La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2019 | FRANCE | N°17NT03912

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 mai 2019, 17NT03912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A..., M. B...E..., M. H...F...et la SARL Strip Club Café (SCC) ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2014 par laquelle le maire de Nantes a subordonné l'autorisation de fermeture tardive de l'établissement SCC à l'exploitation de la licence de vente des boissons alcoolisées pour une activité de restauration, ainsi que la décision implicite du même jour de cette même autorité de refuser l'implantation d'une licence de débit de boissons de

4ème catégorie dans cet établissement, la décision du préfet de la Loire-At...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A..., M. B...E..., M. H...F...et la SARL Strip Club Café (SCC) ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2014 par laquelle le maire de Nantes a subordonné l'autorisation de fermeture tardive de l'établissement SCC à l'exploitation de la licence de vente des boissons alcoolisées pour une activité de restauration, ainsi que la décision implicite du même jour de cette même autorité de refuser l'implantation d'une licence de débit de boissons de 4ème catégorie dans cet établissement, la décision du préfet de la Loire-Atlantique adressée le 7 mars 2014 au maire de Nantes lui demandant de retirer et d'annuler le récépissé de déclaration de translation d'une licence n° IV au profit de l'établissement SCC, la décision du 3 avril 2014 par laquelle le maire de Nantes a refusé expressément l'implantation d'une licence n° IV sur le lieu d'exploitation du SCC, et, d'autre part, de déclarer illégaux, par voie d'exception, l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a instauré un périmètre de protection du centre-ville de Nantes en matière d'implantation des débits de boissons, ainsi que l'arrêté du 20 mars 2013 modifiant ce périmètre.

Par un jugement n° 1500483 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2017 et le 16 avril 2019, M.A..., M.E..., M. F...et la SARL SCC, représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 octobre 2017 ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision prise par le maire de Nantes du 2 décembre 2014 d'assortir d'une condition d'exploiter le fonds de la société SCC en licence restaurant le droit de fermer à 4 H du matin accordé à la société SCC par arrêté du même jour, à titre subsidiaire, la décision du maire de Nantes annulant l'autorisation de translation de la licence IV délivrée à la SCC le 18 février 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'a été méconnu le principe du contradictoire ; ils n'ont pas disposé d'un délai de réponse suffisant pour répondre au mémoire de la préfecture de la Loire-Atlantique qui contenait des éléments de droit nouveaux ;

- en appliquant pour le règlement du litige l'article R. 3335-15 du code de santé publique dans une version non applicable, les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la lettre d'accompagnement du 2 décembre 2014 constitue une décision dont ils sont susceptibles de demander l'annulation ; c'est le premier courrier qui les a informés de ce que le maire de Nantes subordonnait la dérogation de fermeture de l'établissement à l'exploitation d'une licence restaurant ; elle n'est pas motivée ; elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'arrêté préfectoral du 20 mars 2013, sur le fondement duquel a été exercé le contrôle de légalité du récépissé de licence IV et formulée la demande d'annulation adressée au maire, ne pouvait être légalement fondé sur l'article R. 3335-15 du code de la santé publique dans une version qui n'était applicable, dans la version appliquée par les juges, ni le 20 mars 2013, date de l'arrêté préfectoral, ni le 7 mars 2014, date du contrôle de légalité du récépissé de translation de la licence IV ; cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission prévue à l'article L. 3332-11 du code de santé publique n'avait pas été saisie pour avis ;

- la délivrance d'un récépissé de translation de licence IV est un acte créateur de droits qui ne peut donc être retiré au-delà d'un délai de quatre mois ; l'annulation de ce récépissé par la maire de Nantes devait dans les circonstances de l'espèce intervenir avant le 6 juillet 2014 ; cette décision est entachée d'un détournement de procédure ;

- à titre subsidiaire, ils sont fondés à demander l'annulation de la décision implicite d'annulation de la décision d'autorisation de translation de la licence IV ; le maire ne pouvait annuler au-delà du délai de quatre mois la décision de translation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre les décisions attaquées sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2018, la commune de Nantes, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 4 000 euros soit solidairement mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle était dirigée contre plusieurs décisions ;

- les conclusions dirigées contre les décisions attaquées sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant M.A..., M.E..., M. F...et la SARL Strip Club Café, et celles de MeC..., représentant la commune de Nantes.

