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20/06/2019 | FRANCE | N°17NT00927

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 juin 2019, 17NT00927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme B...T..., Mme Q...G..., Mme H...G..., Mme Z...G..., Mme I...G..., Mme L...G..., Mme D...G..., Mme Y...G..., Mme P...G..., M. B...G..., M. C...G..., M. X...G..., M. R...G..., M. S...G..., M. AA...G...et M. M...G...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 5 août 2015 par lesquels le maire du Mesnil-Rouxelin a refusé de délivrer à M.J..., d'une part, à M.F..., d'autre part, un permis de construire pour un immeuble à usage d'habitation sur une pa

rcelle située au lieu-dit " Petit Village " ainsi que les décisions reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme B...T..., Mme Q...G..., Mme H...G..., Mme Z...G..., Mme I...G..., Mme L...G..., Mme D...G..., Mme Y...G..., Mme P...G..., M. B...G..., M. C...G..., M. X...G..., M. R...G..., M. S...G..., M. AA...G...et M. M...G...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 5 août 2015 par lesquels le maire du Mesnil-Rouxelin a refusé de délivrer à M.J..., d'une part, à M.F..., d'autre part, un permis de construire pour un immeuble à usage d'habitation sur une parcelle située au lieu-dit " Petit Village " ainsi que les décisions rejetant implicitement leurs recours gracieux.

Par un jugement n°s 1502527 et 1502528 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 mars 2017, 21 août 2017, 1er mars 2018, 26 novembre 2018 et 13 mars 2019, Mme Q...G..., Mme H...G..., Mme Z...G..., Mme I...G..., Mme L...G..., M. B...G..., Mme D...G..., Mme Y...G..., M. C...G..., M. X...G..., M. R... G..., M. S...G...Mme P...G..., M. AA...G...et M. M...G..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2017 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler les arrêtés du 5 août 2015 du maire du Mesnil-Rouxelin et les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire du Mesnil-Rouxelin de réexaminer les demandes de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Rouxelin le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ les arrêtés contestés du 5 août 2015 sont insuffisamment motivés ;

­ ils sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en tant qu'ils retiennent que la desserte et l'accès à leur parcelle présentent un risque pour les usagers de la route ;

­ leurs propos ne sont diffamatoires ni envers le maire de la commune, ni envers M. K....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 janvier 2018, 8 août 2018 et 10 décembre 2018, la commune du Mesnil-Rouxelin, représentée par son maire en exercice, par MeN..., conclut au rejet de la requête, à la suppression des passages injurieux contenus dans les écritures des requérants et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des consorts G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ aucun des moyens de la requête des consorts G...n'est fondé ;

­ sur le fondement des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, il y a lieu d'ordonner la suppression des propos diffamatoires et injurieux envers le maire de la commune contenus dans l'une des pièces communiquées par les requérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M.A...'hirondel

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeE..., représentant Mme P...G..., représentant unique des requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts G...sont propriétaires en indivision sur le territoire de la commune du Mesnil-Rouxelin d'une parcelle cadastrée section AI n°130 située au lieu-dit " Le petit village ". Cette parcelle a donné lieu à la conclusion, en juin 2015, de deux compromis de vente, l'un avec M.J..., l'autre avec M.F..., lesquels contenaient une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire. Les consorts G...relèvent appel du jugement du 8 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 5 août 2015 par lesquels le maire du Mesnil-Rouxelin a refusé de délivrer à M. J...et à M. F...un permis de construire pour des immeubles à usage d'habitation ainsi que les décisions par lesquelles la même autorité administrative a implicitement rejeté leurs recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Les premiers juges, par application de ce principe, ont opéré à la demande de la commune du Mesnil-Rouxelin une substitution de base légale, qui n'est pas contestée, entre les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, qui a servi de fondement aux décisions contestées mais qui ne sont pas applicables sur le territoire de la commune du Mesnil-Rouxelin qui est couverte par un plan d'occupation des sols, et celles de l'article R. 111-2 du même code.

