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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT02275

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT02275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi après avoir été vaccinée contre l'hépatite B les 1er et 29 juillet 1995 dans le cadre d'une campagne nationale de vaccination.

Par un jugement n° 1703594 du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;

2°) d'ordon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi après avoir été vaccinée contre l'hépatite B les 1er et 29 juillet 1995 dans le cadre d'une campagne nationale de vaccination.

Par un jugement n° 1703594 du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale pour évaluer ses préjudices ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 350 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2015 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée de la tardiveté de sa demande ;

- l'Etat a engagé sa responsabilité pour faute en recommandant dans les années 1990 à la population de se faire vacciner contre l'hépatite B, dans l'intérêt des fabricants de vaccins, en dépit des risques que présentait cette vaccination et alors que ses avantages n'étaient pas démontrés ;

- le lien de causalité entre la sclérose en plaques dont elle souffre et la vaccination contre l'hépatite B qui lui a été administrée les 1er et 29 juillet 1995 est établi ;

- sa pathologie étant évolutive, il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale pour évaluer ses préjudices ;

- elle est fondée à demander le versement d'une provision qui ne saurait être inférieure à 350 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2019 le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une campagne nationale de sensibilisation soutenue par l'Etat, Mme C... a été vaccinée contre le virus de l'hépatite B les 1er et 29 juillet 1995, à l'âge de 17 ans. En 1996, une sclérose en plaques lui a été diagnostiquée. Estimant que la vaccination contre le virus de l'hépatite B était à l'origine de sa maladie, elle a saisi le ministre en charge de la santé d'une demande d'indemnisation de ses préjudices. Le ministre a rejeté sa demande par un courrier du 1er avril 2016, notifié le 8 avril 2016. Mme C... a alors demandé au tribunal administratif d'Orléans de reconnaître la responsabilité de l'Etat, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale pour évaluer ses préjudices et de condamner l'Etat à lui allouer une indemnité provisionnelle de 350 000 euros. Le tribunal, accueillant une fin de non-recevoir opposée en défense, a par un jugement du 25 avril 2019 rejeté pour tardiveté la demande de Mme C..., laquelle relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte, par ailleurs, du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.

4. D'une part, il résulte de ce qui a été rappelé au point 3 que le tribunal administratif d'Orléans ne pouvait rejeter le recours contentieux de Mme C... au motif qu'il avait été formé après le délai raisonnable d'un an, qui n'est pas applicable aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme C... a, par courrier du 8 février 2016, saisi le ministre en charge de la santé d'une demande préalable indemnitaire. Le ministre a rejeté cette demande par une décision du 1er avril 2016, notifiée le 8 avril suivant, qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours contentieux, délais qui n'étaient donc pas opposables à la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif d'Orléans.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le recours de Mme C... au motif qu'il était tardif et, par suite, irrecevable. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme C....

Sur la responsabilité de l'Etat :

7. Mme C... soutient que l'Etat a commis une faute en recommandant dans les années 1990 à la population française de se faire vacciner contre le virus de l'hépatite B. Elle fait valoir qu'il aurait exagéré les bénéfices de cette vaccination et minimisé ses risques et qu'il se serait " conformé à un plan marketing qui avait été défini par les fabricants dès la fin des années 1980 ".

8. Il résulte des pièces versées à l'instruction, notamment d'un rapport du centre régional de pharmacovigilance Alsace du 15 décembre 1994, d'une étude publiée dans la Revue internationale de pédiatrie (n° 256, avril 1995) et des évaluations réalisées par le système national de pharmacovigilance, qu'à la date des faits en cause l'hépatite B était reconnue comme une infection virale susceptible d'évoluer vers une forme fulminante comportant un risque de mortalité très élevé ou, dans certains cas, vers une forme chronique exposant les patients à un risque de complications très graves telles que la cirrhose ou le cancer du foie, que le nombre de personnes contaminées par l'hépatite B n'avait cessé d'augmenter dans les années antérieures malgré l'obligation faite aux personnes les plus à risque de se faire vacciner, et que les effets indésirables de la vaccination apparaissaient limités au regard de son efficacité et des bénéfices qui en étaient attendus. Par suite, en décidant de promouvoir la vaccination contre le virus de l'hépatite B dans les années 1990, en particulier auprès de certaines personnes à risque, parmi lesquelles figurent les adolescents en raison des modalités de transmission de ce virus, l'Etat, dont il n'est en outre pas établi par les pièces versées à l'instruction qu'il aurait poursuivi des buts étrangers à la protection de la santé publique, n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile d'ordonner une expertise médicale, que la demande de Mme C... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1703594 du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée, ainsi que ses conclusions en appel tendant à ce que soit fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 1er octobre2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur

E. B...Le président

C. Brisson

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02275
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CHAUSSONNIERE-RIBEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt02275 ?
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