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20/12/2019 | FRANCE | N°18NT03447

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 décembre 2019, 18NT03447


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, la société civile immobilière (SCI) Pelve Mesliers, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 19 juillet 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser la création, dans un bâtiment existant, d'un ensemble commercial composé de quatre moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne et de la maison, d'une surface totale de vente de 3 423,09 m², sur le territoire de la commune de Cesson-Sévigné.r>
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de lui délivre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, la société civile immobilière (SCI) Pelve Mesliers, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 19 juillet 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser la création, dans un bâtiment existant, d'un ensemble commercial composé de quatre moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne et de la maison, d'une surface totale de vente de 3 423,09 m², sur le territoire de la commune de Cesson-Sévigné.

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convocation adressée aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas été envoyée cinq jours au moins avant la tenue de la séance du 19 juillet 2018 et ne comportait ni le rapport des services instructeurs des commissions nationale et départementale ni le procès-verbal de la réunion de la commission départementale, en méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- les dispositions de l'article R. 752-36 du code de commerce ont été méconnues ; l'existence des avis du ministre chargé de l'urbanisme et de celui du ministre chargé du commerce ainsi que la compétence de leur signataire n'est pas établie ;

- la décision attaquée méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt 16NT00832 du 2 février 2018 de la cour ;

- contrairement à ce qu'a estimé la commission nationale, le projet n'est pas incompatible avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Rennes ; l'appréciation portée par la commission nationale, basée exclusivement sur une partie de l'orientation 2.1.1 du document d'orientation et d'objectifs est entachée d'erreur d'appréciation ; la méconnaissance d'une orientation du SCOT ne suffit pas à caractériser une incompatibilité ; le SCOT ne peut, sans méconnaître le code de l'urbanisme, définir de manière limitative, des localisations exclusives pour l'accueil des activités commerciales ;

- en vérifiant si chacun des critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce était rempli sans rechercher si le projet était de nature à compromettre les objectifs fixés à l'article L. 750-1 du même code, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit ;

- en considérant que le projet était contraire aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, la commission nationale a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Un mémoire de production de pièces, enregistré le 8 janvier 2019, a été présentée par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 27 juillet 2015, la commission départementale d'aménagement commercial d'Ille-et-Vilaine a refusé d'autoriser la société Pelve Mesliers à créer, dans un bâtiment existant, un ensemble commercial composé de quatre moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne et de la maison, d'une surface totale de vente de 3 423,09 m², sur le territoire de la commune de Cesson-Sévigné. Par une décision du 16 décembre 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours formé par cette société contre cette décision de refus. Par un arrêt du 2 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé la décision du 16 décembre 2015 de la Commission nationale d'aménagement commercial. A la suite de l'arrêt de la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial a réexaminé la demande de la société Pelve Mesliers et a opposé, le 19 juillet 2018, un nouveau refus à son projet. La société Pelve Mesliers demande l'annulation de cette décision de refus.

Sur la légalité de la décision de la décision du 19 juillet 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Aux termes de l'article L. 752-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...) 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...). ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. Un avis défavorable ne peut être rendu par la commission que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

3. L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'une décision juridictionnelle annulant un refus d'autorisation et devenu définitive ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, l'autorisation sollicitée soit à nouveau refusée par l'autorité administrative ou que l'autorisation accordée soit annulée par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par la décision juridictionnelle devenue définitive.

4. Par l'arrêt du 2 février 2018 mentionné au point 1, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour annuler la décision du 16 décembre 2015 de la Commission nationale d'aménagement commercial refusant de délivrer l'autorisation sollicitée par la société Pelve Mesliers, sur les motifs tirés de ce que son projet, qui permettra d'éviter la constitution d'une friche commerciale, n'est pas incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du Pays de Rennes et qu'il est conforme, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, à l'objectif d'aménagement du territoire fixé par le législateur. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société examiné le 19 juillet 2018 par la Commission nationale d'aménagement commercial était similaire à celui qui avait fait l'objet de sa première décision. Il n'est pas contesté que les conditions de fait et de droit n'avaient pas changé. Dans ces conditions, en refusant, de nouveau, par la décision attaquée du 19 juillet 2018, l'autorisation sollicitée aux motifs que ce projet n'est pas compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du Pays de Rennes et qu'il n'est pas conforme, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, à l'objectif d'aménagement du territoire fixé par le législateur, la commission nationale a méconnu l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache aux motifs susmentionnés de l'arrêt de la cour qui en constituent le support nécessaire.

5. La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est également fondée sur ce que le projet n'était pas conforme, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, aux objectifs de développement durable et de protection du consommateur fixés par le législateur. Toutefois, d'une part, s'agissant de l'objectif de développement durable, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le bâtiment existant fait l'objet d'une certification RT 2005 au titre de ses performances énergétiques, dispose d'un séparateur hydrocarbure sur l'ensemble des eaux pluviales de voirie et du sous-sol avant rejet au réseau public et d'une isolation renforcée. En outre, le projet prévoit l'installation, sur la toiture, d'une centrale photovoltaïque. Il s'inscrit dans une zone commerciale sans particularité paysagère et améliore la situation existante par la création d'espaces verts à hauteur de 856,16 m² et la plantation de 25 arbres de haute tige. D'autre part, s'agissant de l'objectif de protection du consommateur, qui s'apprécie notamment au regard de l'accessibilité, en termes de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie, il ressort des pièces du dossier que l'environnement proche du projet est caractérisé par l'existence de trois zones d'habitat, les habitations les plus proches étant situées à 150 mètres environ, et la présence de nombreux commerces de proximité, de magasins d'équipement de la personne, de commerces de vente de véhicules automobiles et de restauration. Par suite, en estimant que le projet n'était pas conforme, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, aux objectifs de développement durable et de protection du consommateur, la Commission nationale d'aménagement commercial a également fait une inexacte application des dispositions précitées du code de commerce.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Pelve Mesliers est fondée à demander l'annulation de la décision du 19 juillet 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. Le présent arrêt implique, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, que la Commission nationale d'aménagement commercial délivre l'autorisation demandée par la société Pelve Mesliers, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Pelve Mesliers et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 19 juillet 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, de délivrer, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, l'autorisation sollicitée par la société Pelve Mesliers.

Article 3 : L'Etat versera à la société Pelve Mesliers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Pelve Mesliers et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT03447 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03447
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP CALVAR et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-20;18nt03447 ?
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