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24/01/2020 | FRANCE | N°19NT01114

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 janvier 2020, 19NT01114


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mars 2019 et 19 juillet 2019, la société Lanmor, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) en date du 20 décembre 2018 refusant son projet consistant en l'extension de 900 m² de la surface de vente d'un ensemble commercial de 878 m² par création d'un magasin à l'enseigne " Connexion " pour atteindre une surface totale de vente de 1 778m² à Lannion (Côtes d'Armor) ;

2°) d'enjoindre à la CNAC

de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mars 2019 et 19 juillet 2019, la société Lanmor, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) en date du 20 décembre 2018 refusant son projet consistant en l'extension de 900 m² de la surface de vente d'un ensemble commercial de 878 m² par création d'un magasin à l'enseigne " Connexion " pour atteindre une surface totale de vente de 1 778m² à Lannion (Côtes d'Armor) ;

2°) d'enjoindre à la CNAC de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- elle n'a pas été convoquée régulièrement à la réunion de la CNAC ;

- l'avis défavorable de la CNAC n'est pas suffisamment motivé ;

- la CNAC ne pouvait pas examiner les mérites comparés d'une implantation du magasin Connexion dans la zone commerciale du Cruguil/Keringant ou en centre-ville et en tout état de cause une telle implantation en centre-ville ne pouvait pas être envisagée ;

- le projet n'est pas susceptible de porter atteinte à l'animation de la vie urbaine et la CNAC ne pouvait pas se limiter à évoquer l'opportunité d'une implantation en centre-ville, sans examiner les effets positifs du projet sur l'animation du territoire ;

- le critère de développement durable prévu à l'article L. 752-6 du code de commerce était respecté par le projet ;

- le projet répond totalement aux objectifs définis par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- les critères de qualité environnementale et d'insertion paysagères et architecturale ne lui étaient pas opposables ;

- l'enseigne Connexion présente un caractère attractif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, la société Etablissements Nehlig et la société Charlex, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et demandent qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Un mémoire en production de pièces, enregistré le 25 juin 2019, a été présenté par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me A..., représentant la requérante et de Me E... substituant Me B..., représentant la société Etablissements Nehlig et la société Charlex.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Lanmor a déposé, le 26 juillet 2018, une demande d'autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création d'un magasin à l'enseigne Connexion de 900 m² par extension d'un ensemble commercial existant. Par une décision du 6 septembre 2018, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des Côtes d'Armor a autorisé ce projet. La société Etablissements Nehlig et la société Charlex ont formé un recours préalable conjoint, qui a été enregistré par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) le 1er octobre 2018. La CNAC a décidé d'admettre ce recours et de refuser le projet de la SCI LANMOR par une décision du 20 décembre 2018. La SCI Lanmor demande à la cour d'annuler cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales (...) ". Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; (...) 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; (...) ".

3. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

4. La Commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée, pour s'opposer à la demande de la SCI Lanmor, sur les motifs tirés de ce qu'" il apparait plus pertinent d'implanter le présent projet en centre-ville et non en périphérie, d'autant plus que la commune de Lannion est lauréate du programme national " action coeur de ville ", de ce que " le projet ne propose qu'une faible amélioration paysagère du site actuel " et " le volet développement durable est peu développé ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'effet sur l'animation de la vie urbaine :

5. Il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise du projet regroupe 26 communes représentant une population de 66 486 habitants en 2015, population en forte hausse de 15% depuis 1999. Cette augmentation de population correspond à l'accueil de près de 9 000 habitants en 15 ans, sur l'ensemble de la zone de chalandise. A cette population sédentaire, il convient de rajouter la population touristique particulièrement importante sur ce secteur.

