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24/01/2020 | FRANCE | N°19NT02265

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 janvier 2020, 19NT02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils, M. E... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Ho Chi Minh-Ville (Vietnam) du 21 août 2018 opposant un refus à la demande de visa présentée pour le jeune E... B....

Par

un jugement n° 1900644 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils, M. E... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Ho Chi Minh-Ville (Vietnam) du 21 août 2018 opposant un refus à la demande de visa présentée pour le jeune E... B....

Par un jugement n° 1900644 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, Mme C..., agissant en son nom propre et pour celui du jeune E... B... représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune E... B... un " visa de long séjour en qualité de visiteur " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en estimant que la demande de visa relevait de la procédure de regroupement familial, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant

- aucun texte ne subordonne la délivrance d'un visa à un enfant dont un parent réside en France à l'intervention d'un jugement de déchéance de l'autorité parentale de l'autre parent ;

- les ressources du ménage, lequel habite un logement décent, sont suffisantes pour accueillir l'enfant ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il indique que, faute d'élément nouveau probant en appel, il entend s'en remettre à ses observations de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité vietnamienne, a épousé, le 14 juin 2018, un ressortissant français. Un visa de long séjour, valable à compter du 7 septembre 2018, lui a été délivré en sa qualité de conjoint de Français. La demande de " visa de long séjour en qualité de visiteur " présentée pour son fils Phi Long B..., né le 1er mai 2012 d'une précédente union, a été rejetée par une décision des autorités consulaires françaises à Ho Chi Minh-Ville du 21 août 2018 au motif que les informations communiquées pour justifier des conditions de séjour n'étaient pas complètes ou fiables. Saisie d'un recours contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision du 22 novembre 2018, confirmé le refus de visa en se fondant, premièrement, sur la circonstance que la demande relevait de la procédure de regroupement familial, deuxièmement, sur l'absence de jugement de déchéance de l'autorité parentale détenue par le père de l'enfant et, troisièmement, sur l'insuffisance des ressources financières de Mme C... et de son époux. Mme C..., agissant en son nom propre et pour le compte de son fils, relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 novembre 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / Dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21. ".

3. D'autre part, il résulte de l'article L. 421-1 et R. 421-28 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsqu'il a été autorisé, par l'autorité préfectorale, à entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial, l'étranger doit, en outre, être muni d'un visa d'entrée délivré par l'autorité diplomatique et consulaire. Seuls des motifs tirés de l'atteinte à l'ordre public peuvent alors justifier légalement une décision de rejet de demande de visa.

4. S'il est constant que la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune E... B... n'a pas été formée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'intéressé demande et, le cas échéant, obtienne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 2, un visa de long séjour dit " visiteur ", en vue de s'établir en France, à titre privé, pour un motif familial et notamment pour résider auprès de sa mère autorisée à entrer et séjourner sur le territoire français en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par suite, en fondant son refus de visa sur la circonstance que la demande relevait de la procédure de regroupement familial la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le ministre de l'intérieur dans ses écritures de première instance, l'absence de jugement prononçant la déchéance de l'autorité parentale du père du jeune E... B... ne pouvait légalement justifier le refus de visa en litige. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une seconde erreur de droit.

6. En troisième lieu, sauf dans le cas où des dispositions conventionnelle, législative ou règlementaire ou, le cas échéant, des principes généraux, déterminent les cas où un visa de long séjour doit être délivré, ou peut être refusé, à un étranger désirant se rendre en France, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour statuer sur une demande de délivrance d'un tel visa et peuvent se fonder, non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

7. En l'espèce, d'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune E... B... n'a pas été précédée d'une autorisation de regroupement familial. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pouvait légalement fonder sa décision de refus sur toute considération d'intérêt général et notamment sur la circonstance qu'il n'était pas établi que Mme C... et son époux disposaient des moyens d'existence suffisants pour faire face aux dépenses du séjour en France du jeune E... B.... D'autre part, alors qu'il ressort des pièces produites en première instance par le ministre de l'intérieur que l'époux de Mme C... était bénéficiaire, au 1er décembre 2018, compte tenu du niveau de ses ressources, de l'allocation de logement sociale, du revenu de solidarité active et de la prime d'activité, la requérante ne démontre pas, par la production des déclarations de revenus de son époux au titre des années 2016 et 2017, indiquant un chiffre d'affaires brut de, respectivement, 22 000 et 18 000 euros ainsi que des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires pour des montant compris entre 1 229 et 1 890 euros que le ménage, par ailleurs redevable d'un loyer mensuel de 600 euros, disposerait de revenus disponibles stables et suffisants. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pouvait légalement, pour confirmer le refus de visa, se fonder sur l'insuffisance des ressources de l'époux de la requérante. Il résulte de l'instruction que, en se fondant sur ce seul motif, la commission aurait pris la même décision. Il y a ainsi lieu de neutraliser les illégalités, mentionnées aux points 4 et 5, dont sont entachés les deux premiers motifs de la décision contestée.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le jeune E... B... était âgé, à la date de la décision contestée, de seulement six ans. Toutefois, alors que la requérante n'apporte aucune précision sur l'environnement familial de l'enfant au Vietnam, où réside d'ailleurs son père, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... serait dans l'incapacité de lui rendre régulièrement visite dans ce pays dans l'attente, par exemple, soit de remplir les conditions pour bénéficier du regroupement familial soit de justifier, à l'appui d'une nouvelle demande de visa, d'un changement dans sa situation, notamment matérielle. Dans ces conditions, l'atteinte portée par la décision contestée au droit de Mme C... et à celui de son enfant au respect de leur vie privée et familiale n'est pas disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise.

10. En dernier lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée aurait méconnu l'intérêt supérieur du jeune E... B..., en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur le surplus des conclusions :

13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme C... aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C..., agissant en son nom propre et pour le compte du jeune E... B..., est rejetée.

Article: Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2020.

Le rapporteur,

K. D...

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19NT02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02265
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : GOMOT-PINARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;19nt02265 ?
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