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29/03/2019 | FRANCE | N°17NT02180;17NT02303

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 mars 2019, 17NT02180 et 17NT02303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...G...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 107 029 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par cet établissement hospitalier lors de sa prise en charge à partir du 19 février 2013.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 147 755,7

5 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés au profit de M.G..., ainsi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...G...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 107 029 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par cet établissement hospitalier lors de sa prise en charge à partir du 19 février 2013.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 147 755,75 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés au profit de M.G..., ainsi que l'indemnité de frais de gestion.

Par un jugement n° 1504118 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de M. G...et de la CPAM d'Ille-et-Vilaine.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le numéro 17NT02180 les 18 juillet 2017 et 27 décembre 2018 la CPAM d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 147 755,75 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés au profit de M.G..., cette somme devant porter intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et 1 066 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vitré la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise du professeur Bouillot, commandé par le centre hospitalier de Vitré et sur lequel s'est appuyé le tribunal administratif, n'a pas été réalisé à son contradictoire ;

- la perforation de l'intestin grêle dont a été victime M. G...lors de l'intervention du 19 février 2013 est fautive en l'absence d'anomalie susceptible de rendre l'atteinte inévitable ou de risque inhérent à l'intervention ;

- l'intervention chirurgicale du 22 février 2013 a été réalisée tardivement, dès lors que M. G...présentait un état général altéré avec abdomen météorisé et un état précomateux à la suite de l'intervention du 19 février.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2018 le centre hospitalier de Vitré, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, au besoin après que la cour eut ordonné une nouvelle expertise, et à ce que soit mise à la charge de la CPAM d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés et que les nombreuses erreurs qui émaillent le rapport des docteurs I...et F...justifient que soit ordonnée une nouvelle expertise.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2018 M.G..., représenté par Me K..., présente les mêmes conclusions et les mêmes moyens que dans l'instance n° 17NT02303 introduite par lui et visée ci-dessous et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Vitré la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi que la même somme au titre des frais exposés en première instance et les dépens.

Par ordonnance du 3 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2019.

Un mémoire présenté par la CPAM d'Ille-et-Vilaine a été enregistré le 1er mars 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le numéro 17NT02303, les 26 juillet 2017 et 11 décembre 2018 M.G..., représenté par MeK..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2017 ;

2°) à titre principal de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser les sommes de 61 464 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et 45 665 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, sommes qui devront être assorties des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) à titre subsidiaire de condamner le centre hospitalier de Vitré à lui verser 74 990,30 euros au titre de sa perte de chance d'éviter le dommage et 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'impréparation, sommes qui devront être assorties des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vitré les dépens et des sommes de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel.

Il soutient que :

- la perforation de l'intestin grêle dont il a été victime lors de l'intervention du 19 février 2013 est fautive en l'absence d'anomalie susceptible de rendre l'atteinte inévitable ou de risque inhérent à l'intervention ;

- le diagnostic de perforation de l'intestin grêle a été porté tardivement ;

- le centre hospitalier de Vitré ne l'a pas informé du risque de perforation de l'intestin grêle qu'il encourrait lors de l'intervention du 19 février 2013 ; il a perdu une chance d'éviter ce dommage qui doit être évaluée à 70%.

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2018 la CPAM d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me A...C..., conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans l'instance n° 17NT02180 visée ci-dessus et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Vitré la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2018 le centre hospitalier de Vitré, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, au besoin après que la cour eut ordonné une nouvelle expertise, et à ce que soit mise à la charge de la CPAM d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2019.

Un mémoire présenté par la CPAM d'Ille-et-Vilaine a été enregistré le 1er mars 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeJ..., représentant le centre hospitalier de Vitré, et de Me D..., représentant M.G....

Considérant ce qui suit :

