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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT01660

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen de constater l'emprise irrégulière de la ligne électrique surplombant leur propriété située à Saint-Hymer et d'enjoindre à la société ENEDIS de déplacer cette ligne électrique dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1701828 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2019, M. D... et Mme E..., représentés par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen de constater l'emprise irrégulière de la ligne électrique surplombant leur propriété située à Saint-Hymer et d'enjoindre à la société ENEDIS de déplacer cette ligne électrique dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1701828 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2019, M. D... et Mme E..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er mars 2019 ;

2°) d'enjoindre à la société ENEDIS de déplacer cette ligne électrique à ses frais dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la société ENEDIS la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le surplomb de leur terrain par la ligne électrique constitue une emprise irrégulière ; aucune convention de servitude ni aucun titre n'autorise la société ENEDIS à instaurer une servitude portant atteinte à leur droit de propriété et il ne saurait par ailleurs s'agir d'une servitude acquise par la possession de trente ans ;

- la présence de la ligne électrique litigieuse les empêche de jouir pleinement de leur bien ; en dépit de la dérivation temporaire mise en place par la société ENEDIS pour la réalisation des travaux de construction de leur immeuble, la présence de la ligne électrique ne leur permet pas d'achever leur construction dès lors que le permis de construire n'a admis la présence d'une toiture végétalisée que sous réserve de la dépose de cette ligne ;

- aucun motif technique ou d'intérêt général ne fait obstacle au déplacement de la ligne, dont l'opposition ne tient qu'à des considérations financières ;

- l'implantation de la ligne ne respecte pas les distances règlementaires et un simple rehaussement ne leur permettrait pas de procéder en toute sécurité à l'entretien d'une toiture végétalisée dont la hauteur est appelée à évoluer ;

- il existe un risque sanitaire découlant du champ magnétique généré par la ligne électrique ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'une régularisation était possible par la surélévation de la ligne électrique litigieuse, sans avoir constaté leur propre consentement et alors que la société ENEDIS ne soutenait pas avoir engagé une procédure appropriée.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2019 la société ENEDIS, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... et Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. D... et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de M. Gautier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme E... ont acquis le 20 avril 2016 la parcelle cadastrée section A n° 725-726 située 920 chemin de Cornica à Saint-Hymer dans le département du Calvados, laquelle est surplombée par une ligne électrique de type moyenne tension exploitée par la société ENEDIS. Les requérants ont sollicité auprès de la société ENEDIS l'enfouissement de la ligne électrique sur la partie traversant leur propriété. La société a donné son accord de principe, sous réserve du paiement des travaux par les requérants, ce que ces derniers ont refusé. M. D... et Mme E... ont alors saisi le tribunal administratif de Caen, aux fins de faire constater l'emprise irrégulière et d'enjoindre à la société ENEDIS de déplacer la ligne électrique. Par un jugement du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. M. D... et Mme E... relèvent appel de ce jugement.

En ce qui concerne l'existence d'une emprise irrégulière :

2. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative. / La déclaration d'utilité publique est précédée d'une étude d'impact et d'une enquête publique dans les cas prévus au chapitre II ou au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / S'il y a lieu à expropriation, il y est procédé conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ". Aux termes de l'article L. 323-4 du même code : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics (...) / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / (...) / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus (...) ". Aux termes de l'article L. 323-5 du même code : " Les servitudes d'ancrage, d'appui, de passage, d'abattage d'arbres et d'occupation temporaire s'appliquent dès la déclaration d'utilité publique des travaux ". Aux termes de l'article 1er du décret visé ci-dessus du 6 octobre 1967 : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que ces servitudes ne peuvent être instituées qu'après la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à l'établissement des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité, ou par une convention conclue entre le concessionnaire et le propriétaire du terrain.

3. Il résulte de l'instruction, et il est admis par la société ENEDIS que le surplomb du terrain appartenant à M. D... et Mme E... par la ligne électrique exploitée par la société ENEDIS pour l'exécution de sa mission de service public de distribution d'électricité constitue, ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, une emprise irrégulière, dès lors que cette servitude, qui n'est pas mentionnée dans le titre de propriété afférent au terrain, n'a pas donné lieu à une déclaration d'utilité publique et n'a fait l'objet d'aucune convention ni d'aucun accord amiable avec les requérants.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction de déplacement de la ligne électrique :

4. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher d'abord si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

5. Il résulte de l'instruction que M. D... et Mme E... n'ont consenti ni à conclure une convention de servitude, ni à prendre à leur charge les frais des travaux d'enfouissement de la ligne électrique litigieuse. La société ENEDIS leur a alors proposé une modalité alternative de régularisation consistant en la surélévation de la ligne aux frais de la société. Les requérants soutiennent que l'implantation de la ligne ne respecte pas les distances règlementaires et que la surélévation proposée ne leur permettrait pas de procéder en toute sécurité à l'entretien de la toiture végétalisée pour laquelle ils ont obtenu un permis de construire et dont la hauteur est appelée à évoluer. Toutefois, et alors que la société ENEDIS fait valoir sans être contestée qu'elle a demandé en vain aux requérants qu'ils fournissent les éléments nécessaires à la détermination du degré adéquat de surélévation de la ligne en tenant compte du type de végétation implantée, de la hauteur des sujets et des conditions et périodicité de l'entretien requis, ces derniers n'établissent pas, par les pièces qu'ils produisent, que le rehaussement envisagé ferait obstacle à leur projet de construction. Est sans incidence à cet égard la circonstance qu'un permis de construire leur aurait été délivré, s'agissant de la toiture végétalisée, " sous réserve d'une dépose de la ligne ". Par ailleurs, les requérants n'établissent pas davantage l'existence du risque sanitaire allégué en se bornant à renvoyer sans plus de précisions, et sans même les produire, à " diverses études épidémiologiques ". Enfin, eu égard à l'objet du présent litige, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que la dérivation temporaire de la ligne mise en place par la société ENEDIS pour faciliter le déroulement du chantier ne leur aurait pas permis d'achever leur construction. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la surélévation de la ligne électrique devait être regardée comme constituant une régularisation appropriée.

6. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen n'a pas fait droit à leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société ENEDIS de déplacer à ses frais la ligne électrique surplombant leur maison d'habitation.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société ENEDIS, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. D... et Mme E... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... et de Mme E... le versement à la société ENEDIS de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et de Mme E... est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme E... verseront à la société ENEDIS la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et Mme A... E... et à la société ENEDIS.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme I..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

Le rapporteur

M. H...

La présidente

N. I...

Le greffier

M. F...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01660
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DOREL-LECOMTE-MARGUERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt01660 ?
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