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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT03220

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT03220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le préfet de Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1907833 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 ao

ût 2019, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le préfet de Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1907833 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2019, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 197833 du tribunal administratif de Nantes du 26 juillet 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 8 juillet 2019 par lesquelles le préfet de Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de déclarer la France comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et de lui délivrer le formulaire d'asile de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ainsi qu'un titre de séjour lui permettant de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Ofpra ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :

- la décision est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas fait mention de sa situation en cas de retour en Espagne, de sa situation personnelle ou des menaces de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il souhaite déposer une demande de titre de séjour pour maintenir sa famille en France ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée ; elle est uniquement motivée par l'existence de la décision de transfert ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures devant le tribunal administratif de Nantes.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né en novembre 1987, serait entré en France en septembre 2018. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 19 novembre 2018. Par deux décisions du 8 juillet 2019, le préfet de Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, ainsi que son assignation à résidence. M. D... relève appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2019 portant transfert auprès des autorités espagnoles et de la décision du même jour portant assignation à résidence.

Sur l'arrêté portant transfert auprès des autorités espagnoles :

2. En premier lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ".

3. La décision litigieuse de transfert de M. D... auprès des autorités espagnoles vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle rappelle également que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 19 novembre 2018 et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaitre qu'il avait franchi irrégulièrement les frontières espagnoles moins de douze mois avant le dépôt de sa première demande d'asile. Elle relève également, d'une part, que M. D... a fait état d'un problème de santé, et d'autre part, que sa compagne et ses enfants résident en République démocratique du Congo et qu'il a reconnu l'enfant à naître de Mme E... G.... Dans ces conditions, la décision comporte ainsi un exposé détaillé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé, quand bien même le préfet n'a mentionné ni sa situation en cas de transfert en Espagne, ni les risques qu'il pourrait encourir en cas de retour en République démocratique du Congo. La décision contestée n'a, en outre, pas pour objet de prononcer son retour dans ce dernier pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". M. D... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant transfert du 8 juillet 2019, sa reconnaissance de paternité effectuée en mai 2019 de l'enfant dont Mme G... était alors enceinte, celui-ci n'étant pas né à la date de la décision contestée.

5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

6. Si M. D... invoque l'atteinte excessive portée à son droit à une vie privée et familiale normale en France auprès de sa compagne enceinte, Mme G..., ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que la vie commune avec cette dernière n'est pas antérieure au mois de septembre 2018, selon les déclarations mêmes de la jeune femme. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'entretien en préfecture du 19 novembre 2018, M. D... a déclaré avoir une compagne et quatre enfants en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, et alors même que M. D... a reconnu, le 6 mai 2019, l'enfant dont Mme G... est enceinte, en prononçant son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit à une vie privée et familiale normale une atteinte excessive et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le préfet de Loire-Atlantique n'a pas entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

Sur la décision d'assignation à résidence :

9. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ".

10. En premier lieu, la décision du 23 avril 2019 portant assignation à résidence de M. D... dans le département de la Loire-Atlantique comporte l'exposé détaillé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions combinées des articles L. 561-2 et L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision n'est donc pas fondé et doit être écarté.

11. En second lieu, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 6 juillet 2019. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme F..., première conseillère,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2020.

La rapporteure,

M. F...Le président,

C. RIVAS

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19NT03220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03220
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LOUVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt03220 ?
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