1. M.G..., alors âgé de 52 ans, a subi le 19 février 2013 au centre hospitalier de Vitré une coelioscopie exploratoire pour une suspicion de pathologie tumorale en lien avec une sténose sigmoïdienne. Dans les suites opératoires, il a présenté divers symptômes qui ont conduit les médecins à procéder, le 22 février 2013, à un examen par laparotomie, lequel a révélé une péritonite causée par une perforation de l'intestin grêle survenue lors de l'intervention du 19 février 2013. Un lavage de la cavité péritonéale, une suture de perforation et une colostomie ont été immédiatement pratiqués. M. G...a été transféré au CHU de Rennes où il a subi de nouvelles interventions le 24 février et le 7 mars 2013. Il est retourné le 19 mars au centre hospitalier de Vitré, où il a été soigné jusqu'au 4 avril. Il a ensuite été transféré pour convalescence à la clinique Saint-Yves de Rennes et a pu rentrer à son domicile le 6 juin suivant. Il a de nouveau été hospitalisé du 6 au 19 août 2013 au CHU de Rennes pour une résection de la zone sténosée du colon, la fermeture de la colostomie du 22 février et la réparation d'une éventration. Une expertise amiable a été réalisée le 23 septembre 2014 par les docteurs I...etF.... M. G... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire qui a été rejetée par un jugement du 22 juin 2017. M.G..., par la requête n°17NT02180, et la CPAM d'Ille-et-Vilaine, par la requête n° 17NT02303, qu'il y a lieu de joindre, relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Vitré :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport circonstancié et étayé établi le 31 mai 2015 par le professeur Bouillot, chirurgien, à la demande du centre hospitalier de Vitré, qui peut être retenu comme élément d'information dès lors qu'il a pu être commenté et critiqué par M. G...et par la CPAM d'Ille-et-Vilaine à l'occasion de la procédure contentieuse, que l'intervention par coelioscopie du 19 février 2013 au cours de laquelle M. G...a été victime d'une perforation de l'intestin grêle était justifiée, que la perforation de l'intestin grêle est une complication connue de ce type d'intervention, avec une occurrence comprise entre 1 et 3%, qu'elle a probablement eu lieu lors de la libération d'adhérences, par électrocoagulation, et que le chirurgien qui a opéré M. G...n'a commis aucun geste fautif. Si M. G...et la CPAM d'Ille-et-Vilaine se prévalent du rapport du 23 septembre 2014 des docteurs I...et F...qui concluent à un " accident médical par maladresse fautive ", ce rapport n'établit aucunement l'existence d'une faute de la part du chirurgien qui a opéré M. G.... Par suite, la responsabilité du centre hospitalier ne saurait être engagée en raison d'un geste technique fautif.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. G...a présenté le 21 février en début d'après-midi des symptômes de type nausées et météorisme débutant, qu'en début de nuit il s'est plaint de douleurs abdominales et est devenu confus et agité et que le matin du 22 février son état s'est nettement dégradé, justifiant une exploration par laparotomie qui a permis de mettre en évidence une perforation de l'intestin grêle. Si les docteurs I...et F...retiennent, sans le justifier et en s'appuyant sur une présentation succincte et erronée des faits, un retard de diagnostic et de prise en charge de cette complication, il résulte toutefois des conclusions du professeur Bouillot et du dossier médical de M. G...que les premiers signes de dégradation de son état de santé ne sont apparus que le 21 février et pouvaient correspondre à une reprise du transit puis à un épisode de délirium tremens, compte tenu des antécédents d'intoxication alcoolique du patient, et que la décision de le réopérer est intervenue rapidement le 22 février après l'apparition des premiers symptômes sérieux justifiant une telle intervention. Par suite, la responsabilité du centre hospitalier de Vitré n'est pas davantage engagée en raison d'un retard de diagnostic et de prise en charge de la perforation de l'intestin grêle dont a été victime M.G....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ". En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

6. M. G...soutient, pour la première fois en appel, que le centre hospitalier de Vitré ne l'a pas informé du risque de perforation de l'intestin grêle qu'il encourrait à l'occasion de l'intervention du 19 février 2013. Si le centre hospitalier de Vitré met en avant un courrier du 23 janvier 2013 qui précise que " les principes de l'intervention ont été exposés à M. G...et parfaitement compris, surtout la possibilité de conversion en laparotomie si les conditions locales nous y imposent. ", ces éléments ne suffisent pas à apporter la preuve, qui lui incombe, que le risque grave et normalement prévisible de perforation de l'intestin grêle a fait l'objet d'une information spécifique. Par suite, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'urgence ou une quelconque impossibilité auraient fait obstacle à ce que le centre hospitalier remplisse son obligation d'information, la responsabilité de cet établissement de santé est engagée.

Sur les préjudices de M.G... :

7. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent écarter l'existence d'une perte de chance.

8. Il résulte de l'instruction que l'intervention du 19 février 2013, sans être impérieusement requise, était particulièrement justifiée, M. G...présentant un haut risque de cancer colorectal et souffrant d'une sténose du colon pouvant laisser suspecter une telle pathologie. Dans ces conditions, la perte de chance de M. G...de refuser cette intervention doit être fixée à 20%.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

9. M. G...justifie avoir versé la somme de 1 440 euros au docteurF..., qui a participé aux opérations d'expertise amiable. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier de Vitré de lui rembourser, après application du taux de perte de chance retenu au point précédent, la somme de 288 euros au titre de ce chef de préjudice.

10. M. G...soutient qu'il souffre de troubles des membres inférieurs et supérieurs et d'un état anxieux, en lien avec les interventions chirurgicales qu'il a subies à partir du 22 février 2013, qui seraient à l'origine d'une perte de revenus et d'une incidence professionnelle. Toutefois, d'une part il résulte des conclusions concordantes des experts sur ce point que l'étiologie des troubles qu'il invoque n'est pas connue et ne peut donc être reliée de manière directe et certaine avec les interventions subies par lui entre le 22 février et le 19 août 2013 et, d'autre part, il était déjà traité pour un état anxieux avant la coelioscopie du 19 février 2013. Par suite, il ne justifie pas que le dommage dont il a été victime serait à l'origine d'une perte de revenus et d'une incidence professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

