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17/07/2020 | FRANCE | N°18NT04268

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT04268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et l'Association de défense de Kermorus-Vilar Grenn ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2015 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la Société d'initiatives et de coopération agricoles (SICA) un permis de construire une station de collecte et d'expédition de légumes sur un terrain situé lieu-dit Vilar Grenn, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1601902 du 5 octobre 2018, le tr

ibunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et l'Association de défense de Kermorus-Vilar Grenn ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2015 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la Société d'initiatives et de coopération agricoles (SICA) un permis de construire une station de collecte et d'expédition de légumes sur un terrain situé lieu-dit Vilar Grenn, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1601902 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 4 décembre 2018 et des mémoires enregistrés les 27 mai 2019, 27 janvier 2020, 24 février 2020 et 19 juin 2020, M. F... C... et l'Association de défense de Kermorus-Vilar Grenn, représentés par la SELARL Valadou-Josselin, demandent à la cour :

* d'annuler ce jugement du 5 octobre 2018 ;

* d'annuler l'arrêté du maire de St-Pol-de-Léon du 6 novembre 2015 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux ;

* de mettre à la charge de la commune de St-Pol-de-Léon le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce que :

- il est insuffisamment motivé en son point 11 ;

* - il est entaché d'une contradiction de motifs entre les points 11 et 20 et au point 13

- le jugement est mal fondé :

- les dispositions de la loi littoral ont été méconnues dès lors que le projet de la SICA ne peut être regardé comme étant lié aux activités agricoles au sens du 2ème alinéa de l'article L. 146-4-1 du code de l'urbanisme et présente un caractère commercial ; la dérogation prévue par le 2ème alinéa de cet article ne peut trouver à s'appliquer dès lors que le projet porte atteinte à l'environnement et aux paysages ; une erreur d'appréciation a été commise compte tenu de l'atteinte portée à l'environnement et au manoir de Kermorus ;

- l'article Aut4 du plan local d'urbanisme a été méconnu faute de justification des servitudes pour l'évacuation des eaux;

- l'article AUt10 du plan local d'urbanisme a été méconnu compte tenu du caractère insuffisant des mesures prises pour éviter de porter atteinte au caractère des lieux ; il est porté atteinte à la qualité patrimoniale du manoir et d'une fontaine en cours de restauration ;

- l'article Aut6 du plan local d'urbanisme a été méconnu ; les murs de soutènement de part et d'autre de la rampe d'accès d'une hauteur supérieure à celle du terrain naturel constituent des constructions devant être implantées à 10 m de la limite séparative ;

- l'article Aut11 a été méconnu dès lors que l'implantation des arbres ne permet pas une bonne insertion paysagère ;

- une erreur manifeste d'appréciation a été commise au titre de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme eu égard aux nuisances induites pour le voisinage (bruit, pollution visuelle du fait de l'éclairage, risque d'incendie et d'explosion) ;

- l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme a été méconnu puisque la commune n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai un réseau d'évacuation des eaux pluviales pourra être réalisé ;

- l'intégralité des moyens soulevés en première instance sont repris.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 mai 2019, 27 janvier 2020, 10 et 21 février 2020, la Société d'initiative et de coopérative agricole (SICA) de St Pol-de-Léon, représentée par Me B..., conclut :

* au rejet de la requête ;

* à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

* de mettre à la charge de M. C... et de l'Association de défense de Kermorus-Vilar une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

* les requérants ne présentent pas d'intérêt pour agir : M. C... n'habite pas sur place et n'a aucune vue directe sur le projet ; l'association ne justifie pas avoir la personnalité juridique et ne défend que les intérêts de M. C... ;

* le jugement est régulier ;

* aucun des moyens n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mai 2019, 27 janvier et 21 février 2020, la commune de St Pol-de-Léon, représentée par la Selarl Le Roy, G..., Prieur, conclut :

* au rejet de la requête ;

* à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* la requête est irrecevable ; la formalité de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'a été accomplie ni devant le tribunal ni devant la cour ;

* le jugement est régulier ;

* aucun moyen n'est fondé.

