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15/11/2019 | FRANCE | N°19NT01033

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 novembre 2019, 19NT01033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807896 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées l

e 12 mars 2019 et le 27 mai 2019, M. E... F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807896 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 12 mars 2019 et le 27 mai 2019, M. E... F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour ou du réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'un défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence ; cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des risques qu'il encourt du fait de son orientation sexuelle.

Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2019, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... est un ressortissant guinéen né le 15 mars 1991. Il déclare être entré en France le 14 novembre 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 décembre 2012 et par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juillet 2013. Il a par la suite obtenu une autorisation provisoire de séjour pour raisons médicales le 5 avril 2013 qui a été renouvelée une fois, puis une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade qui a été renouvelée trois fois. Sa quatrième demande de renouvellement de ce titre de séjour a cependant été rejetée par un arrêté du 23 juillet 2018 du préfet de la Sarthe. Ce refus a été assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi. Saisi de conclusions tendant à l'annulation de ces décisions, le tribunal administratif de Nantes les a rejetées par un jugement du 23 novembre 2018. M. F... relève appel de ce jugement.

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 1er juillet 2018, les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont estimé que l'état de santé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour remettre en cause l'appréciation ainsi portée sur son état de santé, M. F... se prévaut de certificats médicaux qui ne précisent pas les conséquences que pourrait avoir un défaut de prise en charge médicale. En outre, si ces certificats font état d'un état anxiodépressif consécutif aux persécutions liées à son homosexualité, M. F... a produit des pièces qui font état du fait que sa compagne serait actuellement enceinte. Ces pièces apparaissent dès lors contradictoires, en l'absence d'explications plus circonstanciées et établies, avec l'homosexualité alléguée. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a estimé que M. F... n'était pas au nombre des étrangers visés par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt ans. Si l'appelant fait valoir qu'il vit en France depuis sept ans et que sa mère réside en France, ces circonstances ne sauraient caractériser à elles seules une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. En outre, si M. F... produit une ordonnance médicale faisant état du fait que sa compagne, Mme C... A..., serait enceinte, cette pièce est contradictoire avec ses allégations selon lesquelles il serait célibataire et tend à infirmer celles selon lesquelles il serait homosexuel. En tout état de cause, il n'établit pas qu'il serait le père de cet enfant. M. F... n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

8. D'une part, si M. F... fait valoir qu'il a travaillé à plusieurs reprises et que sa mère réside en France, ces circonstances ne sauraient à elles-seules caractériser un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si M. F... fait valoir qu'il est menacé en Guinée en raison de son orientation sexuelle, il ne l'établit pas. En effet, M. F... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par les instances charges de l'examen des demandes de l'asile. S'agissant plus particulièrement du mandat d'arrêt du 24 août 2010 produit pour la première fois en appel, le requérant, qui n'apporte aucune précision sur la provenance de ce document, n'établit pas qu'il aurait été empêché de produire cette pièce devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou la Cour nationale du droit d'asile. En outre, ainsi qu'il a été rappelé au point 7 du présent arrêt, l'orientation sexuelle alléguée de M. F... apparaît contradictoire, en l'absence d'explications plus circonstanciées et établies, avec les éléments qu'il produit et qui font état du fait que sa compagne serait enceinte. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, M. F... n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.

13. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

14. Ainsi qu'il a été rappelé au point 8 du présent arrêt, si M. F... allègue être homosexuel, les éléments produits qui font état du fait que sa compagne serait enceinte apparaissent, en l'absence d'explications plus circonstanciées et établies, contradictoires avec cette allégation. Au demeurant, et ainsi qu'il a également été rappelé au point 8, M. F..., dont la demande d'asile a été au demeurant définitivement rejetée, n'établit pas la réalité des craintes auxquelles il allègue être exposé en raison de son orientation sexuelle. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2019.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT01033

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01033
Date de la décision : 15/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : MOUTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-15;19nt01033 ?
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