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11/06/2019 | FRANCE | N°18NT03516

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 11 juin 2019, 18NT03516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel le préfet du Calvados a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Calvados.

Par jugement n° 1800923 du 2 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

19 septembre 2018, M.D..., représenté par Me BaraCarré, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel le préfet du Calvados a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Calvados.

Par jugement n° 1800923 du 2 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, M.D..., représenté par Me BaraCarré, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 2 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel le préfet du Calvados a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Calvados ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de transfert aux autorités italiennes :

- le jugement contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne tient pas compte de la relation durable existant entre lui-même et son épouse, MmeB..., avant leur arrivée en France, ainsi qu'en atteste les actes de naissances de ses deux enfants ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 10 et du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il est marié avec Mme B...qui a demandé l'asile en France et qu'ils sont parents de deux enfants restés en Côte d'Ivoire ;

- il n'est pas établi que la vie familiale des intéressés puisse se poursuivre en Italie dès lors que les autorités françaises se sont reconnues compétentes pour examiner la demande d'asile de MmeB... ;

- elle méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, il n'a pas pu bénéficier en Italie des soins nécessaires à l'amélioration de son état de santé et sa demande d'asile n'a pas été examinée de manière satisfaisante, l'Italie étant submergée par l'afflux des migrants venant des pays de l'Est ou d'Afrique ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est illégale par exception d'illégalité de décision portant remise aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, le préfet du Calvados conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la minoration de la demande de condamnation au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les informations produites par le préfet relatives à la prolongation des délais de transfert de l'intéressé pour cause de fuite.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 aout 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant ivoirien, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2017. Il s'est présenté à la préfecture du Val d'Oise le 8 décembre 2017 pour y déposer une demande d'asile. La consultation de la base de données " Eurodac " a révélé qu'il était connu des autorités italiennes dans le cadre d'un franchissement des frontières de l'Union européenne et en tant que demandeur d'asile. Les autorités italiennes saisies d'une demande de reprise en charge de M. D...sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 6 février 2018. Le préfet du Calvados, par deux arrêtés du 20 avril 2018, a ordonné le transfert de M. D...aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. Saisi par M. D...d'une demande d'annulation de ces décisions, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la décision de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, le moyen selon lequel la décision visée aurait été prise par une autorité incompétente sera écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Membres de la famille demandeurs d'une protection internationale - Si le demandeur a, dans un Etat membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet Etat membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " Définitions - Aux fins du présent règlement, on entend par (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des Etats membres : - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'Etat membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers (...) ". Aux termes de l'article 17-1 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

4. En l'espèce, par les éléments produits, M. D...n'établit pas être marié avec Mme B...F...ou être engagé avec cette dernière dans une relation stable. Le requérant ne produit aucun acte de mariage authentifié par les autorités ivoiriennes et se borne à fournir un acte de naissance de Mme B...sans lien avec ses allégations. Lors du dépôt de sa demande d'asile, M. D...a indiqué que sa conjointe se nommait " Fofana Madjara " et résidait en Côte d'Ivoire. La circonstance que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait accordé aux intéressés un logement commun, n'est pas de nature à établir la réalité du mariage allégué, ni même le caractère stable de leur relation. En outre, la notification à se présenter à un hébergement pour demandeur d'asile adressé par l'OFII à MmeB..., est libellée au nom de " Mme F...G...épouseB... " et l'attestation de demande d'asile de Mme B...est libellée au nom de " Tape ". Enfin, les extraits d'actes de naissance produits, dont l'authenticité n'est pas avérée, au nom de Mamadou et Awa D...ne sont pas davantage probants pour attester de l'union en question. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et que la décision de transfert en cause méconnaît les dispositions de l'article 10 et du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

6. M. D...ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles il n'aurait pas pu bénéficier en Italie des soins nécessaires à l'amélioration de son état de santé, en l'occurrence une chirurgie ambulatoire et une rééducation pour traiter un syndrome rotulien bilatéral, au vu des certificats médicaux produits. Rien ne permet en outre d'affirmer que l'Italie ne pourrait prendre en charge efficacement les problèmes de santé de M. D...ou que le transfert de l'intéressé serait de nature à entrainer un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile du requérant ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni que M. D...risquerait d'être personnellement exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

7. Le moyen selon lequel la décision visée aurait été prise par une autorité incompétente sera rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

8. Les moyens dirigés contre la décision portant remise aux autorités italiennes ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. D...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03516
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BARA CARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-11;18nt03516 ?
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