Par une lettre du 25 mars 2020, la cour a informé les parties, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'elle était susceptible de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué afin de permettre la régularisation éventuelle du vice tiré de la méconnaissance de l'article AUt6 du règlement du plan local d'urbanisme de St Pol-de-Léon.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2020, la commune de St Pol-de-Léon indique que la rampe d'accès ne constitue pas une construction de sorte que l'article AUt6 n'a pas été méconnu ; subsidiairement, un tel vice pourrait être régularisé.

Par un mémoire enregistré le 11 juin 2020, la Société d'initiative et de coopérative agricole (SICA) de St Pol de Léon soutient à titre principal, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AUt6 est inopérant ; à titre subsidiaire, elle sollicite le bénéfice des articles L 600-5 et L 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. C... et l'association de défense de Kermorus-Vilar Green, les observations de Me G..., représentant la commune de Saint-Pol-de-Léon, et les observations de Me B..., représentant la société d'initiatives et de coopération agricoles.

Considérant ce qui suit :

1. La Société d'initiatives et de coopération agricoles (SICA) de St-Pol-de-Léon a, le 12 juin 2015, présenté une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une station de collecte et d'expédition de légumes, d'une surface de 56 783 m² de plancher. Aux termes de l'arrêté en litige du 6 novembre 2015 le maire de St Pol-de-Léon a délivré le permis sollicité. M. C..., propriétaire de plusieurs parcelles de terrain formant le manoir de Kermorus-Vilar situé au sud du terrain d'assiette du projet et l'Association de défense de Kermorus-Vilar-Grenn ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite par laquelle leur recours administratif présenté le 29 décembre 2015 a été rejeté. Par un jugement n° 1601902 du 5 octobre 2018, le tribunal a rejeté leur demande, M. C... et l'association relèvent appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Les appelants ont régulièrement notifié à la SICA de St-Pol-de-Léon et à la commune de St Pol-de-Léon, leur requête d'appel enregistrée au greffe de la cour le 4 décembre 2018 par des courriers recommandés avec accusé de réception postés le 5 décembre 2018 conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir, opposée par les défendeurs doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les requérants soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne préciserait pas, en son point 11, en quoi le projet de la SICA serait lié à une activité agricole au sens de l'alinéa 2 du I de l'article L. 164-1 du code de l'urbanisme. Toutefois, après avoir rappelé, au point 10, les dispositions applicables, le jugement critiqué mentionne, au point 11, les considérations de fait qui le fondent et notamment les liens fonctionnels existant entre l'activité de la SICA et celle des exploitants agricoles ainsi que les raisons ayant conduit la pétitionnaire à retenir le site de Kermorus-Vilar eu égard en particulier aux aménagements ayant pu être apportés au projet de la pétitionnaire. Le jugement attaqué est, par suite, suffisamment motivé conformément aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.

4. En second lieu, si les requérants font valoir que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, un tel moyen relève de la critique du bien-fondé de ce jugement et non de sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ( ) ".

6. Il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Enfin, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier d'une part, que M. C... a, par acte notarié du 26 janvier 2010, acquis la propriété d'une partie du manoir de Kermorus en nature de maison d'habitation, de dépendances et d'une partie d'une tour, le tout cadastré section BE n° 412, 413, 414, 415 et 65. Ces parcelles jouxtent le sud du terrain d'assiette du projet de la SICA. M. C... est ainsi voisin immédiat de ce projet. Des vues directes depuis les fenêtres du 1er étage ainsi que depuis la cour du manoir existent sur la propriété voisine. Dans ces conditions, alors même que l'occupation des lieux par M. C... ne serait pas permanente, la proximité de la construction autorisée par le permis en litige ainsi que les conditions de fonctionnement de la plateforme de collecte et d'expédition de légumes de la SICA, notamment l'importance de la circulation susceptible d'être induite par l'exploitation de la plateforme et de l'éclairage nocturne, est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt et la qualité pour agir de l'association pour la défense de Kermorus-Vilar, la requête présentée conjointement par M. C... et l'Association de défense de Kermorus-Vilar Grenn est recevable

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le recours administratif présenté par M. C... et l'association de défense de Kermorus à l'encontre de l'arrêté du maire de St Pol-de-Léon du 6 novembre 2015 a été notifié à la SICA le 30 décembre 2015. Le recours contentieux enregistré au greffe du tribunal administratif de Rennes le 29 avril 2016 a été notifié au maire de St Pol-de-Léon et à la SICA le 2 mai 2016 ainsi qu'il ressort des recommandés avec accusé de réception qui leur ont été adressés. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme aurait été méconnu.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire :

9. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ".

