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28/02/2020 | FRANCE | N°19NT01393

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 février 2020, 19NT01393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Ecurie Michel René Dubois a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 par lequel la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'une annexe agricole et d'un bureau sur les parcelles cadastrées ZA n° 62 et n° 67 au lieudit " La Simardière " à Boissy-Maugis.

Par un jugement n° 1800021 du 1er février 2019 le tribunal administratif de Caen a annulé l'arr

êté de la préfète de l'Orne du 8 novembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Ecurie Michel René Dubois a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 par lequel la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'une annexe agricole et d'un bureau sur les parcelles cadastrées ZA n° 62 et n° 67 au lieudit " La Simardière " à Boissy-Maugis.

Par un jugement n° 1800021 du 1er février 2019 le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté de la préfète de l'Orne du 8 novembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2019 et un mémoire ampliatif enregistré le 11 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut à l'annulation du jugement du 1er février 2019.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a soulevé d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public et n'en n'a pas informé les parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; le jugement est insuffisamment motivé ;

- le jugement est infondé :

. une erreur de droit a été commise par violation des articles L. 161-4 et R. 161-4 du code de l'urbanisme ;

. une erreur d'appréciation a été commise dans la mise en oeuvre de l'article L. 341-10 du code de l'urbanisme ;

. il a été fait une exacte application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2019, l'EARL Michel René Dubois, représentée par Me B..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune irrégularité n'entache le jugement attaqué ;

- aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M D...,

- et les observations de Me B..., représentant l'EARL Ecurie Michel René Dubois.

Une note en délibéré présentée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Ecurie Michel René Dubois a été enregistrée le 12 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Ecurie Michel René Dubois a, le 7 février 2017, sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction sur les bases d'un moulin, d'une annexe agricole pour la présentation et la commercialisation des produits de l'exploitation et pour son bureau sur les parcelles cadastrées ZA n° 62 et n° 67 au lieudit " La Simardière " à Boissy-Maugis, commune de Cour-Maugis-sur-Huisne. Le ministre de la transition écologique et solidaire a, le 4 septembre 2017, refusé de donner son accord au projet. La préfète de l'Orne a rejeté la demande de permis de construire par un arrêté du 8 novembre 2017. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2017. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, en sa rédaction alors applicable : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. ". Aux termes de l'article R. 161-4, alors applicable, du même code : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception : / : 1° De l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ;/ 2° Des constructions et installations nécessaires : / a) A des équipements collectifs ou à des services publics si elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole ou pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / b) A l'exploitation agricole ou forestière ;(...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les documents graphiques des cartes communales délimitent les secteurs dans lesquels les constructions ne peuvent être admises à l'exception des constructions et installations nécessaires notamment à l'exploitation agricole. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante ainsi que de la nécessité de la construction pour cette même activité.

4. En l'espèce, il ressort tant de ses statuts que des documents comptables fournis que l'EARL Michel et René Dubois, affiliée à la Mutualité Sociale Agricole, exerce, dans un secteur de la carte communale visé par les dispositions précitées où ne sont autorisées que les constructions visées aux articles L. 161-4 et R. 161-4, une activité d'élevage de chevaux de course ainsi que de bovins labellisés biologique et de vente de ces animaux. Le projet de la pétitionnaire consiste en l'édification d'une nouvelle construction destinée à la création de locaux permettant la présentation et la valorisation des produits qu'elle commercialise, la réception de clients et la création de bureaux. Un tel projet apparaît ainsi non seulement complémentaire mais nécessaire à l'activité de l'EARL.

5. Il s'ensuit que la préfète de l'Orne a méconnu les dispositions précitées en refusant le permis de construire sollicité au motif qu'il n'était pas nécessaire à l'activité de l'EARL.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent être ni détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect, sauf autorisation spéciale ". Aux termes de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : / a) Cet accord est donné par le préfet ou, le cas échéant, le directeur de l'établissement public du parc national (...) lorsque le projet fait l'objet d'une déclaration préalable ; / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas. ".

7. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

8. En l'espèce, il est constant que le terrain d'assiette du projet de l'EARL Dubois est inclus dans le site classé de la forêt de Reno-Valdieu et que le projet a fait l'objet d'un refus d'accord de régularisation de la construction par le ministre chargé des sites le 4 septembre 2017. Pour s'opposer au projet de l'EARL Dubois consistant en l'édification en " L " sur la base des ruines d'un ancien moulin à eau, d'une construction nouvelle comportant un étage sur rez-de-chaussée, d'une superficie totale de 314 m2, dont les murs extérieurs, en pierre au rez-de-chaussée, sont revêtus, au 1er niveau, d'un bardage de bois et qui comporte dans l'angle des deux bâtiments une tourelle, le ministre s'est fondé sur la circonstance que le projet " par son volume inadapté et ses caractéristiques architecturales éloignées du bâti traditionnel du Perche, porte atteinte aux qualités du site classé ".

9. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des fiches thématiques relatives au patrimoine percheron établies par le conseil de l'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de l'Orne que l'architecture historique de l'habitat rural du Perche se caractérise par des formes de simples quadrilatères, de dimensions modestes, utilisant des matériaux issus du milieu local, pouvant mettre en oeuvre des pans de bois, dont les pignons sont droits, sans débords ni ouvertures. Alors qu'il est constant que l'ancien moulin était d'une surface au sol de 144 m2, celle du projet est accrue de 85 m2, soit une augmentation de quasiment 60 %. La construction nouvelle comporte un étage alors que traditionnellement les corps de ferme et de leurs dépendances n'en ont pas.

10. Si le ministre fait valoir que le nombre et les dimensions des ouvertures, en particulier celle des fenêtres, ne correspondent pas à celles de l'architecture traditionnelle, elles seront en grande partie occultées par le bardage bois posé sur les murs extérieurs du niveau supérieur. Toutefois, si l'usage des pans de bois était courant en Normandie, celui consistant à procéder à un revêtement des murs extérieurs ne l'est pas. De même, il est constant que la présence de tourelles décoratives ne peut être constatée ni dans l'architecture traditionnelle du Perche ni dans celle des moulins autrefois en usage dont le pétitionnaire se serait inspiré. Par suite, le ministre a fait une exacte application des dispositions précitées en donnant un avis défavorable au projet de l'EARL.

11. Dans ces conditions, alors même qu'il a été fait usage de la pierre locale ou de la tuile traditionnelle, qu'il a été prescrit que le bois ne soit pas traité afin de conserver un aspect naturel ou que comme le soutient l'EARL, sa construction ne serait pas visible depuis les voies publiques, ces circonstances ne suffisent pas en l'espèce à permettre de considérer, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, qu'une telle construction s'insère harmonieusement dans le site classé de la forêt de Reno-Salvieu. Par suite, en se fondant sur la circonstance que " Le projet, par son volume inadapté et ses caractéristiques architectures éloignées du bâti traditionnel du Perche, porte atteinte aux qualités du site classé ", le ministre de la transition écologique et solidaire n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. La préfète de l'Orne était dès lors tenue de refuser de délivrer le permis de construire sollicité par l'EARL Ecurie Michel René Dubois. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire contesté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté de la préfète de l'Orne du 8 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EARL Ecurie Michel René Dubois demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de l'EARL Michel René Dubois devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'EARL Michel René Dubois tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à l'EARL Ecurie Michel René Dubois et au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme C..., président-assesseur,

- M A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2020.

Le rapporteur,

C. C... Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01393
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SIMARD ALINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-28;19nt01393 ?
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