2 fait application des dispositions du II de l'article L. 211-11, en faisant d'ailleurs procéder, dès le 6 décembre 2013 vers midi, à la capture de l'animal en état de divagation puis à son euthanasie.

4. La circonstance, même à la supposer avérée, selon laquelle la condition de mise en oeuvre de la procédure prévue par les dispositions du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime tenant à l'existence d'un danger grave et immédiat pour les personnes n'aurait pas été remplie, ne saurait avoir par elle-même d'incidence sur la légalité de la mesure de mise en demeure prise dans le cadre de la procédure prévue par le I de ce même article L. 211-11. Par suite, la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur cette circonstance pour annuler l'arrêté du maire du 4 décembre 2013.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens d'annulation soulevés par M. E...devant le tribunal administratif contre l'arrêté du 4 décembre 2013.

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne à la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article L. 212-6 du code rural et de la pêche maritime : " La présente sous-section fixe les règles relatives à l'identification des animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine (...) ". Aux termes de l'article L. 212-8 de ce code : " Un décret définit les matériels et procédés permettant d'identifier les animaux en vue d'assurer leur traçabilité (...) ". L'article D. 212-19 du même code dispose par ailleurs que " I. Tout détenteur d'un ou de plusieurs bovins (...) est tenu de se déclarer auprès de l'établissement de l'élevage (...) afin que celui-ci l'enregistre et lui attribue un numéro national. / (...) Tout détenteur d'un ou de plusieurs bovins est tenu d'identifier ou de faire identifier chaque animal né sur son exploitation d'élevage. / Les animaux doivent être identifiés conformément aux dispositions du règlement n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000 (...) ".

7. M. E...a produit le passeport bovin de la vache dénommée " Eternelle " et son inventaire édité le 12 décembre 2014 par un employé de l'établissement départemental de l'élevage, indiquant par le logo (A) qu'il a acheté l'animal euthanasié le 1er décembre 2013, ce que confirme l'ancienne propriétaire de l'animal par une attestation datée du 2 décembre 2015. Par suite, alors même que le directeur de l'établissement départemental de l'élevage a communiqué le 6 décembre 2013 un inventaire sur lequel il n'existait plus de détenteur identifié du bovin immatriculé sous le n° 4424843414 depuis le 21 mai 2012, M. E..., auquel le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne a au demeurant prescrit de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ", justifie suffisamment de sa qualité de détenteur de cet animal et d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2013. La fin de non recevoir opposée par la commune doit dès lors être écartée.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M.E... :

8. En premier lieu, l'arrêté en litige vise le code général des collectivités territoriales et le code rural et de la pêche maritime, notamment ses articles L. 211-1 et L. 211-11. Il fait en outre mention de ce qu'une plainte a été enregistrée en mairie et d'une intervention de la gendarmerie concernant une vache agressive en état de divagation sur le territoire communal, ainsi que de la nécessité de prendre des mesures de prévention, en raison de la dangerosité de l'animal, pour assurer la sécurité des personnes. L'arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime que, dans le cadre de leur mise en oeuvre, le propriétaire de l'animal doit être invité à présenter ses observations, en cas d'inexécution des mesures prescrites, seulement avant le placement de l'animal dans un lieu de dépôt adapté et qu'il soit le cas échéant procédé à son euthanasie, et non avant l'édiction de la mise en demeure de prendre les mesures de nature à prévenir le danger. Par suite, le moyen tiré de ce que M. E...n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant l'édiction de l'arrêté du 4 décembre 2013, qui n'a eu pour objet que de le mettre en demeure de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ", et de l'informer du risque de placement et d'euthanasie de l'animal en cas d'inexécution des mesures prescrites dans un délai de 24 heures, doit être écarté comme inopérant. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne, après avoir mis en demeure M.E..., sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques, a en définitive estimé que la divagation de la vache représentait un danger grave et immédiat et fait application des dispositions du II de l'article L. 211-11 en faisant procéder, dès le 6 décembre 2013, à la capture de l'animal et à son euthanasie. Or, il ressort du dossier que le maire était en l'espèce fondé, compte tenu du danger grave et immédiat que représentait la divagation de l'animal et de l'urgence à y remédier, à mettre en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions du II de l'article L. 211-11. Par suite, et en toute hypothèse, il n'était tenu, au regard de l'urgence, de permettre à M. E...de présenter ses observations avant de faire procéder au placement de l'animal et à son euthanasie, ni en application du I de l'article L. 211-11, ni en application de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 alors en vigueur.

10. En troisième lieu, si le I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime prévoit qu'en cas d'inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut faire placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci et le cas échéant, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés et après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, autoriser l'euthanasie de l'animal, M. E... ne peut utilement soutenir, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7, que l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2013, qui n'a eu d'autre objet que de lui prescrire de prendre les dispositions de nature à prévenir tout risque pour les personnes résultant de la divagation de la vache lui appartenant, serait entaché d'erreur de droit au regard du I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime faute de préciser le lieu et la durée de dépôt de l'animal.

11. En quatrième et dernier lieu, M. E...n'établit pas, en l'absence de toute justification en ce sens, que l'arrêté du 4 décembre 2013 procèderait d'un détournement de pouvoir.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du maire du 4 décembre 2013.