10. Il ne ressort pas de ces dispositions que les pièces afférentes à l'existence d'une servitude de passage de canalisations d'eaux pluviales devraient être jointes à la demande de permis de construire. Par suite, l'absence de telles pièces dans le dossier de demande de permis de construire est sans influence sur sa légalité.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme :

11. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, en sa rédaction applicable en l'espèce : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. (...) ".

12. Le projet concerne la construction d'une plateforme de collecte, de conditionnement et d'expédition pour la mise sur le marché des produits agricoles produits par environ 1 500 producteurs répartis sur 1 100 exploitations dans 84 communes. Cet équipement est destiné à permettre le regroupement d'une vingtaine de points de collecte préexistants et à faciliter le traçage des produits en minimisant les coûts de logistique et de transport. L'activité de la SICA présente ainsi un lien avec l'activité agricole alors même qu'en raison de son objet social, à caractère industriel et commercial, elle ne relèverait pas des dispositions de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime. En outre, cette installation, relevant du régime des installations classées au titre de 8 rubriques distinctes, ayant donné lieu à un récépissé de déclaration du 15 juin 2015, qui doit s'installer sur un terrain d'assiette de 5 ha, fonctionnera 24 heures sur 24, engendrera un important trafic estimé à 200 tracteurs, 100 camions en chargement et 40 camions en déchargement. Dans ces conditions, une telle installation, eu égard à ses conditions d'exploitation, présente un caractère incompatible avec le voisinage des zones habitées.

13. Il ressort également des pièces du dossier que le préfet du Finistère a, le 7 octobre 2015, donné son accord à la dérogation prévue par les dispositions susmentionnées après avoir recueilli l'avis émis le 22 septembre 2015 par la commission départementale de la nature des paysages et des sites.

14. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AUt 4 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme :

15. L'article AUt 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) prévoit que les eaux pluviales devront être recueillies par le réseau collectif d'évacuation des eaux pluviales. A défaut d'un tel réseau, elles doivent être traitées par une installation autonome d'assainissement et de rejet adapté au projet. Tout projet de construction ou d'aménagement créant de nouvelles surfaces imperméabilisées doit intégrer un dispositif de stockage ou d'infiltration, soit global, soit à la parcelle, de nature à réguler le débit d'occurrence décennale généré par la parcelle d'origine. Cet article précise qu'un système d'infiltration sera privilégié à tout autre système de régulation. L'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, en sa rédaction alors applicable, dispose que " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ( ) ".

16. Il ressort des pièces du dossier qu'une convention de participation financière aux équipements publics exceptionnels a été conclue le 31 octobre 2015, en application de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, entre la commune de St Pol-de-Léon et la SICA. Cet accord prévoit la pose de canalisations souterraines pour l'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales qui seront installées, la première entre l'intersection de Kernascolec et le réseau d'eaux usées de la voie principale de la zone d'activités de Kerranou et la seconde entre l'accotement de la RD 788 et le milieu récepteur identifié à Milin An Eskop (rejet dans l'Horn). Des conventions de servitude de passage en terrain privé seront établies par la mairie et les pompes du système de pompage seront remplacées. Cette convention prévoit en outre que l'assistance technique et la maîtrise d'oeuvre des travaux seront assurées par la ville de St Pol-de-Léon et précise que les travaux ne pourront démarrer avant un délai de 4 mois suivant la délivrance du permis de construire de la station de conditionnement purgé de tout recours suspensif.

17. Dans ces conditions, les moyens tirés par les requérants de la méconnaissance des articles AUt 4 du plan local d'urbanisme et L. 111-4 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AUt 6 du règlement du plan local d'urbanisme :

18. Aux termes de l'article AUt 6 du plan local d'urbanisme : " Les constructions doivent être implantées à une distance minimale de 10 mètres par rapport aux limites séparatives (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan masse du permis de construire qu'une rampe d'accès reposant sur un remblai de terrain naturel et bordé de murs de soutènement d'une hauteur de 1,20 m destinée à permettre l'accès des véhicules à l'entrepôt, doit être édifiée. Compte tenu de ses caractéristiques, cet ouvrage doit être regardé comme constituant une construction au sens de ces dispositions. Par suite, elle ne peut être implantée à moins de 10 mètres des limites séparatives. En l'espèce, il est constant que la rampe d'accès est prévue pour être implantée à moins de 10 mètres des limites séparatives du terrain d'assiette du projet. Une telle implantation méconnaît ainsi les dispositions précitées de l'article AUt 6 du plan local d'urbanisme.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AUt 10 du règlement du plan local d'urbanisme :

