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27/05/2019 | FRANCE | N°18NT00500

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 27 mai 2019, 18NT00500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle la société Orange a implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour l'accès au corps d'inspecteur D...au titre des années 2004 à 2015 et au réexamen de ses possibilités de promotion interne dans le corps d'inspecteur.

Par un jugement n° 1600074 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2018, M.A..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle la société Orange a implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour l'accès au corps d'inspecteur D...au titre des années 2004 à 2015 et au réexamen de ses possibilités de promotion interne dans le corps d'inspecteur.

Par un jugement n° 1600074 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire :

- de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ;

- d'annuler la décision implicite du président de la société Orange mentionnée ci-dessus ;

- d'enjoindre à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne dans le corps d'inspecteur, par l'établissement rétroactif des listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement pour le corps d'inspecteur de 2004 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la société Orange était tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour l'accès au corps d'inspecteur au titre des années 2004 à 2015 ;

- la société Orange était tenue de procéder à l'établissement de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour les années 2004 à 2015 et le dispositif de promotion interne qu'elle a alors mis en oeuvre et qui ne comporte que des concours est illégal au regard de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et au regard des dispositions statutaires relatives à l'accès au corps d'inspecteur ;

- l'illégalité du dispositif de promotion interne des fonctionnaires reclassés, instauré depuis 2004, implique l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement de 2004 à 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, la société Orange conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

L'instruction a été close au 21 aout 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire a été présenté pour M.A..., enregistré le 24 aout 2018, et des mémoires ont été présentés pour la société Orange, enregistrés le 15 octobre et le 4 décembre 2018, le 7 février et le 22 avril 2019, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1958 modifié ;

- le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ;

- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., fonctionnaire employé par France Télécom devenue la société Orange, a été promu au grade de chef technicien des installations (CTINT) le 11 juin 1987. Le 10 septembre 2015, il a demandé au président de la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne dans le corps d'inspecteur D...à compter du 1er décembre 2004, après établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement au titre des années 2004 à 2015. Par une décision implicite, le président de la société Orange a rejeté sa demande. Par sa présente requête, M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu au moyen selon lequel la société Orange aurait été tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour l'accès au corps d'inspecteur D...au titre des années 2004 à 2015. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour n'avoir pas répondu à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". En vertu de l'article 10 de la même loi : " En ce qui concerne les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, des corps enseignants et des personnels de la recherche, des corps reconnus comme ayant un caractère technique, les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l'accomplissement d'une obligation statutaire de mobilité. Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements (...) ". Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. ".

4. D'autre part, dans sa rédaction issue du décret n° 58-777 du 25 août 1958, le statut particulier du corps d'inspecteur D...prévoyait, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, l'établissement de listes d'aptitude pour l'accès des fonctionnaires " reclassés " à ce corps. Il n'est pas contesté qu'aucune liste d'aptitude d'avancement n'a été établie au titre de l'année 2004, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, pour la promotion au choix dans le corps d'inspecteurD....

5. En premier lieu, même si la société Orange fait valoir qu'elle a choisi de privilégier la voie du concours interne, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer les dispositions du décret du 25 août 1958 mentionnées au point qui précède, qui ne comportent aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 juillet 1984, jusqu'à leur abrogation par le décret du 29 novembre 2011. En s'en abstenant, la société Orange a commis une illégalité fautive. Toutefois, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à la règle générale de non-rétroactivité des décisions administratives, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. Dans ces conditions, l'illégalité fautive de la société Orange n'impose nullement, par elle-même, de réexaminer rétroactivement les possibilités de promotion interne dans le corps d'inspecteur de l'intéressé par l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes de 2004 jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, dès lors que le requérant ne soutient ni même n'allègue avoir été privé d'une chance sérieuse d'être inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps d'inspecteur D...à partir de 2004 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle mesure serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière du requérant ou régulariser sa situation.

6. En second lieu, la demande de reconstitution de carrière présentée par M. A... tend à sa nomination dans un corps d'un niveau supérieur, doté d'un grade unique, et non à une promotion de grade. Une telle demande ne pouvait en tout état de cause être satisfaite par le biais de l'établissement d'un tableau d'avancement, qui ne régit que les promotions au grade supérieur, et non les promotions dans un autre corps. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer, pour contester le refus de reconstitution de carrière qui lui a été opposé, l'illégalité du refus de la société Orange d'établir à titre rétroactif un tableau d'avancement, ce refus n'ayant aucune incidence sur sa situation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Orange la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Orange est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00500
Date de la décision : 27/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-27;18nt00500 ?
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