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10/04/2019 | FRANCE | N°18NT03975

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 avril 2019, 18NT03975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa remise aux autorités allemandes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle a été assignée à résidence.

Par un jugement n° 1804651 du 11 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018 et

régularisée le 20 février 2019, Mme A...F..., représentée par Me D...E..., demande à la cour, dans le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa remise aux autorités allemandes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle a été assignée à résidence.

Par un jugement n° 1804651 du 11 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018 et régularisée le 20 février 2019, Mme A...F..., représentée par Me D...E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 11 octobre 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 1er octobre 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que la minute du jugement n'est pas signé ;

- l'auteur de l'arrêté de transfert n'a pas été régulièrement habilité à le signer ;

- l'entretien individuel n'a pas été mené conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

-elle n'a pas bénéficié de son droit à l'information conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

-l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-l'arrêté méconnaît les dispositions 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

-l'illégalité de l'arrêté de transfert prive de base légale l'arrêté portant assignation à résidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Mme A... F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lenoir a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeF..., ressortissante congolaise née le 12 décembre 1981, est entrée en France le 1er août 2018 accompagnée de sa fille âgée de cinq ans. Elle s'est présentée à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 6 août 2018 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Visabio " a révélé qu'elle était titulaire d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités allemandes. Les autorités allemandes ont alors été saisies d'une demande de prise en charge le 31 août 2018 sur le fondement du point 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ont accepté la responsabilité du traitement de la demande d'asile de l'intéressée le même jour. Par un arrêté du 1er octobre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de Mme F...aux autorités allemandes, et, par un second arrêté du même jour, l'a assignée à résidence. La requérante relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 1er octobre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, contrairement à ce que prétend la requérante, le jugement attaqué ne méconnaît pas ces dispositions dès lors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement a été signée par le magistrat désigné et par le greffier d'audience.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, Mme C...B...dispose d'une délégation permanente donnée par arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 25 septembre 2018, publié au recueil des actes administratifs n° 587 du 25 septembre 2018 pour signer les décisions relevant de la procédure dite " Dublin III " et notamment les arrêtés de transfert et d'assignation à résidence. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque donc en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme F...soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013. Il ressort cependant des pièces du dossier de première instance que le préfet a produit le résumé de l'entretien individuel dont elle a bénéficié, antérieurement à l'édiction de l'arrêté de transfert. Celui-ci a été établi sous la forme d'un rapport reprenant les principales informations fournies par la requérante, aucune disposition n'imposant qu'il revête la forme d'un formulaire exhaustif, contrairement à ce qu'elle soutient. Ce résumé fait apparaître que l'entretien a été mené en français, langue que l'intéressée a déclaré comprendre, et que cette dernière a confirmé avoir compris tous les termes de l'entretien. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

5. En troisième lieu, Mme F...soutient qu'elle n'a pas pu bénéficier des informations prescrites par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison de son incapacité à lire les brochures A et B qui lui ont été remises en français. En se bornant à soutenir qu'elle ne lit pas cette langue, sans établir qu'elle aurait fait part de cette difficulté à ses interlocuteurs pendant l'entretien individuel dont elle a bénéficié, et alors même qu'elle a signé la mention " langue française, langue que l'intéressé déclare comprendre et lire ", Mme F...n'établit pas avoir été privée des garanties prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

7. La requérante soutient qu'elle n'a aucune attache familiale en Allemagne. Cependant, si elle allègue la présence de sa mère sur le territoire français, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. De plus, si son époux a présenté une demande d'asile et a été admis en procédure normale, cette demande a été présentée à la préfecture de l'Aisne et il a déclaré vivre avec une autre personne et en conséquence la requérante ne peut se prévaloir, à cet égard, d'une vie privée et familiale en France stable. Enfin, si sa fille de 5 ans est scolarisée en France depuis plusieurs mois, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait poursuivre sa scolarité en Allemagne.

8. Par ailleurs, Mme F...se prévaut du fait qu'elle est enceinte de jumeaux et que l'accouchement est prévu pour le 14 juin 2019. Cependant, elle n'établit pas, qu'elle est dans l'impossibilité de supporter un voyage sans encourir un danger pour elle-même ou pour ses enfants.

9. Enfin, si la requérante se prévaut d'entorses aux deux chevilles, il ressort des pièces du dossier qu'elle est sortie de l'hôpital le 4 septembre 2018 et qu'aucune intervention postérieure n'est apparue nécessaire.

10. Par suite, il résulte des points 7, 8 et 9 que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

11. En cinquième et dernier lieu, il résulte des points 2 à 10 du présent arrêt que Mme F...n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités allemandes.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er octobre 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F...et ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir , président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 avril 2019.

Le président,

H. LENOIR L Le président-assesseur

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03975
Date de la décision : 10/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : AUDOLLENT BOUGHANDJIOUA*

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-10;18nt03975 ?
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