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28/01/2019 | FRANCE | N°17NT03759

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 janvier 2019, 17NT03759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Thyssenkrupp Ascenseurs " a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'inspection du travail de Maine-et-Loire a refusé le licenciement de M. A...C..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1505824 du 13 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017, la société Thyssen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Thyssenkrupp Ascenseurs " a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'inspection du travail de Maine-et-Loire a refusé le licenciement de M. A...C..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1505824 du 13 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017, la société Thyssenkrupp Ascenseurs, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2014 refusant le licenciement de M.C..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre à la ministre du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement de M. C...dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'enquête réalisée par l'inspecteur du travail est irrégulière :

* elle méconnait le principe d'unité entre l'enquêteur et le décideur dès lors que l'inspecteur du travail ayant reçu M. C...et mené une partie de l'enquête contradictoire n'est pas celui qui a pris la décision de refus de licenciement ;

- la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la directrice adjointe du travail ne pouvait auditionner M. C...par téléphone ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation :

* M. C...a occasionné un trouble à la bonne marche de l'entreprise ;

* le licenciement pour trouble objectif à la bonne marche de l'entreprise est en l'espèce le seul moyen pour l'employeur de respecter son obligation de sécurité de résultat ;

* la procédure de licenciement n'avait aucun lien ni avec le mandat détenu par M. C... ni avec son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2018, M. C...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Thyssenkrupp Ascenseurs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Thyssenkrupp Ascenseurs ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

La ministre renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant MeD..., représentant société Thyssenkrupp Ascenseurs.

Considérant ce qui suit :

1. La société Thyssenkrupp Ascenseurs a sollicité, le 20 octobre 2014, l'autorisation de licencier M. A...C..., délégué du personnel, en raison du trouble à la bonne marche de l'entreprise causé par son comportement. L'inspecteur du travail de l'unité territoriale d'Angers de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire a refusé le licenciement de l'intéressé par une décision du 18 décembre 2014. La société Thyssenkrupp Ascenseurs a saisi le ministre chargé du travail le 12 février 2015 d'un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2014. Ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par sa présente requête, la société Thyssenkrupp Ascenseurs relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2014 refusant le licenciement de M.C..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail :

3. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection rappelée ci-dessus, les articles R. 2421-4 et R. 2421-1 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé au titre d'un ou plusieurs mandats représentatifs procède à une enquête contradictoire. Cette enquête, ainsi que la décision prise à son issue, relèvent de l'inspecteur du travail ayant compétence pour statuer sur la demande d'autorisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'enquête contradictoire a été menée par son signataire, M.B..., inspecteur du travail d'Angers qui avait compétence pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement. La circonstance que l'audition de M. C...ait été effectuée par MmeG..., inspecteur du travail de Montpellier, le 8 décembre 2014, en raison de l'impossibilité médicale pour le salarié de se rendre à la convocation à Angers, est sans incidence sur la régularité de l'enquête contradictoire.

En ce qui concerne la décision du ministre :

5. En premier lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du ministre est inopérant.

6. En second lieu, si, en vertu des dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit procéder à une enquête contradictoire, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe, à l'exception des cas où l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire, que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens du même article. Dans ces conditions, dès lors qu'il résulte de ce qui précède et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail aurait méconnu les obligations de l'enquête contradictoire, la circonstance que M. C...ait été auditionné par la directrice adjointe du travail par téléphone dans le cadre de l'examen du recours hiérarchique, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure.

En ce qui concerne les deux décisions :

7. Pour refuser le licenciement sollicité, l'inspecteur du travail s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que la société Thyssenkrupp Ascenseurs n'établissait pas le trouble à la bonne marche de l'entreprise et, d'autre part, sur le caractère discriminatoire du licenciement.

8. En premier lieu, à l'appui de ses affirmations selon lesquelles la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation, la société Thyssenkrupp Ascenseurs produit des témoignages de collègues de M.C..., faisant état d'altercations que ce dernier a pu avoir avec deux assistantes, le directeur d'agence et la " directrice du personnel région ". Il ressort toutefois du témoignage de MmeF..., assistante, que l'événement auquel la société fait référence est isolé et s'est produit plus de deux ans avant la procédure de licenciement. Dans ces conditions, la qualification de harcèlement ne saurait être retenue. Si les autres témoignages produits font état d'attitudes et de propos déplacés et offensants de la part de M.C..., il ressort également des pièces du dossier que le climat social dans l'entreprise était dégradé, notamment en raison de l'absence de réunion régulière des délégués du personnel. En outre, il n'est pas contesté que certains courriels et appels téléphoniques reprochés à M. C...s'inscrivent dans un contexte ou ce dernier était en arrêt maladie pour troubles psychologiques. Même si certains propos tenus par M. C...sont regrettables, la société Thyssenkrupp Ascenseurs n'apporte pas la preuve que ces propos auraient nui à la santé des autres salariés ou induit des répercussions telles, sur le fonctionnement de l'entreprise, qu'elles auraient été de nature à rendre impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise, eu égard notamment aux fonctions de délégué du personnel de ce dernier.

9. En second et dernier lieu, il est constant que les propos tenus par M. C...et le comportement qui lui est reproché l'ont été dans le cadre de son mandat syndical, dans un contexte social dégradé, notamment en raison du comportement de la société elle-même, faute de réunions régulières des délégués du personnel. Par suite, et en dépit de la circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie n'ait pas reconnu l'origine professionnelle de l'état de santé de M.C..., l'inspecteur du travail et le ministre n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en retenant le caractère discriminatoire du licenciement.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Thyssenkrupp Ascenseurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Thyssenkrupp Ascenseurs demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, à mettre à la charge de la société Thyssenkrupp Ascenseurs la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Thyssenkrupp Ascenseurs est rejetée.

Article 2 : la société Thyssenkrupp Ascenseurs versera à M. C...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à sera notifié à la société Thyssenkrupp Ascenseurs, à M. A...C...et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller.

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03759
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL VACCARO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-28;17nt03759 ?
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