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28/02/2020 | FRANCE | N°19NT00625

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 février 2020, 19NT00625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 septembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1610281 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 février 2019, 12 mars 2019 et 18 novembre 2019, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) a

vant dire droit, de procéder à un complément d'instruction afin d'obtenir la communication de son enti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 septembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1610281 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 février 2019, 12 mars 2019 et 18 novembre 2019, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) avant dire droit, de procéder à un complément d'instruction afin d'obtenir la communication de son entier dossier de demande de naturalisation et spécialement la copie de l'entretien d'assimilation et de la note du 18 août 2016 établie par la direction générale de la sécurité intérieure ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement n°1610281 rendu le 12 décembre 2018 par le tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 16 septembre 2016 ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'accueillir favorablement sa demande de naturalisation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) subsidiairement, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation dans les délais susvisés ;

6°) en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 21-24 du code civil a été méconnu ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Un mémoire, enregistré le 6 décembre 2019, a été présenté par le ministre de l'intérieur et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Mme B... représentant le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais, a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision du 16 septembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation. Par un jugement du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

2. En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 visé

ci-dessus, si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

3. En premier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il satisfait aux conditions prévues par l'article 21-24 du code civil, dès lors que le ministre de l'intérieur n'a pas rejeté sa demande pour irrecevabilité sur le fondement de ces dispositions, mais, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose, pour des motifs d'opportunité, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993.

4. En second lieu, pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. A..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que, lors de l'entretien organisé dans le cadre de sa demande de naturalisation, l'intéressé a reconnu appartenir activement au mouvement " Dawat e Islami ", organisation fondamentaliste qui prône la supériorité de la loi coranique sur les lois de la République et incite à la défiance envers ceux qui ne seraient pas musulmans.

5. Le ministre a produit en appel une " note blanche " du 19 avril 2019 émanant de la direction générale de la sécurité intérieure et fait valoir qu'elle reprend une précédente note blanche établie le 18 juin 2016 et qui n'a pas été versée au débat contradictoire. La note produite mentionne que " lors de l'entretien administratif, réalisé en 2014, dans le cadre de sa demande de naturalisation, M. A... a reconnu son appartenance au mouvement piétiste pakistanais " Dawat e Islami ", qui se caractérise par un mode de fonctionnement fondé sur le prosélytisme et sur l'application littérale des préceptes coraniques. Incitant à la défiance envers les non musulmans, ce mouvement vise à la propagation de l'islam à travers le monde et prône la supériorité de la charia (loi coranique) sur les lois de la République. M. A... a également déclaré avoir activement participé à l'ouverture, à Pierrefitte-sur-Seine (93), d'un lieu de culte essentiellement dédié à ce mouvement fondamentaliste, et au sein duquel un haut dignitaire se rendait chaque année afin de collecter des fonds. Enfin, il a indiqué avoir régulièrement fréquenté la mosquée du Falah e Daraine sise à Garges-lès-Gonesse (95), gérée par M. F..., un de ses proches, lui-même connu pour ses relations et ses discours en lien avec l'islamisme radical pakistanais. (...). "

6. Si M. A... conteste être membre de l'association " Dawat e Islami ", il reconnaît se rendre occasionnellement dans les locaux de cette association. En revanche, il n'a contesté ni avoir régulièrement fréquenté la mosquée du Falah e Daraine, ni être un proche de M. F.... En outre, les seules circonstances que l'association " Dawat e Islami " est régulièrement déclarée auprès des services compétents de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, est inscrite au répertoire SIRENE et organise des processions autorisées par les services préfectoraux ne suffisent pas à contredire les mentions portées dans la note blanche. Si le président de l'association " Dawat e Islami " France atteste, le 11 novembre 2016, qu'il ne s'agit pas d'une organisation fondamentaliste et que cette dernière ne demande pas à ses adhérents de reconnaître la supériorité des lois islamiques sur les lois républicaines, cette attestation est postérieure à la décision attaquée et, eu égard à son auteur, au vu de son implication dans cette association, n'est pas suffisamment probante. M. A... a également produit une attestation du directeur régional au Pakistan et en Asie du conseil mondial du service des droits de l'homme, du 26 janvier 2019, indiquant que " Dawat e Islami " est " non politique, non extrémiste et non terroriste ". Toutefois, cette attestation, postérieure à la décision attaquée, mentionne également qu'il s'agit du " plus grand mouvement de propagande religieux " et que " le conseil mondial du service des droits de l'homme est convaincu de leur propagation pour l'Islam, ainsi que d'autres activités liées à la religion et à la prédication ". Dès lors, au vu notamment du caractère précis et circonstancié de plusieurs éléments de fait relatés dans la note blanche, alors même que la note produite devant la cour a été établie plusieurs années après l'entretien d'assimilation et que le requérant a produit des éléments sur sa vie familiale, le ministre chargé des naturalisations, qui a fait usage du large pourvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder ou refuser la nationalité à l'étranger qui la sollicite, n'a commis ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à un complément d'instruction, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2020.

Le rapporteur,

P. D...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00625
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : NAVARRO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-28;19nt00625 ?
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