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24/01/2020 | FRANCE | N°18NT02315

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 janvier 2020, 18NT02315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle la commission régionale des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région Centre a confirmé la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 22 octobre 2015 lui infligeant une sanction pécuniaire de 78 223 euros.

Par un jugement n° 1601842 du 19 avril 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle la commission régionale des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région Centre a confirmé la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 22 octobre 2015 lui infligeant une sanction pécuniaire de 78 223 euros.

Par un jugement n° 1601842 du 19 avril 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juin 2018 et 25 novembre 2019 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 4 avril 2016 de la commission régionale des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région Centre ;

3°) de le décharger de son obligation de payer la somme de 78 223 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et n'a pas suffisamment analysé le moyen qu'il avait soulevé en première instance tiré de l'erreur de droit ;

- les droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier préalablement à l'intervention de la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 22 octobre 2015 ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article L.331-1-1 du code rural et de la pêche maritime, issues de la loi du 13 octobre 2014, qui n'étaient pas applicables au cas d'espèce, et sur une réponse ministérielle du 26 mars 2013 dénuée de toute valeur impérative ;

- les acquisitions de parts sociales d'une société agricole ont été exclues du champ d'application du contrôle des structures par la loi du 5 janvier 2006, seule applicable au cas d'espèce, et la détention de parts sociales de l'EARL La Cheptellière ne pouvait être regardée comme constituant un agrandissement de son exploitation au sens de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; la décision contestée est donc entachée d'erreur de droit ;

- le principe de légalité des délits et des peines faisait obstacle à ce que l'administration prenne une sanction à son égard, dans la mesure où la règle de droit applicable aux agrandissements en cas d'acquisition de parts sociales d'une société antérieurement à l'intervention de la loi du 13 octobre 2014 n'était pas suffisamment claire ;

- la sanction qui lui a été infligée est excessive au regard de la situation financière de l'EARL La Chaptellière.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2019 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., associé-exploitant de la SCEA Chemin de Bulty, dans le département des Ardennes, est devenu en avril 2014, après avoir racheté 99% de ses parts sociales, associé-exploitant et co-gérant de l'EARL La Cheptellière, qui exploite des terres agricoles en Indre-et-Loire. Le 16 décembre 2014, le préfet d'Indre-et-Loire, estimant que cette acquisition était soumise à autorisation d'exploiter, l'a mis en demeure de régulariser sa situation. M. E... ayant refusé par deux fois de déférer à cette mise en demeure, le préfet, par une décision du 16 mars 2015, lui a enjoint de cesser l'exploitation des terres concernées. M. E... n'ayant toujours pas obtempéré, le préfet, par une décision du 22 octobre 2015, lui a infligé une sanction pécuniaire de 78 223 euros, soit 450 euros par hectare. Par une lettre du 9 novembre 2015, M. E... a saisi la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations de la région Centre, qui a confirmé la sanction prise à son encontre par une décision du 4 avril 2016. M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de cette décision. Le tribunal, par un jugement du 19 avril 2018, a rejeté son recours. M. E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...). ".

3. S'il résulte de ces dispositions que le jugement doit comporter, dans ses visas ou ses motifs, l'analyse des moyens développés à l'appui des conclusions, cette obligation ne saurait s'étendre à tous les arguments exposés à l'appui de ces moyens. Par conséquent, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est par ailleurs suffisamment motivé, serait irrégulier au motif que tous les arguments présentés au soutien du moyen tiré de l'erreur de droit qu'il a soulevé en première instance n'auraient pas été analysés par les premiers juges.

Sur le cadre juridique applicable :

4. Aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en oeuvre " du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, relatif au " contrôle des structures des exploitations agricoles ". Aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication./ Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département./ (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le législateur a subordonné l'application de l'ensemble des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures issues de la loi du 13 octobre 2014 à l'entrée en vigueur des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre-Val de Loire est entré en vigueur le 1er juillet 2016. Les dispositions du code rural et de la pêche maritime antérieures à la loi du 13 octobre 2014 s'appliquaient donc lorsqu'est intervenue la décision contestée de la commission des recours du 4 avril 2016.

Sur la légalité de la décision contestée :

6. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi n°2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, applicable en l'espèce : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / Est qualifié d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1. ". Selon le I de l'article L. 331-2 du même code, dans sa rédaction applicable issue de l'ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (...) / 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres ; ". L'article 2 du schéma directeur des structures agricoles du département d'Indre-et-Loire, arrêté par le préfet d'Indre-et-Loire le 21 juillet 2010, prévoit que sont soumis à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur dépasse 102 hectares ou que la distance du nouveau bien par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à 15 km.

8. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en devenant associé-exploitant de l'EARL La Cheptellière M. E..., qui ne peut utilement se prévaloir du fait que les acquisitions de parts sociales d'une société agricole ont été exclues du champ d'application du contrôle des structures par la loi du 5 janvier 2006, doit être regardé comme ayant procédé à une opération d'agrandissement de son exploitation, dès lors que celle-ci est définie par l'article L. 331-1 précité du code rural et de la pêche maritime comme l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique.

9. D'autre part, il est constant que la surface totale désormais exploitée par M. E... dépasse 102 hectares et que la distance du nouveau bien par rapport au siège de son exploitation ardennaise est supérieure à 15 km, seuils fixés par le schéma directeur des structures agricoles du département concerné. Par suite, c'est sans méconnaitre les dispositions du code rural et de la pêche maritime rappelées au point 5 que la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations de la région Centre a estimé, à la suite du préfet d'Indre-et-Loire, que l'opération de M. E... était soumise à autorisation préalable.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas de la rédaction du jugement attaqué que les premiers juges se seraient fondés, comme le soutient M. E..., sur une réponse ministérielle du 26 mars 2013 dénuée de toute valeur impérative. S'ils ont fait par erreur application des dispositions du code rural et de la pêche maritime issues de la loi du 13 octobre 2014, cette erreur, ainsi qu'il résulte de ce qui exposé aux points 7 à 9, n'a pas eu de conséquence sur la solution qu'ils ont apportée au litige.

11. En quatrième lieu, le principe de légalité des délits et des peines, qui s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition, fait obstacle à ce que l'administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, la règle en cause n'est pas suffisamment claire, de sorte qu'il n'apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés que le comportement litigieux est susceptible d'être sanctionné.

12. Ainsi qu'il a été indiqué au point 6, l'opération réalisée par M. E... doit être regardée comme un agrandissement de son exploitation initiale au regard des dispositions non sujettes à interprétation de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors en vigueur. M. E... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses obligations. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable : " Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare. ".

14. La commission des recours, confirmant la décision du préfet d'Indre-et-Loire, a fixé à 450 euros par hectare exploité sans autorisation le montant de la sanction infligée à M. E.... Ce montant, qui correspond à la partie basse de la fourchette déterminée par les dispositions rappelées au point précédent, n'apparait pas excessif au regard des faits de l'espèce et de la situation du requérant, qui ne saurait au demeurant être analysée à la seule vue des résultats de l'EARL La Cheptellière. Il n'y a donc pas lieu de le réformer.

15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. E... la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2020.

Le rapporteur

E. B...Le président

I. Perrot

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02315
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SENEJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;18nt02315 ?
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