Considérant ce qui suit :

1. MM. D...A..., B...E..., H...F...ont créé la SARL Strip Club Café (SCC) en vue d'exploiter un établissement proposant des spectacles de strip-tease, dénommé Strip café Club, situé au 15 rue Fouré à Nantes. Le 18 février 2014, la société SCC a effectué auprès de la mairie de Nantes une déclaration de translation du débit de boissons à consommer sur place de 4ème catégorie (licence IV) précédemment installé au n°34, rue Paul Bert à Nantes. Le même jour, le maire de Nantes lui a délivré le récépissé de cette déclaration. Par une décision du 7 mars 2014, le préfet de Loire-Atlantique a demandé au maire de Nantes de retirer ce récépissé au motif que la translation du débit de boissons de 4ème catégorie au n° 15, rue Fouré méconnaissait l'arrêté préfectoral du 14 mai 2012 portant sur un périmètre de protection du centre-ville de Nantes en matière d'implantation des débits de boissons, qui interdit 1'établissement de tout nouveau débit de boissons à consommer sur place de 4ème catégorie à une distance inférieure à 50 mètres d'un débit de 4ème catégorie déjà existant. La société SCC a déposé, le 12 mars 2014, une déclaration d'ouverture d'un restaurant pour obtenir une licence-restaurant auprès du maire de Nantes, qui lui a délivré un récépissé. Par deux courriers des 8 septembre et 15 octobre 2014, la société SCC a demandé au maire de Nantes l'autorisation d'exploiter son établissement jusqu'à 4 heures du matin. Par une lettre du 2 décembre 2014, datée par erreur du 2 octobre 2014, le maire de Nantes a notifié à la société SCC un arrêté autorisant l'ouverture de l'établissement jusqu'à 4 heures du matin. MM.A..., E..., F...et la société SCC ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des décisions des 3 avril et 2 décembre 2014 par lesquelles le maire de Nantes a refusé l'attribution d'une licence IV à l'établissement du Strip Café Club, de la décision implicite de rejet née le 2 décembre 2014, et de la décision du 7 mars 2014 du préfet de la Loire-Atlantique. Par un jugement du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Ils relèvent appel de ce jugement et demandent l'annulation, à titre principal, de la décision prise par le maire de Nantes par lettre du 2 décembre 2014 d'assortir d'une condition d'exploiter le fonds de la société SCC en licence restaurant le droit de fermer à 4 H du matin accordé à la société SCC par arrêté du même jour, à titre subsidiaire, celle de la décision prise par le maire de Nantes d'annuler l'autorisation de translation de licence IV délivrée à la société SCC le 18 février 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense produit par le préfet de la Loire-Atlantique le 23 juin 2017, en réponse à la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par les requérants, a été communiqué au conseil de ces derniers le 27 juin 2017 via l'application télérecours. Si le tribunal a, le même jour, informé M. A..., M.E..., M. F...et la SARL SCC, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, de ce que l'instruction serait close le 27 juillet 2017, les intéressés ont ainsi bénéficié d'un délai suffisant pour produire un mémoire en réplique avant la clôture d'instruction. Dès lors, les requérants, qui n'ont pas alors fait usage de cette faculté, ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire, les droits de la défense et le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de soulever d'office " un moyen d'ordre public tiré de la non-rétroactivité des actes administratifs " a trait au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, par sa lettre datée par erreur du 2 octobre 2014, le maire de Nantes a informé M.A..., M.F..., et M. E...de ce qu'il avait accepté leur demande de dérogation de fermeture à 4 h 00 du matin pour leur établissement à l'enseigne " Le Strip Café Club " suite à l'avis de la commission municipale des débits de boissons du 19 novembre 2014. À cet envoi était joint l'arrêté municipal d'autorisation. Les requérants ne contestent pas cette décision. Si, par ailleurs, le maire de la commune de Nantes a rappelé aux intéressés les conditions imposées à la délivrance des boissons alcoolisées dans le cadre de l'exploitation d'une licence dite " restaurant " pour laquelle ils venaient d'obtenir la dérogation d'ouverture, ce courrier, qui faisait suite à la demande du 15 octobre 2014 des requérants tendant à obtenir cette dérogation, était purement informatif et ne contenait aucun refus de délivrance d'une licence de quatrième catégorie. Dans ces conditions, ce courrier ne constitue pas une décision faisant grief, que ce soit par son contenu explicite ou par les conclusions implicites que les requérants lui attribuent. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à titre principal tendant à l'annulation de la lettre du 2 décembre 2014 doivent être rejetées.