11. Il résulte de l'instruction que la date de fin des dommages résultant de l'accident médical dont a été victime M. G...doit être fixée au 19 août 2013, c'est-à-dire au dernier jour d'hospitalisation de l'intéressé au CHU de Rennes et à la fin des traitements actifs des séquelles du dommage qu'il a subis le 19 février 2013, à savoir la fermeture de la colostomie mise en place le 22 février 2013 et la réparation d'une éventration. Il est par ailleurs établi par l'instruction que M. G...a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant ses périodes d'hospitalisation entre le 22 février et le 6 juin 2013 et du 6 août au 19 août 2013 et partiel entre le 6 juin et le 6 août 2013. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant le montant de la réparation due à M. G...à 2 000 euros, soit 400 euros après application du taux de perte de chance de 20%.

12. Il ne résulte pas de l'instruction que M.G..., qui n'évoque d'ailleurs pas d'autres séquelles que celles dont il a été dit au point 10 qu'elles ne sont pas en lien direct et certain avec son dommage, aurait subi un déficit fonctionnel permanent. Par conséquent, sa demande de réparation de ce préjudice ne peut qu'être écartée.

13. Les souffrances endurées par M. G...ont été évaluées à 4,5 sur 7 par les docteurs I...etF.... Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 2 000 euros, après application du taux de perte de chance de 20%.

14. Le préjudice esthétique permanent de M.G..., qui résulte des cicatrices des laparotomies qu'il a subies, a été évalué à 3 sur 7 par les experts. Il y a lieu de condamner à ce titre le centre hospitalier de Vitré à lui verser la somme de 720 euros, après application du taux de perte de chance de 20%.

15. M. G...n'établit pas avoir subi un préjudice sexuel. Sa demande de réparation de ce préjudice ne peut donc qu'être écartée.

16. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. Il résulte de l'instruction que M. G...n'a pas pu se préparer aux conséquences du dommage qu'il a subi, en particulier à l'obligation de supporter une colostomie et qu'il a donc subi un préjudice moral qui peut être justement évalué à la somme de 3 000 euros, dont la réparation incombe dans sa totalité au centre hospitalier de Vitré.

17. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Vitré doit être condamné à verser à M. G...la somme totale de 6 408 euros. M. G...a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 14 août 2015, date de réception par le centre hospitalier de Vitré de sa demande indemnitaire.

Sur les droits de la CPAM d'Ille-et-Vilaine :

18. Eu égard à ce qui a été dit au point 10, la CPAM d'Ille-et-Vilaine est uniquement fondée à demander le remboursement des débours qu'elle a exposés à l'occasion des hospitalisations de M. G...au CHU de Rennes du 22 février au 19 mars 2013 et du 6 août au 19 août 2013, au centre hospitalier de Vitré du 19 mars 2013 au 4 avril 2013 et à la clinique Saint-Yves du 4 avril au 6 juin 2013, et des indemnités journalières qu'elle lui a versées du 23 février au 19 août 2013. Il résulte de l'instruction que ces frais s'élèvent à la somme totale de 135 183,05 euros. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier de Vitré, après application du taux de perte de chance de 20%, à rembourser à la caisse la somme de 27 037 euros.

19. La CPAM d'Ille-et-Vilaine a droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 27 037 euros qui lui est allouée par le présent arrêt à compter du 12 novembre 2015, date d'enregistrement de sa demande par le greffe du tribunal administratif de Rennes. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d'une année, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la CPAM d'Ille-et-Vilaine le 12 novembre 2015 au tribunal administratif de Rennes. Il y a ainsi lieu de capitaliser les intérêts au 12 novembre 2016, date à laquelle une année d'intérêts a été due, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

20. La CPAM d'Ille-et-Vilaine a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Le centre hospitalier de Vitré lui versera à ce titre la somme de 1 080 euros.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le centre hospitalier de Vitré, que M. G...et la CPAM d'Ille-et-Vilaine sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes indemnitaires et, par suite, à demander l'annulation de ce jugement.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. G...et la CPAM d'Ille-et-Vilaine, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, versent au centre hospitalier de Vitré la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce centre hospitalier des sommes de 1 500 euros à verser respectivement à M. G...et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1504118 du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2017 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Vitré versera à M. G...la somme de 6 408 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 14 août 2015.

Article 3 : Le centre hospitalier de Vitré versera à la CPAM d'Ille-et-Vilaine la somme de 27 037 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2015. Les intérêts échus le 12 novembre 2016 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le centre hospitalier de Vitré versera à la CPAM d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 5 : Le centre hospitalier de Vitré versera à M. G...et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la CPAM d'Ille-et-Vilaine et de M. G...et les conclusions présentées devant la cour par le centre hospitalier de Vitré sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la CPAM d'Ille-et-Vilaine, au centre hospitalier de Vitré et à M. E... G....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2019.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02180, 17NT02303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02180;17NT02303
Date de la décision : 29/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET REMY LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-29;17nt02180 ?
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