20. Aux termes de l'article AUt 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Pol-de-Léon : " Les constructions, bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, du fait de leur situation, de leur architecture, de leurs dimensions ou de l'aspect extérieur. / Les projets devront présenter une harmonie dans les volumes, les proportions, le choix des matériaux (...) ".

21. Dans le périmètre de 100 m autour du terrain d'assiette du projet de la SICA, se trouve le manoir de Kermorus, appartenant pour partie à M. C..., édifice qui, bien que n'ayant été classé au titre des monuments historiques que le 2 mars 2016, soit postérieurement à la date de la décision en litige, présente un intérêt patrimonial particulier. S'il est constant que les dimensions de la plateforme de la SICA sont conséquentes (420 m de longueur et une largeur de 215 m pour une hauteur pouvant aller jusqu'à 19 m), ses formes seront simples, des coloris et des matériaux variés seront mis en oeuvre sur les façades du bâtiment afin de s'harmoniser avec le paysage, les volumes principaux seront de couleur claire et pourront être revêtus de ganivelles, une partie plus haute sera traitée en patchwork et certains bardages seront de couleur gris sombre afin de se fondre plus aisément dans le paysage lointain. Des plantations seront réalisées sur le pourtour du terrain d'assiette avec des végétaux d'essence locale pour limiter l'impact visuel et assurer la continuité paysagère avec l'environnement rural voisin. S'agissant spécifiquement de la limite sud de ce terrain, un talus de 3 mètres de haut planté avec des arbres et arbustes de tailles différentes eux-mêmes étagés sur ce merlon sera réalisé afin de limiter l'impact de la construction de la SICA visible depuis l'allée menant au manoir ou de la cour de ce dernier.

22. S'il ressort des termes du procès-verbal de la réunion de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites qu'un de ses membres a souhaité que le volet paysager soit plus élaboré, cette circonstance n'est pas à elle seule, alors qu'au demeurant la commission a donné un avis favorable par 12 voix sur 18, et qu'il est constant que les environs du manoir se caractérisent, dans un milieu rural banal, par la présence, à 600 m environ, de la zone industrielle de Kerrenou, de hangars agricoles, d'un chenil et d'un poste de transformation, de nature à démontrer, compte-tenu des mesures prises par la pétitionnaire, que le maire de St Pol-de-Léon aurait fait une inexacte application de l'article AUt10 du plan local d'urbanisme.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AUt 11 du règlement du plan local d'urbanisme :

23. Aux termes du troisième alinéa de l'article AUt11 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Pol-de-Léon : " Les espaces de stationnement dédiés aux véhicules légers devront être plantés à raison d'un arbre pour 10 emplacements. ".

24. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande de permis de construire que 162 places de stationnement sont prévues, dont 44 à l'ouest et 118 au nord et que 27 arbres seront plantés. Contrairement à ce qui est allégué par les requérants, si ces dispositions imposent une norme quantitative, elles ne précisent pas les conditions selon lesquelles les plantations d'arbres doivent être réalisées et en particulier leur répartition sur le terrain. Le moyen tiré de la violation de l'article AUt11 du PLU doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance, de son implantation à proximité d'autres installations ".

26. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative de refuser un permis de construire ou de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour la salubrité ou la sécurité publique. A ce titre, s'il n'appartient pas à l'autorité qui le délivre d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relative à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

27. En l'espèce en premier lieu, il n'est pas établi ni même d'ailleurs allégué que la plateforme de la SICA méconnaîtrait les prescriptions relatives à ses conditions d'exploitation prévues par la réglementation applicable en matière d'installations classées et en particulier les règles de distance entre l'activité menée et le voisinage prévues par l'article L. 512-10 du code de l'environnement et les arrêtés ministériels des 25 juillet 1997, 14 janvier 2000, 13 décembre 2008 et 19 novembre 2009 afin de limiter les risques d'incendie ou d'explosion liés à la présence sur le site d'ammoniac et de matériaux inflammables ou les prescriptions émises par le service départemental d'incendie et de secours dans son avis du 17 septembre 2015.

