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06/03/2020 | FRANCE | N°18NT04272

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 mars 2020, 18NT04272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 39 300 euros émis à son encontre le 23 décembre 2016 par la commune de Montlouis-sur-Loire.

Par un jugement n° 1700547 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. F... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2018 d

u tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 23 décembre 2016 par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 39 300 euros émis à son encontre le 23 décembre 2016 par la commune de Montlouis-sur-Loire.

Par un jugement n° 1700547 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. F... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 23 décembre 2016 par la commune de Montlouis-sur-Loire pour le recouvrement de la somme de 39 300 euros ;

3°) subsidiairement, de limiter à l'euro symbolique le montant des pénalités ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montlouis-sur-Loire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'était tenu que par une obligation de moyens au regard de l'article 5 de l'avenant n° 3 au marché de maitrise d'oeuvre et du délai de réception des travaux ;

- aucun manquement contractuel de sa part n'est à l'origine du retard du chantier ; il y a eu une aggravation des retards du fait des intempéries ; les retards résultent de la maitrise d'ouvrage et des autres intervenants à l'opération de construction ;

- la créance est manifestement disproportionnée dans son montant au regard des pratiques usuellement constatées et des circonstances d'exécution du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, la commune de Montlouis-sur-Loire, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de production de la copie du jugement attaqué (article R. 412-1 du code de justice administrative) et en raison d'incohérences entre le bordereau présentant les pièces jointes à la requête et les fichiers réellement communiqués (article R. 414-3 du code de justice administrative) ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, si le jugement devait être annulé, la requête de première instance est irrecevable faute pour M. E... d'avoir fait précéder sa requête d'une saisine de la commune au terme d'un mémoire de réclamation, sur le fondement de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales - prestations intellectuelles.

Par ordonnance du 9 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2020.

Un mémoire présenté pour M. E... par Me C... a été enregistré le 27 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. E....

Une note en délibéré présentée pour M. E... a été enregistrée le 13 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 20 avril 2009, la commune de Montlouis-sur-Loire a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération d'extension et de réaménagement d'un complexe sportif communal à un groupement conjoint dont M. E..., architecte, est le mandataire et qui avait pour mission la direction et la coordination des travaux. La date d'achèvement des travaux a été fixée initialement à la fin du mois d'avril 2012, puis, afin de maintenir en activité le gymnase, les parties ont conclu un avenant fixant la date de fin des travaux au 29 juin 2012 pour la partie gymnase. La réception des travaux fixée à la date du 17 octobre 2012 a conduit la commune de Montlouis-sur-Loire à émettre, le 21 décembre 2012, un titre exécutoire à l'encontre de M. E... au titre des pénalités de retard prévues par le marché de maîtrise d'oeuvre. Ce titre a été annulé par un jugement n° 1301128 du tribunal d'Orléans du 17 octobre 2013 pour un vice de forme tiré de l'insuffisante indication des bases de liquidation de la créance. La commune de Montlouis-sur-Loire a alors émis à l'encontre de M. E... un nouveau titre exécutoire, le 23 décembre 2016, pour un montant de 39 300 euros. Par un jugement du 4 octobre 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ce titre d'exécutoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'article 5 de l'avenant n° 3 au marché conclu entre la commune de Montlouis-sur-Loire et le groupement de maitrise d'oeuvre du projet que : " (...) l'équipe de maîtrise d'oeuvre s'engage à tout mettre en oeuvre pour un achèvement du projet et sa réception en avril 2012 pour les parties indépendantes de la coactivité et 29 juin 2012 pour les parties maintenues en activité pendant les travaux. / A défaut de respecter ces délais, une pénalité de 300 € par jour calendaire de retard constaté sera appliquée à la maîtrise d'oeuvre hormis les causes légalement entendues d'intempéries, de suspension du chantier à la demande du CSPS et de défaillances financière et/ou juridique d'une entreprise ".

3. En premier lieu, il résulte de ces stipulations contractuelles que les parties signataires, dont M. E..., se sont engagées à respecter les délais stipulés pour l'achèvement du projet et la réception des travaux, sous peine de se voir appliquer une pénalité. Par suite, M. E... ne peut soutenir qu'il n'était tenu qu'à une obligation de moyens et non au respect d'un délai précis clairement établi.

