La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2020 | FRANCE | N°19NT03022

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT03022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... alias D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n°1902306 du 16 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 25 novembre 2019, M. B..., représent

par Me Le Tallec, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... alias D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n°1902306 du 16 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 25 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Le Tallec, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Ille-et-Vilaine de l'admettre au séjour au titre de l'asile à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 et l'article 17 et 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

* il aurait dû prendre en compte son parcours en Italie où il a subi des traitements inhumains et dégradants constitués par un manque de soins, des injures et persécutions à caractère raciste et du fait des défaillances systémiques du système d'asile en Italie ;

* il justifie d'une parfaite intégration et souffre d'une fragilité psychique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Elle informe la cour de la prolongation du délai de transfert de M. B... pour cause de fuite de l'intéressé et soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant Sierra-Léonais, est entré en France selon ses déclarations le 17 mars 2018 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées les 24 mai et 14 juin 2017 en Italie. Suite à l'accord implicite des autorités italiennes à la reprise en charge de M. B..., le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris, le 6 septembre 2018, un arrêté portant transfert de l'intéressé aux autorités italiennes, responsables de l'instruction de sa demande d'asile. Cet arrêté a été mis à exécution. Toutefois, M. B... a regagné le territoire français et a déposé, à nouveau, une demande d'asile le 22 mars 2019. Par un arrêté du 10 mai 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé de transférer à nouveau l'intéressé aux autorités italiennes. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur le bien fondé du jugement :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige portant transfert de M. B... aux autorités italiennes comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté fait état de la situation personnelle de M. B... et la préfète d'Ille-et-Vilaine a procédé à un examen sérieux et complet de sa situation, en relevant notamment que l'intéressé avait indiqué lors de son entretien individuel ne pas souffrir de problèmes de santé et accepter la transmission de toute information médicale relative à son état de santé au pays responsable de sa demande d'asile, qu'il n'était pas établi que l'intéressé souffre d'une pathologie l'empêchant d'exécuter son transfert en Italie et qu'il ne faisait valoir aucun élément personnel, familial ou médical, de nature à remettre en cause la décision contestée.

3. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

4. M. B... soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, il n'établit pas que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage par ses seules déclarations qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, liés à un manque de soins ou à des persécutions à caractère raciste, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. "

6. La préfète d'Ille-et-Vilaine, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, a indiqué que la situation de M. B... ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement et qu'il n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de transfert aux autorités italiennes. En se prévalant de son parcours récent d'intégration en France, le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. De même, la fragilité psychologique de l'intéressé, attestée par un certificat médical du 14 mai 2019, n'est pas, en elle-même, de nature à faire obstacle à son transfert vers l'Italie, dès lors qu'il n'est pas établi que l'intéressé ne pourrait pas recevoir des soins appropriés en Italie. Dans ces conditions, la préfète d'Ille-et-Vilaine, en s'abstenant de mettre en oeuvre la possibilité que la France examine sa demande d'asile, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... alias D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

F. PonsLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT03022 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03022
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt03022 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award