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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT01335

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juin 2020, 19NT01335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EPC France a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Calvados a suspendu l'exploitation de ses activités de stockage de produits explosifs à Boulon autorisées par l'arrêté du 2 décembre 2014 et de surseoir à statuer pour une durée de six mois pour permettre la notification au tribunal d'une décision du préfet du Calvados portant révision du plan de prévention des risques technologiques du dépôt d'explosifs de Boulon.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EPC France a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Calvados a suspendu l'exploitation de ses activités de stockage de produits explosifs à Boulon autorisées par l'arrêté du 2 décembre 2014 et de surseoir à statuer pour une durée de six mois pour permettre la notification au tribunal d'une décision du préfet du Calvados portant révision du plan de prévention des risques technologiques du dépôt d'explosifs de Boulon.

Par un jugement n° 1701618 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, la société EPC France, représentée par la SELARL Frédéric B... avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 juillet 2017 ou subsidiairement, de surseoir à statuer pour une durée de six mois afin de permettre la notification à la Cour d'une décision du préfet du Calvados permettant le déplacement des parties concernées des chemins ruraux à l'extérieur des zones de dangers Z1 et Z2 résultant de la capacité de stockage d'explosifs de 34 tonnes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, que le rapporteur public a modifié le sens de ses conclusions sans mettre les parties à même de connaître ce changement et, d'autre part, que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ses conclusions présentées à titre subsidiaire ;

­ le jugement est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 2 décembre 2014. De plus, les premiers juges se sont mépris sur le sens du moyen qu'elle avait invoqué dès lors qu'il n'y avait pas lieu d'apprécier la légalité des arrêtés préfectoraux concernés mais seulement de vérifier s'il y avait eu une modification notable dans les conditions d'exploitation de l'installation justifiant qu'elle relève du champ de l'article 17 de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007 et de contrôler que l'obligation de clôturer le site incluant les zones de dangers pyrotechniques Z1 et Z2 est ou non justifiée ;

­ l'arrêté attaqué du 6 juillet 2017 est illégal dès lors qu'il se fonde sur l'article 17 de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007 fixant les règles relatives à l'évaluation des risques et à la prévention des accidents dans les établissements pyrotechniques qui ne lui est pas applicable en vertu de l'article 20 du même arrêté dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 181-14 du code de l'environnement. En outre, selon une circulaire du 10 mai 2010, il peut être accepté que les zones de dangers Z1 et Z2 ne soient pas entièrement situées dans l'enceinte de l'établissement dans le cas d'une installation existante ;

­ à titre subsidiaire, il est demandé à la Cour de surseoir à statuer pour une durée de six mois pour permettre la notification à la Cour d'une décision du préfet du Calvados permettant le déplacement des parties concernées des chemins ruraux à l'extérieur des zones de dangers Z1 et Z2 résultant de la capacité de stockage d'explosifs de 34 tonnes.

Une mise en demeure de produire un mémoire en défense dans le délai d'un mois a été adressée, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le 13 janvier 2020, au ministre de la transition écologique et solidaire, l'informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et lui précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2, ce dont a également été informée la société EPC France par un courrier du même jour.