Sur la responsabilité de la commune :

13. L'état de divagation de bovins sur la voie publique constitue un danger grave et immédiat pour la sécurité publique et en particulier la circulation des véhicules, au sens des dispositions du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, justifiant dès lors que ces animaux en divagation soient placés sans délai dans un lieu de dépôt adapté à leur garde. En revanche, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il résulte des dispositions de cet article L. 211-11 que l'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat, et que, lorsqu'il ressort des circonstances de fait existant à la date à laquelle cette autorité statue, notamment de l'avis du vétérinaire qui a été recueilli en application des dispositions du troisième alinéa du II de l'article L. 211-1, que le danger présenté par l'animal n'est pas tel que seule sa mise à mort puisse le parer, il lui appartient de prescrire les mesures appropriées au propriétaire ou au gardien de l'animal dans les conditions prévues au I de l'article précité, et de n'ordonner l'euthanasie que dans le cas où les prescriptions alors énoncées n'auraient pas été observées.

14. Il résulte de l'instruction que le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne a été informé le 4 décembre 2013 de la présence sur le territoire communal d'une vache en état de divagation, supposée appartenir à M. E.... Compte tenu du danger grave et immédiat que représentait ce bovin pour la sécurité des personnes et de l'urgence à y remédier, le maire était ainsi légalement fondé à mettre en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions du II de l'article L. 211-11, et à faire procéder sans délai ni autre condition à la capture de l'animal et à son placement dans un lieu de dépôt adapté. En revanche, en dépit de témoignages de plusieurs agriculteurs qui auraient tenté de récupérer l'animal, selon lesquels ce dernier se serait montré agressif et dangereux, et du procès-verbal de gendarmerie daté du 24 décembre 2013, produit pour la première fois en appel, qui fait état de l'impossibilité pour les gendarmes d'approcher la vache, la commune de Sainte-Reine de Bretagne, qui ne produit pas notamment l'avis qui aurait été émis par le vétérinaire désigné par le préfet avant qu'il soit procédé à l'euthanasie le jour même du placement de l'animal, n'établit pas que cette vache aurait représenté par elle-même un danger tel qu'il aurait justifié légalement son euthanasie sans condition ni délai. Dans ces conditions, en prescrivant l'euthanasie sans délai de l'animal, alors qu'il n'est pas établi qu'une telle opération n'excédait pas les mesures nécessaires pour prévenir le danger représenté par cet animal déjà capturé, le maire de Sainte-Reine de Bretagne a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Reine de Bretagne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a retenu l'engagement de sa responsabilité.

16. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait toutefois être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.

17. Alors même que la vache dont M. E...revendique la propriété n'a pas causé de dommage à un tiers au cours de sa divagation, il résulte de l'instruction que le requérant, qui ne démontre pas l'allégation selon laquelle la divagation de l'animal aurait résulté d'un acte de malveillance de la part de tiers, n'a pas assuré une surveillance suffisante et adaptée pour éviter une telle situation. Par ailleurs, ayant été informé de l'état de divagation de l'animal dans l'après-midi du 4 décembre 2013, M. E...n'a pas mis en oeuvre les mesures pour le récupérer rapidement, notamment dans le délai de 24 heures qui lui avait été imparti par l'autorité municipale. Compte tenu de ces négligences qui lui sont imputables et à l'origine de l'état de divagation de l'animal, M. E...doit être regardé comme étant en partie responsable de la situation dont il demande réparation. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation en limitant la responsabilité de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne à 75 % des préjudices subis par le requérant.

Sur les préjudices :

18. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment d'une attestation établie le 2 décembre 2015 par l'ancienne propriétaire de l'animal, que M. E...a fait l'acquisition de la vache euthanasiée au prix de 1 300 euros le 1er décembre 2013. Le préjudice financier subi par l'intéressé résultant de la perte de cette vache, présente un caractère certain et directement lié à la faute commise par le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne en prescrivant l'euthanasie sans délai de l'animal. Il est ainsi de nature à ouvrir à M. E...un droit à indemnisation.

19. D'autre part, l'euthanasie de la vache appartenant à M. E...dans les conditions précédemment rappelées est de nature à avoir entrainé pour ce dernier des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en fixant le montant global de leur indemnisation à 500 euros.

20. En revanche, M. E...ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, de la réalité des autres préjudices qu'il invoque, qui auraient résulté respectivement de la perte de temps liée à la recherche de son animal et de la perte de biodiversité du fait de la mort de sa vache, de race bretonne pie noire et sans descendance.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 20 du présent arrêt, et en particulier du partage de responsabilité mentionné au point 17, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne la somme de 1 350 euros.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...est seulement fondé à soutenir qu'il y a lieu de réformer le jugement du 3 mars 2017, en tant qu'il a limité à 900 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Nantes, et à obtenir la condamnation de la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne à lui verser une indemnité de 1 350 euros.

Sur les intérêts :

23. Si M. E...demande dans ses conclusions que l'indemnité qui lui est allouée soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 février 2014, date de réception de sa demande préalable par la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne, ses conclusions sur ce point doivent être rejetées dès lors qu'il ne discute aucunement dans ses écritures le caractère " tous intérêts compris " de l'indemnité de 900 euros mise à la charge de la commune par le jugement attaqué.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux parties la charge des frais qu'elles ont exposés au titre de la présente instance. Par suite, leurs conclusions respectives tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2013 du maire de Sainte-Reine-de-Bretagne sont rejetées.

Article 3 : La commune de Sainte-Reine-de-Bretagne versera à M. E...la somme de 1 350 (mille trois cent cinquante) euros tous intérêts compris.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...et à la commune de Sainte-Reine-de-Bretagne.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 janvier 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00069
Date de la décision : 04/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : VERITE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-04;18nt00069 ?
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