28. En deuxième lieu, si le fonctionnement de la plateforme est susceptible de créer des nuisances phoniques ou visuelles liées à l'éclairage de l'installation imposé par son activité continue, les allégations des requérants, ne sont pas assorties de précisions suffisantes de nature à établir que le projet porterait atteinte aux intérêts protégés par l'article R. 111-2 mentionné ci-dessus. Au demeurant, il est constant que le manoir est éloigné de 100 m de la plateforme de la SICA.

29. En troisième lieu, la mise en service du site de la SICA entraînera sur la route départementale 788 aux abords du site une circulation accrue de véhicules dont le volume a pu être estimé quotidiennement à 200 tracteurs et 140 camions. Alors même que cet axe supporte déjà une circulation importante estimé à 13 000 véhicules par jour, l'accroissement du trafic ne sera que de 1,5 % compte tenu de la fermeture corrélative de deux autres sites de la SICA dans le Finistère. Pour minimiser les risques susceptibles de découler de cette circulation, il a été décidé, en lien avec les services du conseil départemental du Finistère, de créer un rond-point préférentiellement à un tourne-à-gauche.

30. Enfin, l'étude hydraulique effectuée par la commune dans le cadre de l'instruction du projet permet de constater que la création de bassins d'orage régulera les volumes d'eaux pluviales recueillies sur le site avant de rejoindre l'Horn.

31. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 en ses différentes branches doit être écarté.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

32. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

33. Les dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme permettent au juge de procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme non divisible, dans le cas où l'illégalité affectant une partie identifiable d'un projet de construction ou d'aménagement est susceptible d'être régularisée.

34. L'illégalité résultant de la méconnaissance de l'article AUt6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de St Pol-de-Léon n'affecte qu'une partie identifiable du projet autorisé par l'arrêté du 6 novembre 2015. Cette irrégularité n'apparaît pas en l'espèce insusceptible d'être régularisée, en particulier par la délivrance d'un permis de régularisation et il est constant que les travaux de construction ne sont pas achevés. En outre il n'apparaît pas que les modifications susceptibles d'être apportées au projet initial pour remédier à l'illégalité constatée, puissent être regardées par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale.

35. Dans les circonstances de l'espèce, il y a dès lors lieu, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, de prononcer la seule annulation partielle du permis au sens de ce texte et de fixer à trois mois le délai, courant à compter de la notification du présent arrêt, dans lequel la société pétitionnaire pourra, si elle le juge utile, demander la régularisation de ce permis de construire.

36. Il résulte de ce qui précède que M. C... et l'Association de défense de Kermorus-Vilar-Grenn sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire du 6 novembre 2015 en tant qu'il méconnaît l'article AUt6 du règlement du plan local d'urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de St Pol-de-Léon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par M C... et l'association de défense de Kermorus-Vilar-Grenn.

38. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... et de l'association de défense de Kermorus-Vilar-Grenn le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de St Pol-de-Léon et la SICA de St Pol-de-Léon et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... et de l'Association de défense Kermorus-Vilar-Grenn tendant à l'annulation du permis de construire du 6 novembre 2015 en ce qu'il ne respecte pas, s'agissant de la rampe d'accès des véhicules à la plateforme, les règles de distance prévues par l'article AUt6 du plan local d'urbanisme.

Article 2 : Le permis de construire du 6 novembre 2015 est annulé en tant qu'il ne respecte pas, s'agissant de la rampe d'accès des véhicules à la plateforme, les règles de distance prévues par l'article AUt6 du plan local d'urbanisme.

Article 3 : Il appartiendra à la SICA de St Pol de Léon, si elle le juge utile, de solliciter de l'autorité administrative compétente, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une régularisation du projet afin de le rendre conforme aux dispositions de l'article UAt6 du plan local d'urbanisme.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de St Pol-de-Léon et la SICA de St Pol-de-Léon au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à l'Association pour la défense de Kermorus-Vilar-Grenn, à la Société d'initiative et de coopération agricoles et à la commune de St Pol-de-Léon.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 , à laquelle siégeaient :

- M. Pérez président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. D...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04268
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt04268 ?
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