L'instruction a été close au 16 mars 2020, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire a été enregistré le 19 mars 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'environnement ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de Me B..., représentant la société EPC France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nitro-Bickford a été autorisée, par un arrêté du préfet du Calvados du 28 mai 2002, à exploiter, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, un dépôt d'explosifs d'une capacité de 12,125 tonnes situé dans la forêt de Cinglais sur le territoire de la commune de Boulon. Par un arrêté du 20 décembre 2011, cette autorisation a été transférée à la société EPC France. Estimant ce tonnage insuffisant, cette dernière société a sollicité du préfet, le 3 février 2011, l'autorisation d'étendre jusqu'à 50 tonnes la capacité d'exploitation de son dépôt d'explosifs. Après instruction et enquête publique, le préfet, par un arrêté du 2 décembre 2014, a autorisé un stockage d'explosifs pour une capacité de 34 tonnes assorti notamment de prescriptions tenant, d'une part, à l'entière maîtrise foncière de l'emprise représentée par les zones d'effets dites Z1 et Z2, et, d'autre part, à la mise en place d'une clôture artificielle, résistante, difficilement franchissable et d'une hauteur minimale de deux mètres afin d'interdire l'accès de ces deux zones. A défaut de réalisation de cette clôture, la société EPC France a été mise en demeure de respecter cette prescription par un arrêté préfectoral du 14 septembre 2015. Faute pour la société d'avoir déféré à cette mise en demeure dans le délai requis, le préfet du Calvados, par un arrêté du 10 juillet 2017, a suspendu l'autorisation d'exploiter ce dépôt d'explosifs, ramenant la capacité de stockage à celle initialement autorisée par son arrêté du 28 mai 2002 soit à 12, 125 tonnes. La société EPC France relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société EPC France allègue que la procédure suivie devant le tribunal a été irrégulière dès lors que les parties n'ont pas été informées de la modification du sens des conclusions du rapporteur public. Toutefois, il résulte du dossier de première instance que le sens de ces conclusions a été communiqué aux parties, via l'application Sagace, le 16 janvier 2019 à 11 h 45. Si le sens de ces conclusions a ensuite été modifié, les parties en ont été, contrairement aux affirmations de la société requérante, informées et ce, dans les plus brefs délais par un courrier du greffe dont elles ont accusé réception le même jour entre 12 h 10 et 12 h 12. Par suite, eu égard à l'information donnée aux parties et au très faible délai s'étant écoulé entre ces deux notifications, la procédure suivie devant le tribunal administratif n'a pas été irrégulière.

3. En deuxième lieu, la société requérante sollicitait du tribunal, dans les conclusions contenues dans son dernier mémoire enregistré le 19 septembre 2018, qu'il soit, à titre subsidiaire, sursis à statuer pour une durée de six mois afin que le préfet du Calvados notifie à la juridiction une décision portant révision du plan de prévention des risques technologiques du dépôt d'explosifs de Boulon prescrivant le déplacement des parties concernées des chemins ruraux à l'extérieur des zones de dangers Z1 et Z2 résultant de la capacité de stockage d'explosifs de 34 tonnes. Toutefois, le tribunal, qui a au demeurant visé ces conclusions dans son jugement, n'avait aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une telle demande qui devait être regardée comme une demande de report de l'audience formulée par une partie. Le juge n'est pas tenu, par ailleurs, de l'aviser de son refus. Par suite, alors que la société requérante n'établit pas, ni même n'allègue de motifs exceptionnels, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en rejetant implicitement la demande de report d'audience.

4. En troisième lieu, à supposer que le tribunal administratif ait statué à tort, pour l'écarter, sur un moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2014 qui n'aurait pas été soulevé devant lui, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

5. En quatrième lieu, si la société EPC France soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant, comme inopérant, le moyen tiré de ce que la sanction prononcée résulte d'une application erronée de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007, ces critiques portent sur le bien-fondé du jugement attaqué et sont par suite sans influence sur sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) / II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, (...), l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) 3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs, la réalisation des travaux, des opérations ou des aménagements ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; (...) " .

