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13/03/2020 | FRANCE | N°19NT02737

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 mars 2020, 19NT02737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme A... F... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 septembre 2018 par lesquels le préfet du Morbihan a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1900131,1900132 du 27 mars 2019 le tribunal administratif de Rennes a re

jeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme A... F... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 septembre 2018 par lesquels le préfet du Morbihan a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1900131,1900132 du 27 mars 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19NT02737 les 11 juillet et 29 octobre 2019 M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 21 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que le préfet disposait d'éléments suffisants pour examiner s'il pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur indépendant " ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 12 août 2019 au préfet du Morbihan, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19NT02738 les 11 juillet et 29 octobre 2019 Mme F..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 21 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n°19NT02737 visée ci-dessus.

La requête a été communiquée le 12 août 2019 au préfet du Morbihan, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 11 juin 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme F..., son épouse, sont des ressortissants géorgiens nés respectivement en 1976 et 1977 qui sont entrés irrégulièrement en France le 1er octobre 2013, accompagnés de leurs deux enfants nés respectivement en 1996 et 2001. Après avoir déposé en vain des demandes d'asile, ils se sont vu délivrer, pour la période du 9 août 2016 au 6 novembre 2017, des cartes de séjour temporaires en qualité d'étranger malade s'agissant de M. D... et des autorisations provisoires de séjour en qualité d'accompagnant s'agissant de Mme F.... Le préfet du Morbihan ayant refusé de renouveler le titre de séjour de M. D... pour raisons de santé, le couple a présenté le 7 juin 2018 une demande de titre de séjour en qualité de " parents d'enfant mineur scolarisé ". Le préfet du Morbihan leur a opposé des refus par deux arrêtés du 21 septembre 2018 leur faisant également obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement du 27 mars 2019, joignant leurs deux demandes, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs recours contre ces arrêtés. Les requêtes de M. D... et de Mme F..., enregistrées sous les numéros 19NT02737 et 19NT02738, dirigées contre cet unique jugement, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la légalité des arrêtés du préfet du Morbihan du 21 septembre 2018 en tant qu'ils portent refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Si M. D... et Mme F... soutiennent qu'ils justifient de cinq années de résidence en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée de leur présence sur le territoire est en partie due à leurs démarches en vue d'obtenir l'asile, la carte de séjour temporaire délivrée à M. D... en qualité d'étranger malade et l'autorisation provisoire de séjour délivrée à Mme F... en qualité d'accompagnant ne leur donnant par ailleurs pas vocation à résider durablement en France. Les requérants, dont il est constant qu'ils n'exerçaient plus à la date des décisions contestées aucune activité professionnelle et qui ne justifient pas disposer de réelles perspectives d'embauche, n'établissent par ailleurs pas l'intensité de leur insertion professionnelle en se bornant à faire état des emplois précédemment occupés, pour l'essentiel dans le cadre de relations de travail précaires. Si M. D... et Mme F... soutiennent enfin qu'ils sont bien intégrés en France, où leurs enfants sont scolarisés, et qu'ils maîtrisent la langue française, ils ne résidaient toutefois en France que depuis moins de cinq ans à la date des décisions contestées et n'établissent pas être dans l'impossibilité de reformer leur cellule familiale avec leurs enfants en Géorgie, où ils ont vécu l'essentiel de leur vie et où ils ne justifient pas être sans attaches privées et familiales, alors au demeurant qu'ils font tous deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de même que leur fille aînée Nino. Dans ces conditions, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article

L. 313-11, ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des requérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1°et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

5. Si M. D... et Mme F... se prévalent de leur situation privée et familiale telle qu'exposée au point 3, de la durée de leur séjour en France, ces éléments, pas plus que les perspectives d'embauche qu'ils évoquent sans en établir la réalité, ne sauraient suffire à constituer des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet n'a dès lors pas méconnues.

6. S'agissant en troisième et dernier lieu des moyens tirés de ce que les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour seraient insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle, M. D... et Mme F... n'apportent aucun élément particulier de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Rennes sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la légalité des arrêtés du préfet du Morbihan du 21 septembre 2018 en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du 1° de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Les requérants soutiennent pour la première fois en appel que les décisions contestées méconnaissent ces stipulations et font valoir à ce titre que leur fils Nikoloz a suivi sa scolarité en France où il a un projet scolaire ainsi que tous ses repères. Ils n'établissent toutefois pas que ce dernier se trouverait empêché de suivre ses parents en Géorgie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans, ni qu'il ne pourrait y poursuivre son cursus. Dans ces conditions le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. S'agissant en quatrième et dernier lieu du moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient insuffisamment motivées, M. D... et Mme F... n'apportent aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Rennes sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la légalité des arrêtés du préfet du Morbihan du 21 septembre 2018 en tant qu'ils fixent le pays de destination :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Si les requérants font valoir qu'ils ont fui leur pays en raison de persécutions auxquelles ils y étaient exposés, ils ne produisent toutefois aucun élément probant à l'appui de leurs allégations. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant leurs demandes d'asile ont été rejetées à deux reprises par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. S'agissant enfin des moyens de leurs requêtes tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination seraient insuffisamment motivées et n'auraient pas été précédées d'un examen particulier de leurs situations personnelles, M. D... et Mme F... n'apportent aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Rennes sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées, de même que celles qu'ils ont présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1 : Les requêtes de M. D... et de Mme F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme A... F... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme G..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2020.

Le rapporteur

M. E...La présidente

N. G...Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos19NT02737, 19NT02738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02737
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-13;19nt02737 ?
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