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25/01/2019 | FRANCE | N°18NT01470

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 janvier 2019, 18NT01470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M.A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Plessé à leur verser la somme de 1 087 718 euros à titre d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du maire de Plessé du 26 février 2009 portant réglementation des horaires d'ouverture de la discothèque " Le moulin ".

Par un jugement n° 1506725 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Na

ntes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M.A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Plessé à leur verser la somme de 1 087 718 euros à titre d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du maire de Plessé du 26 février 2009 portant réglementation des horaires d'ouverture de la discothèque " Le moulin ".

Par un jugement n° 1506725 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2018, et un mémoire, enregistré le 19 novembre 2018, M. A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M.A..., représentés par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Plessé à verser à M. A...une indemnité de 1 087 718 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du maire de Plessé du 26 février 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plessé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance, et de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la requête d'appel.

M. A...et la SCP Philippe B...soutiennent que :

sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il ne répond pas à l'ensemble des arguments invoqués par M.A... et au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée au pénal qui s'attache au jugement du 24 avril 2012, devenu définitif, du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire relaxant M. A...de l'infraction de vente ou d'offre de boissons alcoolisées à un mineur de 16 ans ;

sur le bien-fondé du jugement :

- la demande de première instance était parfaitement recevable, au regard des délais de recours et sans qu'y fasse obstacle l'exception de déchéance quadriennale opposée par la commune de Plessé ;

- en édictant l'arrêté du 26 février 2009 en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 24 avril 2012 du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, sur le fondement de faits matériellement inexacts, et au prix d'une erreur manifeste d'appréciation, le maire de Plessé a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- M. A...justifie de préjudices résultant directement de l'arrêté du 26 février 2009, tirés de la perte de son fonds de commerce placé en redressement puis en liquidation judiciaire, de la perte d'investissements, de la perte des véhicules acquis dans le cadre de son activité, de la perte d'un bien immobilier en indivision, de la perte de valeur de l'établissement qu'il exploitait, de frais d'emprunt et de sommes qu'il a dû acquitter en qualité de caution, de perte de salaires depuis février 2010, et du préjudice moral subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, la commune de Plessé, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... et de la SCP Philippe B...le versement à son profit d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la requête est irrecevable, en tant qu'elle a été présenté par M.A..., placé en liquidation judiciaire et qui ne peut de ce fait exercer lui-même les actions en justice attachées à son patrimoine, et en tant qu'elle a été présentée tardivement par la SCP Philippe B...après l'expiration du délai d'appel de deux mois qui n'a pu être conservé par la demande d'aide juridictionnelle introduite par M.A... ;

- la créance dont se prévaut M. A...est frappée par la prescription quadriennale ;

- aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour M. A...et la SCP PhilippeB..., et de Me E...pour la commune de Plessé.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 février 2009, le maire de la commune de Plessé a décidé de restreindre les horaires d'ouverture de la discothèque dénommée " Le Moulin ", exploitée par M. A..., de 15h à 2h les dimanches et jours fériés et de 20h à 2h les vendredis, samedis et veilles de jours fériés. Cet arrêté est intervenu à la suite d'un accident de la route survenu dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 février 2009, impliquant le véhicule navette de la discothèque qui est entré en collision avec deux jeunes mineurs circulant à scooter et qui sont décédés. Le 10 février 2010, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. A...et désigné Me D...B..., mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire. Par un jugement du 24 avril 2012, le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a relaxé M. A...des faits de vente ou d'offre de boisson alcoolique à un mineur de 16 ans les 21 et 22 février 2009 pour lesquels il était poursuivi. Par un jugement du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée conjointement par M. A... et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M. A..., tendant à la condamnation de la commune de Plessé à leur verser la somme de 1 087 718 euros à titre d'indemnisation des préjudices résultant de l'arrêté du 26 février 2009. M. A...et la SCP Philippe B...relèvent appel de ce jugement du 5 octobre 2017 et demandent la condamnation de la commune de Plessé à verser à M. A...une indemnité de 1 087 718 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A...et la SCP Philippe B...ne sauraient utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait au jugement du 24 avril 2012 du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire prononçant la relaxe de M.A..., dès lors qu'il ne ressort pas de leurs écrits de première instance qu'ils ont soulevé ce moyen de la manière dont il est ainsi présenté devant la cour. Au demeurant, le tribunal, qui n'était d'ailleurs pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a retenu que les intéressés ne pouvaient utilement se prévaloir, au soutien des moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commises le maire de Plessé, du jugement du 24 avril 2012 du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire prononçant la relaxe de M. A...des faits à raison desquels il était poursuivi. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité de la commune de Plessé :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". L'article L. 2212-2 du même code dispose par ailleurs que " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 3342-3 du code de la santé publique : " Il est interdit de recevoir dans les débits de boissons des mineurs de moins de seize ans qui ne sont pas accompagnés de leur père, mère, tuteur ou toute autre personne de plus de dix-huit ans en ayant la charge ou la surveillance. (...) ".

4. En premier lieu, si les faits constatés par le juge pénal saisi de poursuites pour infraction, et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée, s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient dans ce cas à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'édiction d'une mesure administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement du 24 avril 2012 par lequel le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a prononcé la relaxe de M. A...des faits de vente ou d'offre de boisson alcoolique à un mineur de 16 ans les 21 et 22 février 2009 ne revêt pas, s'agissant tant de la matérialité des faits en cause que de leur qualification juridique, l'autorité de chose jugée. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le maire de Plessé, dont l'arrêté du 26 février 2009 vise notamment les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, ne s'est pas fondé, pour décider de restreindre les horaires d'ouverture de la discothèque " Le Moulin ", sur les faits pour lesquels M. A...a été poursuivi puis relaxé, mais sur les troubles à l'ordre public caractérisés par l'événement tragique survenu le 22 février 2009 et les graves dysfonctionnements constatés dans les conditions d'exploitation de l'établissement. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée au pénal doit être écarté.

6. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, en se bornant à se prévaloir du jugement de relaxe de M.A..., les requérants ne démontrent pas que l'arrêté municipal du 26 février 2009, qui n'a au demeurant eu pour objet que de restreindre les horaires d'ouverture de la discothèque en imposant sa fermeture à deux heures du matin le week-end et les veilles de jours fériés, serait fondé sur des faits matériellement inexacts, ni qu'il procèderait, compte tenu de la nature et de la gravité des faits sur lesquels il est fondé, d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède qu'en édictant l'arrêté du 26 février 2009, le maire de Plessé n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée en appel par la commune de Plessé, ni de statuer sur l'exception de prescription de la créance opposée par la commune, M. A... et la SCP Philippe B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Plessé à leur verser une indemnité de 1 087 718 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plessé, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. A...et la SCP Philippe B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCP PhilippeB..., sur ce même fondement, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Plessé.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...et de la SCP Philippe B...est rejetée.

Article 2 : La SCP Philippe B...versera à la commune de Plessé la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...A..., à la SCP Philippe B...et à la commune de Plessé.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01470
Date de la décision : 25/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET BASCOULERGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-25;18nt01470 ?
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