4. En deuxième lieu, M. E... soutient que les intempéries constatées durant la période de chantier sont à l'origine du retard ultérieur de réception des travaux. Toutefois, s'il résulte de divers documents produits que la société Briault, titulaire du lot gros oeuvre, a déclaré avoir été empêchée de travailler pour ce motif durant une durée cumulée de 21 jours, il ne résulte pas de l'instruction que cette situation serait de nature à expliquer le retard cumulé de plusieurs mois dans la livraison des travaux, alors que ces empêchements ont été fractionnés et qu'il n'est pas établi que les intempéries et les défaillances de cette entreprise auraient entraîné une gêne pour les autres sociétés intervenant sur le chantier. En tout état de cause, outre qu'il n'est pas établi que les intempéries invoquées auraient effectivement et significativement entravé l'exécution de la mission de direction et de coordination de l'exécution des travaux incombant à M. E..., il est constant que le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre n'a jamais présenté en temps utile à la personne responsable du marché une demande de prolongation du délai d'exécution en lui signalant les causes faisant obstacle à l'exécution du marché dans le délai contractuel, suivant la procédure prévue par l'article 15 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles issu du décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978, applicable au marché en vertu de l'article 2.2 de son cahier des clauses administratives particulières. Dans ces conditions, M. E... ne peut être fondé à soutenir que des intempéries s'opposaient à ce que soit comptabilisé un retard et lui soient infligées les pénalités en résultant par application des stipulations citées au point 2 ci-dessus.

5. En troisième lieu, M. E... soutient que les retards fondant les pénalités contestées trouvent également leur origine dans l'inaction du maître d'ouvrage ou dans les défaillances des autres entreprises intervenantes. Mais il n'établit pas, par la seule mention du fait qu'une entreprise a été placée en situation de redressement judiciaire en décembre 2011, que cette circonstance ou une carence de la commune expliqueraient le retard à l'origine des pénalités qu'il conteste. Par ailleurs, eu égard aux stipulations citées au point 2 et à sa qualité de maître d'oeuvre doté d'une mission d'ordonnancement pilotage et coordination, la responsabilité propre de la maîtrise d'oeuvre pouvait être engagée indépendamment des pénalités pour retard infligées aux entreprises titulaires des marchés de travaux. M. E... n'est donc pas davantage fondé à contester pour ce motif les pénalités qui lui ont été infligées.

6. En quatrième lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatif aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

7. Par application des stipulations de l'avenant n° 3 citées au point 2, M. E... a été assujetti au paiement de pénalités d'un montant de 39 300 euros correspondant à 131 jours de retard dans l'achèvement du projet et représentant 22,52 % du montant global du marché de maîtrise d'oeuvre. D'une part, à l'appui de sa demande de modération du montant de ces pénalités, le requérant n'apporte aucun élément de comparaison par référence aux pratiques observées pour des marchés comparables. D'autre part, s'il fait valoir qu'il n'est pas responsable des retards ainsi sanctionnés, il y a lieu d'écarter ces explications pour les motifs exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt. Enfin, la circonstance que les pénalités représentent 42 % de la rémunération personnelle de M. E... au titre de ce marché ne suffit pas à établir qu'elles soient manifestement excessives dès lors que ce caractère s'apprécie au regard du montant total du marché et qu'il appartenait au mandataire commun du groupement de procéder, s'il y a lieu, à la répartition des pénalités entre ses membres. En conséquence, alors même que le retard constaté n'aurait pas empêché l'utilisation du gymnase lors de la rentrée scolaire, et eu égard à la responsabilité du requérant dans ce retard, il n'y a pas lieu d'en modérer le montant.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Montlouis-sur-Loire, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme demandée à ce titre par la commune de Montlouis-sur-Loire.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montlouis-sur-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à la commune de Montlouis-sur-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18NT04272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04272
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP COTTEREAU MEUNIER BARDON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-06;18nt04272 ?
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