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. Pour refuser de délivrer les permis de construire en litige, le maire du Mesnil-Rouxelin a retenu que le chemin communal desservant la parcelle des requérants situé au lieu-dit " Le petit village " ne permettait pas, eu égard à son étroitesse, à deux véhicules de se croiser et que l'accès à ce chemin communal s'effectuait en plein virage à partir de la route départementale n°6, classée dangereuse et accidentogène. Il en a conclu qu'il ne convenait pas d'accentuer la circulation dans le village dès lors que les projets étaient de nature à porter atteinte à la sécurité des usagers de la voie publique ou de ceux utilisant ces accès.

5. Il est constant que la parcelle des requérants est desservie par la rue du Petit Village, laquelle mène, sur une distance d'environ 250 mètres, à la route départementale n°6 (RD n°6). Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux établis par MeU..., huissier de justice, les 7 juillet 2016 et 30 mars 2017, que les projets litigieux se situent dans un secteur déjà urbanisé de la commune. La visibilité sur la voie d'accès au niveau de la parcelle des requérants est, selon ces procès-verbaux, " parfaite " tant à gauche qu'à droite. La rue du Petit Village est empruntée par les nombreux riverains qui occupent les maisons longeant cette rue, dont la vitesse est limitée dans le lieu-dit à 30 km/h. Cette voie, alors même qu'elle est en pente, est en bon état, parfaitement praticable et offre une bonne visibilité. Si, sur une courte distance d'environ 40 mètres, la largeur de la chaussée ne permet pas le croisement de deux véhicules, il existe cependant des zones de dégagement afin de permettre aux véhicules de se ranger pour pouvoir laisser passer celles venant en sens contraire. La note du service " Risques et sécurité " de la direction départementale des territoires et de la mer du 23 juin 2010 ne recense sur la commune aucun accident corporel pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009.

6. Par ailleurs, selon les mêmes pièces du dossier, le croisement formé par la RD n°6 et la rue du Petit Village permet aux véhicules de se croiser et la visibilité à partir de ce carrefour est bonne, l'intersection étant d'ailleurs marquée par un simple panneau de signalisation " Cédez-le-passage ". L'accident du 10 juin 2015 relaté dans la main-courante du commissariat de police de Saint-Lô, qui concerne une collision sans gravité entre deux véhicules qui se suivaient sur la route d'Isigny, n'est pas de nature à établir un quelconque danger à partir de ce carrefour.

7. Enfin, les projets, qui portent sur la construction de deux maisons à usage d'habitation dans un secteur déjà urbanisé de la commune, n'auront pas pour effet d'augmenter de manière significative la circulation au lieu-dit " Petit Village ". Par suite, ils ne sont pas susceptibles de porter atteinte de manière significative à la sécurité publique.

8. Il suit de là que les consorts G...sont fondés à soutenir qu'en refusant de délivrer les permis de construire, le maire de la commune du Mesnil-Rouxelin a méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif sur lequel repose l'annulation des arrêtés litigieux, le présent arrêt implique seulement que le maire du Mesnil-Rouxelin procède à un nouvel examen des demandes de permis de construire présentées par M. J...et par M.F.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à la suppression d'écrits sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 rendu applicable par l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux./ Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) ".

13. Contrairement à ce que soutient la commune du Mesnil-Rouxelin, le passage contenu aux pages 16 et 17 de la pièce n°21 produite par les consorts G...dont elle demande la suppression n'excède pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ainsi ne présente pas un caractère injurieux ou diffamatoire qui justifierait qu'il soit supprimé en application des dispositions citées. Dans ces conditions, les conclusions tendant à cette suppression doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsG..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Mesnil-Rouxelin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Rouxelin une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts G...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2017, les arrêtés du 5 août 2015 du maire du Mesnil-Rouxelin et ses décisions rejetant implicitement les recours gracieux des consorts G...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire du Mesnil-Rouxelin de procéder au réexamen des demandes de permis de construire déposées par M. J...et M. F...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune du Mesnil-Rouxelin versera aux consorts G...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune du Mesnil-Rouxelin formées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et celles formées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du même code sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme P...G..., représentant unique désigné par MeE..., mandataire, à la commune du Mesnil-Rouxelin, à M. O...J...et à M. W... F....

Une copie sera adressée au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ M. A...'hirondel, premier conseiller,

­ M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

M. V...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17NT009272

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00927
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET PILLON VALERY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-20;17nt00927 ?
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