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14/11/2019 | FRANCE | N°18NT03450

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 14 novembre 2019, 18NT03450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2016 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique ainsi que la décision implicite intervenue le 19 septembre 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision et la décision du 18 novembre 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professio

nnelle et du dialogue social a confirmé le rejet implicite de son recour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2016 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique ainsi que la décision implicite intervenue le 19 septembre 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision et la décision du 18 novembre 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé le rejet implicite de son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1603721 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 septembre 2018 et 29 mai 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 juillet 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2016 de la ministre du travail confirmant le rejet implicite de son recours hiérarchique ;

3°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 18 mars 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son licenciement lui a été notifié dès le 12 octobre 2015 en dehors de toute procédure ;

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où le secteur d'activité de la société ne connaît pas de difficultés économiques ; la société Chavigny doit être regardée comme appartenant au secteur d'activité 1 concernant le négoce de matériaux, la préfabrication de produits en béton et la menuiserie PVC mais également au secteur d'activité 4, concernant le bricolage ;

- la société n'a pas procédé à des recherches de reclassement sérieuses et loyales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2018, la société Chavigny, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle se réfère à son mémoire du 15 juin 2018 présenté devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été embauchée par la société Chavigny, spécialisée dans le commerce de gros de bois et de matériaux de construction, à compter du 10 septembre 2012. Elle occupait le poste de responsable marketing et communication et était, par ailleurs, membre suppléante du comité d'entreprise. A la suite de difficultés rencontrées par cette société, il a été décidé de procéder à la suppression de 7 postes dont celui occupé par la requérante. Après consultation du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et refus des propositions de reclassement qui lui avaient été adressées, Mme C... a été convoquée à un entretien préalable qui s'est déroulé le 18 décembre 2015. Par une décision du 18 mars 2016, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique. L'intéressée a saisi la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'un recours contre cette décision, lequel a été implicitement rejeté le 19 septembre 2016. Le 16 novembre 2016, Mme C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Le 18 novembre 2016, la ministre en charge du travail a pris une décision explicite confirmant le rejet du recours hiérarchique de Mme C..., qui en a également demandé l'annulation. L'intéressée relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande dirigée contre ces 3 décisions.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

3. En premier lieu, Mme C..., qui a été convoquée à un entretien préalable le 10 décembre 2015, soutient que son licenciement lui a, en réalité, été notifié dès le 12 octobre 2015 en dehors de toute procédure. S'il ressort du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise du 20 octobre 2015, que les trois salariés de la société Chavigny, potentiellement concernés par les licenciements, ont été reçus par la direction afin de les informer la suppression possible de leurs postes dans le cadre de la restructuration de la société, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'à cette date leur licenciement, et plus particulièrement celui de Mme C... était certain. [0]Il apparaît au contraire qu'au cours du mois de novembre 2015, la société lui a fait diverses propositions de reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe qu'elle aurait pu accepter. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son licenciement serait intervenu en dehors de toute procédure au cours du mois d'octobre 2015.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Chavigny fait partie d'un groupe comprenant cinq secteurs d'activité : le négoce de matériaux, la préfabrication de produits en béton, la quincaillerie, le transport logistique et les carrières " matériaux ". La société Chavigny relève du premier secteur au même titre que les sociétés CMA et COLOMAT. Si Mme C... soutient que le Groupe Chavigny communique des offres commerciales relatives à des produits identiques auprès des sociétés Chavigny, CMA, Colomat et Thoreau, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette dernière est spécialisée dans la quincaillerie et la vente d'articles électroménagers et non dans le négoce de matériaux. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, elle ne peut être regardée comme faisant partie du même secteur d'activités que la société Chavigny, laquelle a d'ailleurs fusionné avec les sociétés COLOMAT et CMA, mais pas avec la société Thoreau.

5. En troisième lieu, il ressort de la lecture des liasses fiscales produites par la société Chavigny qu'elle a enregistrée une perte de 3 082 815,43 euros au 31 décembre 2014 et que son résultat d'exploitation était déficitaire de 2 631 569 euros. Le résultat d'exploitation de la holding SG2C était également déficitaire de 3 918 381 euros en 2014 et de 1 317 648 euros en 2015. La société CMA présentait de son côté un résultat déficitaire de 1 363 385 euros au 31 décembre 2014. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Mme C..., les difficultés économiques du secteur d'activité de négoce de matériaux du groupe auquel appartenait la société Chavigny étaient réelles à la date à laquelle la procédure de licenciement a été engagée à son encontre.

6. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société Chavigny a proposé plusieurs offres de reclassement à Mme C... parmi lesquelles : un poste de chargé de marketing/communication, deux postes de chef d'agence rattachés à la société CMA situés à Ligueil et à Yzeures-sur-Creuse, un poste d'hôtesse à l'exposition à Blois et deux postes à mi-temps d'assistante administrative et commerciale pour le compte des société Chavigny Transports Travaux Publics et Calcaire Dunois situés à Saint Amand Longpré. Si l'intéressée dénonce l'inadaptation de ces postes à son profil, il n'est pas contesté que certains de ces postes présentaient en plus du salaire alloué des avantages complémentaires devant être pris en compte pour apprécier leur équivalence par rapport à celui occupé jusqu'alors par l'intéressée. Par ailleurs, si la requérante reproche à la société Chavigny de ne pas lui avoir proposé le poste de " chef de marché ", il ressort des pièces du dossier, d'une part, que ce poste exigeait des connaissances techniques qu'elle ne détenait pas et qu'elle n'aurait pu acquérir qu'au prix d'une formation de plus d'une année à laquelle la société n'était pas tenue de souscrire, et, d'autre part, qu'un autre salarié disposait d'une compétence plus en adéquation avec ce poste. De même, les postes " ATC grands comptes " et " Pôle habitant " nouvellement créés ont été offerts à des salariés présentant déjà des qualifications adaptées à ces postes. Dans ces conditions, Mme C..., qui[0], compte tenu des propositions qui lui ont été faites s'agissant au moins du poste de chargé de marketing/communication et des deux postes de chef d'agences, lesquelsrelevaient de la même catégorie que celui qu'elle occupait auparavant, doit être regardée comme ayant bénéficié d'offres de reclassement réelles et sérieuses. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la société Chavigny n'aurait pas respecté, à son égard, son obligation de reclassement.

8. Il résulte de ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme C... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... le versement à la société Chavigny d'une somme au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Chavigny tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., à la société Chavigny et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03450
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL VACCARO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-14;18nt03450 ?
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