5. En second lieu, en application de l'article L. 3332-4 du code de santé publique, la translation d'un débit de boissons doit faire l'objet, quinze jours à l'avance, d'une déclaration identique à celle qui est requise pour l'ouverture d'un débit nouveau. L'article L. 3332-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la déclaration de translation de la SARL SCC, dispose que : " Une personne qui veut ouvrir (...) un débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l'alcool est tenue de faire, quinze jours au moins à l'avance et par écrit, une déclaration indiquant : 1° Ses nom, prénoms, lieu de naissance, profession et domicile ; / 2° La situation du débit,·/ 3° A quel titre elle doit gérer le débit et les nom, prénoms, profession et domicile du propriétaire s'il y a lieu , / 4° La catégorie du débit qu'elle se propose d'ouvrir,· / (...). / La déclaration est faite à Paris à la préfecture de police et, dans les autres communes, à la mairie; il en est donné immédiatement récépissé. (...) / Dans les trois jours de la déclaration, le maire de la commune où elle a été faite en transmet copie intégrale au procureur de la République ainsi qu'au représentant de l'État dans le département ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, la translation d'un débit de boissons étant subordonnée à une simple déclaration à la mairie, le maire de Nantes s'est borné à accuser réception le 18 février 2014 de la déclaration de la SARL SCC sans préjuger de sa légalité. Par son courrier du 7 mars 2014, adressé au maire de la commune de Nantes mais également en copie à la SARL SCC, le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au premier de retirer le récépissé de la déclaration de translation, au motif que le transfert du débit de boissons de 4ème catégorie au n° 15, rue Fouré méconnaissait l'arrêté préfectoral du 14 mai 2012 portant sur un périmètre de protection du centre-ville de Nantes en matière d'implantation des débits de boissons, qui interdit 1'établissement de tout nouveau débit de boissons à consommer sur place de 4ème catégorie à une distance inférieure à 50 mètres d'un débit de 4ème catégorie déjà existant. Le maire n'a pas procédé à ce retrait. Compte tenu du système déclaratif institué par les articles L. 3332-3 et suivants du code de la santé publique, le silence gardé par le maire de la commune de Nantes suite à la demande de retrait du préfet n'a pas pu faire naître une décision implicite " d'annulation de l'autorisation de translation d'une licence IV " susceptible d'un recours contentieux. Dans ces conditions, les conclusions présentées à titre subsidiaire par les requérants tendant à contester la légalité de " la décision implicite du maire de la commune de Nantes annulant l'autorisation de translation de licence IV délivrée à la société SCC le 18 février 2014 ", qui sont en tout état de cause nouvelles en appel, sont irrecevables.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir opposée par la commune de Nantes, que M.A..., M.E..., M. F...et la SARL SCC ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nantes, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.A..., de M.E..., de M. F...et de la SARL SCC, sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Nantes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M.A..., de M.E..., de M. F...et de la SARL Strip Club Café est rejetée.

Article 2 : M.A..., M.E..., M. F...et la SARL Strip Club Café verseront ensemble à la commune de Nantes une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., M. B...E..., M. H...F...et à la SARL Strip Club Café, à la commune de Nantes et au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03912
Date de la décision : 10/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-10;17nt03912 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award