7. L'article 8.3.1 de l'arrêté du préfet du Calvados du 2 décembre 2014 autorisant l'exploitation de l'installation dont il s'agit prescrit à la société EPC France : " Une clôture est installée sur le site afin d'interdire l'accès dans les zones d'effets pyrotechniques Z1 (effets extrêmement graves) et Z2 (effets très graves), telles que définies à l'article 11 de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007 susmentionné, et de signaler cette interdiction. Elle est maintenue en bon état, lequel est garanti par des contrôles périodiques. / Elle est artificielle, résistante, difficilement franchissable et d'une hauteur minimale de 2 mètres.". Par un arrêté du 14 septembre 2015, le préfet du Calvados a mis en demeure la société EPC France de respecter cette prescription. Il ne résulte pas de l'instruction que la société ait déféré à cette mise en demeure. L'arrêté préfectoral contesté n'a ainsi que pour objet de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et selon la procédure qu'elles prévoient, une sanction eu égard à l'inobservation des prescriptions applicables à l'installation dont il s'agit. Dans ces conditions, si la société requérante allègue, pour s'exonérer de son obligation de respecter la prescription, que les modifications apportées en 2014 à l'installation ne présentaient pas un caractère substantiel au sens des dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, de sorte que, n'étant pas contrainte de déposer en 2014 une nouvelle demande d'autorisation, elle n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 17 de l'arrêté ministériel du 20 avril 2007 fixant les règles relatives à l'évaluation des risques et à la prévention des accidents dans les établissements pyrotechniques, cette circonstance est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement. En tout état de cause, il est constant que la demande présentée le 3 février 2011, laquelle a donné lieu à l'édiction de l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2014, avait pour objet de solliciter une augmentation de la capacité du dépôt d'explosifs d'un timbrage de 12,125 tonnes pour la porter à 50 tonnes, ce qui représente une augmentation de plus de 410 %, qui a été ramenée, pour des raisons de sécurité publique, à 34 tonnes dans l'arrêté d'autorisation (+ 280 %). Dans ces conditions, l'ampleur de cette augmentation, qui porte au surplus sur une matière particulièrement dangereuse, était de nature à entraîner des nouveaux dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en particulier pour la commodité du voisinage et la sécurité des usagers de la forêt, tels promeneurs ou chasseurs. La demande présentée par la société EPC France devait être ainsi regardée, contrairement à ce que soutient la requérante, comme portant, compte tenu de cette modification substantielle dans les conditions d'exploitation, sur une nouvelle installation nécessitant, par suite, le délivrance d'une nouvelle autorisation. Pour minimiser l'importance de cette modification, la société ne saurait utilement se prévaloir du timbrage de 60 tonnes porté à 80 tonnes par l'arrêté préfectoral du 12 août 1960 modifié par celui du 16 janvier 1978 dès lors, d'une part, que cet arrêté a été abrogé par celui du 28 février 2002 (article 15) et, d'autre part, que l'autorité administrative devait examiner la demande présentée en 2011 au regard des conditions d'exploitation existantes et autorisées à la date de cette demande, lesquelles étaient encadrées par les prescriptions contenues dans l'arrêté préfectoral du 28 mai 2002 conçues pour un timbrage de 12,125 tonnes. Elle ne saurait également se prévaloir des prévisions de la circulaire du 10 mai 2010 récapitulant les règles méthodologiques applicables aux études de dangers qui n'ont pas de valeur réglementaire ni ne contiennent des orientations ou lignes directrices qui s'imposeraient à l'autorité préfectorale. Au surplus, l'extrait de la circulaire dont se prévaut la société requérante concerne les cas d'une modification d'une installation ayant pour objectif une meilleure maîtrise du risque d'accident majeur dans l'installation et qui se caractérise par la réduction des zones d'effet à l'extérieur du site, ce qui ne peut viser la demande qu'elle avait présentée en 2011 eu égard à l'ampleur de la modification envisagée rappelée ci-avant. De plus, les prescriptions contenues dans l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2014, dont celle contestée, ont été arrêtées, ainsi qu'il résulte du rapport de l'inspecteur des installations classées du 26 septembre 2014, compte tenu des résultats de l'étude de dangers que la société requérante avait elle-même établie au regard des critères fixés par cette circulaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de sursis à statuer qu'elle sollicite, que la société EPC France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société EPC France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EPC France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EPC France et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

M. C...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT01335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01335
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : DEFRADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt01335 ?
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