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10/01/2019 | FRANCE | N°17NT03536

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 janvier 2019, 17NT03536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Caen :

1- d'annuler la décision du 25 mai 2016 par laquelle le ministre des finances a refusé l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 22 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 juillet 2016 rejetant son recours gracieux.

2- de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 4 563,84 euros correspondant à sa perte de rémunération nette induite par la mise en oeuvre de son mi-temps thérapeutique, 15 879 euros au titre

de son préjudice corporel et 15 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Caen :

1- d'annuler la décision du 25 mai 2016 par laquelle le ministre des finances a refusé l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 22 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 juillet 2016 rejetant son recours gracieux.

2- de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 4 563,84 euros correspondant à sa perte de rémunération nette induite par la mise en oeuvre de son mi-temps thérapeutique, 15 879 euros au titre de son préjudice corporel et 15 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1601651 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 27 novembre 2017 et le 29 décembre 2017, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 septembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité externe de la décision contestée :

- l'administration s'est crue en situation de compétence liée par rapport à l'avis de la commission de réforme ;

- l'avis de la commission de réforme est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'avis de la commission de réforme a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de vote ;

- le service instructeur des ministères économiques et financiers a tenté d'influencer l'avis de la commission de réforme ;

- la désignation d'un des membres des représentants du personnel siégeant à la commission de réforme s'est faite dans des conditions irrégulières ;

- la commission de réforme n'a pas rendu d'avis sur sa demande de mi-temps thérapeutique ;

- la commission de réforme ministérielle aurait dû être consultée en lieu et place de la commission de réforme départementale du Calvados ;

Sur la légalité interne de la décision contestée :

- le fonctionnaire atteint d'un malaise résultant d'un état d'" épuisement professionnel " est fondé à demander la reconnaissance d'un accident imputable au service ;

- il existe un unique évènement professionnel déclencheur du choc psychologique à l'origine de son accident ;

- la commission de réforme a retenu, à tort, que sa pathologie psychiatrique était insuffisamment caractérisée ;

- l'administration a méconnu son obligation de neutralité, d'égalité et d'impartialité en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service de son accident.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que les conclusions indemnitaires du requérant sont irrecevables, faute de liaison du contentieux, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeD..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ingénieur de l'industrie et des mines, est affecté à la division de Caen de l'Agence de sûreté nucléaire (ASN) depuis le 1er octobre 2007. Il y exerce les fonctions d'inspecteur du travail à plein temps depuis 2011. Il était associé à M.B..., qui exerçait des fonctions d'inspecteur du travail à hauteur de 70 % de son temps de travail, jusqu'à ce que ce dernier, victime d'un épuisement professionnel, soit placé en arrêt maladie trois mois en 2014, puis change d'affectation à compter du 1er avril 2015. Estimant être confronté, depuis 2011, à une surcharge de travail, M. A...a souhaité le remplacement immédiat de son ancien collègue. Après avoir appris, le 22 octobre 2015, que la candidature de M.B..., volontaire pour occuper à nouveau son ancien poste, avait été refusée, il a éprouvé un malaise et a été arrêté deux semaines pour épuisement professionnel, ses arrêts de travail étant par la suite renouvelés jusqu'au 23 mai 2016 inclus. M. A... a repris ses fonctions à mi-temps thérapeutique le 24 mai 2016. Le 30 novembre 2015, l'intéressé a déposé une demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont il estime avoir été victime le 22 octobre 2015, suite au refus de la candidature de M. B... sur son ancien poste. Par un avis du 27 avril 2016, la commission de réforme du département du Calvados a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service. Suite à cet avis, le ministre chargé de l'économie et des finances a refusé l'imputabilité au service de l'accident dont M. A... estime avoir été victime le 22 octobre 2015. Par une décision du 7 juillet 2016, le ministre chargé de l'économie et des finances a rejeté le recours gracieux de l'intéressé.

2. Par sa présente requête, M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 29 septembre 2017 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2016 par laquelle le ministre chargé des finances a refusé l'imputabilité au service de l'accident dont il estime avoir été victime le 22 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 juillet 2016 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction alors applicable : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. ".

4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

5. En se fondant sur la circonstance que la " pathologie " de M. A... n'avait pas été provoquée par un " évènement unique ", pour écarter la qualification juridique des faits de l'espèce en accident imputable au service, alors que, d'une part, l'accident en cause est constitué par le malaise, la crise d'angoisse et les troubles subis par l'intéressé suite à l'information reçue le 22 octobre 2015 et que, d'autre part, il appartenait seulement aux premiers juges d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si des circonstances particulières permettaient de regarder cet évènement comme détachable du service, le tribunal s'est livré à une interprétation erronée des dispositions visées. Il ressort également des pièces du dossier que le malaise, les troubles et les bouffées d'angoisse dont a été victime M. A... sont intervenus alors qu'il était en service, dans son bureau, suite à la réception d'un courriel du directeur général adjoint de l'ASN, l'informant du refus de la candidature de son ancien collègue pour l'assister dans l'accomplissement de ses missions. Si ce malaise a pu être favorisé par une pathologie préexistante, celle-ci s'inscrivait dans un état d'épuisement professionnel reconnu par les médecins traitants de l'intéressé, ainsi qu'il ressort des certificats et rapports médicaux produits. Dès lors, en l'espèce, ce malaise est imputable au service, aucune circonstance particulière au dossier ne permettant de détacher cet événement du service.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du refus opposé le 25 mai 2016 par le ministre chargé des finances à sa demande d'imputation au service de l'accident du 22 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 juillet 2016 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. L'administration a conclu à titre principal à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires du requérant faute de liaison du contentieux. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... ait adressé une réclamation contentieuse préalable à l'administration tendant à obtenir la réparation des préjudices allégués. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'indemnisation de l'intéressé doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 25 mai 2016 par laquelle le ministre chargé des finances a refusé l'imputabilité au service de l'accident dont M. A...a été victime le 22 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 juillet 2016 rejetant le recours gracieux de l'intéressé sont annulées.

Article 2 ; Le jugement du 29 septembre 2017 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A...tendant à l'annulation des décisions des 25 mai et 7 juillet 2016.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03536
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : DUFRESNE-CASTETS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-10;17nt03536 ?
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