6. La direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a relevé que l'enseigne " Connexion " a été présente sur la ville de Lannion pendant 26 ans, dans cette même zone, sa disparition obligeant actuellement les clients de l'enseigne à se rendre sur Saint-Brieuc (à 65 km) pour leurs achats et le service après-vente. Or, il n'est pas utilement contesté en défense que le positionnement spécifique de l'enseigne, fondé sur des marques premium et un service personnalisé, n'est pas couvert par les enseignes présentes localement. Dès lors, la réouverture du magasin permettrait de limiter les déplacements. Contrairement à ce qu'allèguent les sociétés Etablissements Nehlig et Charlex, il n'est pas établi que l'enseigne Connexion serait un réseau moribond alors que le groupe " Boulanger " a effectué en 2018 une prise de participation dans la centrale de distribution ExpertetConnexion.

7. Le projet, de 900 m2, vient, par ailleurs, combler une cellule restée vacante depuis sa création. Si un taux de vacances des locaux commerciaux de l'ordre de 10% a été constaté dans le centre-ville de Lannion, commune qui fait partie du plan action coeur de ville, il n'est pas établi que des locaux adaptés auraient permis une implantation en centre-ville. Les services de la DDTM ont, à cet égard, relevé que " l'activité (...) génère le stockage de produits encombrants et nécessite de nombreux mouvements de véhicules pour les livraisons et le dépannage ; de par ces spécificités, il serait donc difficile d'envisager une implantation en centre urbain ". De même, le ministre chargé du commerce a souligné, dans son avis favorable, que du fait de l'activité proposée par le projet, " elle aurait des difficultés à s'implanter dans des espaces centraux ". Le ministre chargé de l'urbanisme a également indiqué que la magasin Connexion commercialiserait des produits encombrants et qu'il devait ainsi prendre place " hors des centres-villes, centre-bourgs et centralités de quartier ", ce qui a été confirmé par le maire de la commune. Enfin, le projet est à moins d'un kilomètre des résidences pavillonnaires de Croas-Hent et de Gue-Nevez, ainsi que des hameaux de Crec'h Quillé et Roudoualen. Ainsi, alors même que la commune de Lannion est lauréate du programme national " Action coeur de ville ", la SCI Lanmor est fondée à soutenir que la CNAC a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de commerce en retenant ce motif pour refuser sa demande.

En ce qui concerne le développement durable :

8. Il est constant que le projet litigieux, qui porte sur l'extension d'un ensemble commercial composé d'ores et déjà de deux magasins, permet la création, dans un bâtiment existant, d'un troisième magasin. Dès lors, les sous-critères liés à la qualité environnementale et à l'insertion paysagère et architecturale, mentionnés à l'article L. 752-6 du commerce, n'étaient pas opposables au projet en cause. Il ressort des pièces du dossier que le projet ne sera pas générateur de pollution olfactive ou sonore. Quant aux nuisances lumineuses, elles seront limitées aux heures d'ouverture des magasins. La pollution visuelle sera également limitée, les bâtiments ne se situant pas à proximité immédiate d'une zone d'habitations. Ainsi, c'est à tort que la commission s'est fondée sur les circonstances que le projet ne proposerait qu'une faible amélioration paysagère du site actuel et que le volet développement durable serait peu développé.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la SCI Lanmor est fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 20 décembre 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Aucun autre moyen soulevé par la requérante ne lui ouvrant droit à la délivrance de l'autorisation sollicitée, qui aurait pu être prescrite d'office par le juge, l'annulation de la décision attaquée du 20 décembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial implique seulement, eu égard aux motifs qui la fondent, que la commission statue à nouveau sur la demande formée devant elle. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à ce réexamen, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la requérante, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre desdites dispositions. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCI Lanmor d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 20 décembre 2018 refusant le projet de la SCI Lanmor est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours formé devant elle par la société Etablissements Nehlig et la société Charlex dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SCI Lanmor la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Etablissements Nehlig et la société Charlex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lanmor, au ministre de l'économie et des finances, à la société Etablissements Nehlig et à la société Charlex.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2020.

Le rapporteur,

P. C...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,

de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01114
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SELAS WILHELM ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;19nt01114 ?
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